La foule, immense et silencieuse, se presse sous les portails gothiques de la collégiale de Mantes-la-Jolie. Le 13 novembre 2024, sous un ciel gris où perce un faible rayon de soleil, les amis et la famille de ceux que l’on enterre sont si nombreux sous la nef qu’ils se répandent jusque sur le parvis. L’assemblée pleure Nixon et Édouard, deux cousins qui se sont tués dans un accident de voiture au péage normand d’Heudebouville, dix jours plus tôt.
Les Manjaks - leur communauté originaire de Guinée-Bissau - ont afflué des Yvelines, de la Seine-Maritime, de l’Eure. La messe durera plus de trois heures. «On aurait cru à l’enterrement d’un ambassadeur africain», glisse un proche des défunts. «Il y avait tellement de monde qu’on aurait voulu écarter les murs, l’église était pleine à craquer», se remémore le père Baudoin de Beauvais, qui a célébré ces obsèques hors normes. En face du prêtre, au pied de l’autel, deux cercueils, l’un noir, l’autre blanc, pour les couleurs de la «BMF», la «Black Manjak Family». Cette organisation criminelle suspectée d’avoir orchestré le commando d’évasion puis la cavale de l’ennemi public n°1 Mohamed Amra, dont la traque se poursuit alors. Nixon et Édouard, âgés d’une trentaine d’années, en étaient des membres éminents.
Des proches se succèdent au pupitre pour rendre hommage à des jeunes partis trop tôt. Nombre d’amis ont revêtu des t-shirts noirs floqués du logo blanc de la «BMF». Dans la grande famille Manjak où Nixon et Édouard ont grandi, les anciens ne voient dans cet acronyme qu’une marque de vêtements. Un label associé à la maison de disques éponyme d’un rappeur connu, Koba LaD, ce cousin Manjak de l’Essonne. C’est une «mode» comme il en existe tant d’autres chez les bandes de jeunes, pense-t-on. Une manière de se souder sous l’étendard d’un nom pour se fabriquer une légende.
Mais autour du parvis, ce 13 novembre, des enquêteurs de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) en filature scrutent les visages éplorés. Ils…