Procès des viols de Mazan : entre Justice et déontologie, ces plaidoiries qui interrogent
Alors que se tiennent actuellement les plaidoiries des avocates et avocats défendant les accusés dans l’affaire des viols sur Gisèle Pelicot, la cour criminelle devient le théâtre de stratégies qui interrogent profondément. Prenons l’exemple des arguments présentés le 10 décembre par l’avocate de Husamettin D. Celle-ci a soutenu que son client n’avait « aucune raison de penser » qu’il ne se trouvait pas dans un « jeu libertin ».
Cette déclaration, insoutenable pour Gisèle Pelicot, l’a conduite à quitter la salle d’audience, visiblement bouleversée. L’avocate a poursuivi, avançant que, « le concernant, madame Pelicot n’apparaît pas inerte, pas dans le coma, mais au contraire, dans un positionnement qui laisse penser à monsieur D. qu’elle est dans le jeu sexuel ». Ce développement repose sur un prétendu mouvement du bassin de la victime, qui serait visible sur une vidéo.
Pourtant, il est crucial de souligner deux points fondamentaux. D’une part, une personne sous l’emprise de substances peut tout à fait présenter des réflexes involontaires qui ne traduisent aucunement une participation consciente. D’autre part, et surtout, Husamettin D. avait lui-même reconnu en septembre, devant la même cour : « Je me suis allongé à côté d’elle, j’ai commencé on va dire les préliminaires, j’ai vu qu’il n’y avait pas de réaction, je lui dis (à Dominique Pelicot) : ”On dirait (que) ta femme, elle est morte.” » Par ses propos, glaçants de simplicité, l’accusé a donc exposé devant la juridiction qu’il avait parfaitement conscience de l’état d’extrême vulnérabilité et de léthargie dans lequel se trouvait Gisèle Pélicot.
Dans ces conditions, comment l’avocat peut-il, de manière déontologiquement acceptable, plaider que son client n’a pas constaté l’état léthargique alors même qu’il a explicitement exposé l’inverse devant la cour ? Cette dissonance soulève des doutes sur le respect accordé à la plaignante pendant l’audience.
Au-delà des tactiques employées par les uns et les autres, ce procès met en lumière une problématique légale plus large concernant la caractérisation du viol : l’élément intentionnel – qui suppose que l’accusé ait eu conscience qu’il violait – est traité comme une variable débattable. Or, lorsque la victime est inconsciente ou dans un état d’incapacité manifeste, l’intentionnalité du viol devrait être présumée par la loi.
En conclusion, les plaidoiries en défense dans l’affaire des viols de Gisèle Pelicot révèlent une double urgence. Celle de réformer le cadre législatif pour renforcer la protection des victimes de violences sexuelles, et celle de réfléchir aux limites déontologiques encadrant les stratégies de défense. C’est indispensable pour éviter que ces dernières ne se transforment en des instruments de manipulation, irrespectueux pour les plaignantes.
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