Lire Lolita à Téhéran, Manas, Je le jure... Les films à voir et à éviter cette semaine

Lire Lolita à Téhéran - À voir

Drame d’Eran Riklis - 1 h 47

Elle aurait dû le savoir. Dès son arrivée à l’aéroport de Téhéran, le policier peu amène lui a demandé ce que c’était que « ça » , d’un air dégoûté. « Des livres » , a-t-elle répondu. Mauvaise pioche. Dans l’Iran des années 1980, les livres étrangers disparaissent peu à peu des librairies de Téhéran. Golshifteh Farahani secoue ses longues boucles brunes, sidérée par l’affront fait à ses auteurs chéris, Nabokov, Fitzgerald, Austen, James. Elle rentre au pays après plusieurs années aux États-Unis et découvre que la littérature effraye les mollahs autant qu’une tête de femme non voilée. La double peine.

Le réalisateur israélien Eran Riklis adapte fidèlement le best-seller d’Azar Nafizi, Lire Lolita à Téhéran, publié en 2003 et traduit en 32 langues. Dans la longue série des films récents sur la tyrannie exercée sur le peuple iranien depuis trente-cinq ans, celui-ci pourrait faire figure de commencement : il était une fois la jeune République islamique… F. D.

La note du Figaro  : 3,5/4

Manas - À voir

Drame de Marianna Brennand - 1 h 41

Marcielle, dit Tielle, a 13 ans et des rêves d’ailleurs, surtout depuis que sa sœur Claudia a quitté la maison. Dans ce coin isolé en Amazonie, père et fils réparent le toit de paille pendant que mère et fille lavent le linge. Dans ce village de l’État du Para existe une violence domestique et sexuelle qui se déplace de génération en génération. Et c’est à travers Tielle qu’on la découvre. La jeune fille ne sait pas grand-chose de la vie. Elle s’informe sur son anatomie après avoir dégrafé les pages interdites de son manuel scolaire. Alors, quand son père lui propose de dormir avec lui parce que l’attache de son hamac a lâché, elle ne voit pas le mal, ni le mâle, pointer.

Dans cette contrée où le soleil brille inlassablement, #MeToo n’a pas encore fait d’étincelles. Marianna Brennand ne montre aucune scène d’abus sexuels d’un père sur sa fille alors qu’ils se répètent. À la place, elle s’attarde sur la tristesse d’un regard, une absence aux autres, insiste sur le traumatisme psychologique. F. V.

La note du Figaro : 3/4

Je le jure - À voir

Drame de Samuel Theis - 1 h 50

Il est coupable, ne le nie pas, et comparaît en appel devant les assises de la Moselle pour avoir volontairement mis le feu à un immeuble – un pompier est mort des suites de ses blessures. Le dossier est vu à travers le regard d’un juré. Fabio est jeté à son corps défendant dans le système judiciaire, dont il ne sait rien d’autre que les sottises débitées au café du commerce et dans certains médias. L’accusé a des traits angéliques. Le juré qu’on attend pétri de bienveillance ne l’est pas du tout. Le pyromane parle de la force qui le pousse à allumer des feux. Il la connaît intimement, mais ne peut l’expliquer de manière cartésienne à ceux qui le jugent. L’expert psychiatre livre un diagnostic : « altération du discernement. » L’accusation est donc partiellement aliénée : les jurés vont-ils en tenir compte en aménageant leur sentence, comme la loi le leur demande ?

Je le jure est un film de procès judiciairement juste, ce qui est rare. Le scénario, malin, permet au réalisateur Samuel Theis de sonder en profondeur la machine à juger. Le film, suprême finesse, ne viole pas le secret du délibéré, protégé par la loi, même si le verdict est prononcé devant la caméra. S. D-S.

La note du Figaro  : 3/4

Tardes de soledad - À voir

Documentaire d’Albert Serra - 2 h 05

Dans une arène battue par la pluie, un taureau genou à terre fixe le spectateur. Plus triste que ce regard caméra, on ne fait pas. Les caméras ne le lâchent pas d’une semelle Roca Rey, roi de l’arène né au Pérou et en Espagne depuis ses 10 ans, aujourd’hui âgé de 28 ans, dans sa tournée à travers le pays, de Madrid à Séville. Dans l’arène, les membres de sa cuadrilla ne cessent d’encourager leur champion entre deux banderilles. Mais Rey n’a pas un regard pour eux. Il n’en a pas plus dans le van qui les ramène à l’hôtel, transpirant et exsangue, alors qu’ils continuent à le flatter. Blessé à plusieurs reprises, piétiné ou plaqué contre les palissades, à deux doigts de finir embroché, il y retourne à chaque fois, la peur au ventre.

Tardes de soledad n’est pas un film sur la souffrance animale. Il n’est ni pour ni contre la tauromachie. Ou alors tout contre. Serra saisit l’angoisse du torero au moment de la mise à mort. Celle du taureau aussi, autre solitude de ces après-midi de sable et de sang. É. S.

La note du Figaro : 3/4

Le Garçon - À voir

Comédie dramatique de Zabou Breitman et Florent Vassault - 1 h 37

Le Garçon débute il y a cinq ans devant l’étal d’une brocante parisienne où le réalisateur et monteur Florent Vassault déniche un lot de plus de 200 photos de famille dans une enveloppe kraft. En les étalant toutes sur la table, une évidence se fait jour pour Zabou Breitman : ces clichés racontent sur plusieurs décennies l’histoire d’une famille française. Au centre de l’attention, un garçon dont le regard doux et triste intrigue derrière les sourires de façade.

Œuvre hybride, Le Garçon laisse aux pièces du puzzle le temps de s’assembler. Le film met subtilement en lumière des récits de vie, des rêves, et les regrets d’un héros du quotidien, dont le portrait contrasté se dévoile progressivement comme une photographie sortie des bains révélateurs d’une chambre noire... O. D.

La note du Figaro  : 3/4

Novocaine - On peut voir

Action de Dan Berk et Robert Olsen - 1 h 50

Nathan Caine, possède un drôle de superpouvoir : il ne ressent pas la douleur en raison d’une maladie génétique rare qui le force à mener une vie tout ce qu’il y a de rangée. Ses copains de classe l’ont même surnommé Novocaïne, du nom de cet analgésique local utilisé pour atténuer la douleur. Dans son travail, il ne fraternise jamais avec ses collègues… mis à part Sherry, une jeune et jolie employée dont il tombe éperdument amoureux. Le lendemain, à peine arrivé au travail, alors qu’il compte faire une grande déclaration d’amour à sa dulcinée, un groupe de braqueurs opère un sanglant hold-up et repart avec la jeune femme en otage. Le craintif Nate se transforme en justicier. Prince charmant d’une candeur désarmante, Nate se mue progressivement en vengeur maladroit mais impitoyable.

L’action s’enchaîne sur un tempo trépidant avec une forme d’humour décalée. Même si le film est à déconseiller aux âmes sensibles, le mélange des genres opère avec jubilation, faisant de cette comédie d’action gore et sentimentale un moment de cinéma totalement irréaliste, mais diablement amusant et romanesque. O. D.

La note du Figaro : 2/4