«Il a sa part de responsabilité» : pour François Fillon, Zelensky «n’est pas le héros irréprochable magnifié par les Européens»
François Fillon a la dent dure contre Volodymyr Zelensky. Quelques jours après l’impressionnante altercation entre Donald Trump et son homologue ukrainien dans le Bureau ovale - scène qui a eu l’effet d’une déflagration sur la scène internationale - , les partisans d’une aide défensive à l’Ukraine se plient en quatre pour essayer de combler le vide laissé par les États-Unis - Washington a annoncé suspendre leur aide militaire à Kiev dans la nuit de lundi à mardi. Un tournant diplomatique majeur pour l’Amérique, de plus en plus proche de la position poutinienne sur la guerre russo-ukrainienne, que nuance l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy.
Dans une interview fleuve accordée au magazine Valeurs actuelles , François Fillon observe que le clash historique entre les deux chefs d’État «a le mérite de faire voter en éclats les faux-semblants qui caractérisent les analyses occidentales du conflit en Ukraine». Un mois et demi après le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, l’ex-député de la Sarthe juge que le milliardaire républicain «n’est que la version brutale d’une réalité maintes fois démontrée : l’Amérique n’a pas d’amis». Peu importe finalement si le président des États-Unis se nomme Joe Biden ou Donald Trump, François Fillon remet en cause la politique étrangère de l’Oncle Sam qui «aura tour à tour jeté de l’huile sur le feu en manipulant le débat politique en Ukraine et en promettant une adhésion à l’Otan irresponsable.»
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Si le candidat malheureux de la présidentielle de 2017 reconnaît que la Russie «a commis une faute en déclenchant ce conflit dans lequel elle est enlisée depuis trois ans», il considère qu’il «aurait pu être évité si les dirigeants occidentaux avaient cherché à en comprendre les causes plutôt que de se draper dans le camp du bien.» Et de pointer du doigt la soi-disant naïveté de ces responsables politiques vis-à-vis du président ukrainien : «Zelensky n’est pas le héros irréprochable magnifié par des Européens auxquels il procure le frisson d’un combat pour la liberté par procuration.» La bête noire de Vladimir Poutine, placée dans le viseur de François Fillon, aurait selon ce dernier «sa part de responsabilité dans le déclenchement de la guerre». Pis, il «refuse aujourd’hui d’arrêter une guerre qu’il ne peut pas gagner.»
«Pas grand-chose à dire à Poutine»
S’agissant du président russe qu’il avait rencontré du temps de ses responsabilités politiques nationales, l’ancien premier ministre affirme que «nous n’avons plus grand-chose à lui dire», Vladimir Poutine «parlant avec le président des États-Unis, qu’il considère comme le seul interlocuteur capable de négocier la paix». Le président américain a beau tenter «d’enrayer la montée en puissance d’un bloc hostile à l’Occident», François Fillon «craint, hélas, qu’il ne soit bien tard pour cela.»
Pour celui qui fut ministre de Jacques Chirac au début des années 2000, «les Russes n’attendent plus rien de l’Europe avec laquelle les relations resteront durablement compromises». La faute d’après lui aux «rodomontades inefficaces des Européens, (à) l’accumulation jusqu’à l’absurde des sanctions, (à) l’inutile inculpation de Vladimir Poutine par la Cour internationale de justice, comme d’ailleurs celle du premier ministre israélien.» «Tout a été fait pour rendre définitive la rupture avec la Russie.» Une erreur stratégique fatale dont François Fillon entend tirer des leçons pour l’avenir : «La question n’est pas de savoir si l’on aime le régime russe, mais celle de la relation stratégique que l’on doit avoir avec cet immense pays en grande partie européen, pour assurer la sécurité du continent.»