Édito. Libération de Boualem Sansal : l'incompréhensible absence d'unanimité politique

Le comité de soutien de Boualem Sansal organisait, mardi 25 mars à deux pas de l’Assemblée, une manifestation pour réclamer sa libération. La détention arbitraire de l’écrivain franco-algérien, dont le seul tort est de ne pas penser comme le pouvoir à Alger, atteint mercredi 130 jours. Et la décision des juges est attendue jeudi. Rappelons qu’ils ont requis dix ans de prison contre cet homme âgé de 75 ans, malade, visé par une accusation bidon d’"atteinte à l’unité nationale" et à l’issue d’un procès expédié, sans aucun respect des droits de la défense.
 
Des élus de toutes étiquettes se sont rassemblés mardi. Tout le monde ou presque, de la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet à son homologue du Sénat, Gérard Larcher, de Bruno Retailleau à Gabriel Attal, en passant par Laurent Wauquiez, Raphaël Glucksmann, les parlementaires PS Jérôme Guedj et Laurence Rossignol et bien d’autres élus, de droite surtout, de gauche aussi ou d’extrême droite comme Marine Le Pen et plusieurs députés RN étaient présents. Tout le monde, ou presque parce qu’une bonne partie de la gauche, en particulier la France insoumise, brillait par son absence. Le 23 janvier, les eurodéputés insoumis avaient déjà refusé de voter une résolution du Parlement européen réclamant la libération de Boualem Sansal. Certains d’entre eux, comme Manon Aubry, s’étaient abstenus, d’autres, comme Rima Hassan avaient carrément voté contre.

Des divergences d'opinion

L’écrivain ne pense pas comme eux. La députée écologiste Sandrine Rousseau s’était fait l’écho de ces réticences en décembre. Tout en dénonçant sa détention, elle avait quand même estimé que Boualem Sansal "n’est pas un ange" parce qu’il tiendrait "des propos relevant de l’extrême droite". En clair, il ne devrait pas être en prison, mais il l’a quand même un peu cherché… On sait que Sandrine Rousseau a un peu de mal avec le concept d’innocence depuis le traitement qu’elle a infligé à Julien Bayou. L’ex-patron des Verts a été lavé de ses accusations de "harcèlement moral" pour "absence d’infraction", mais Sandrine Rousseau ne "regrette rien" car "la justice a ses critères" dit-elle, et elle, les siens.

Boualem Sansal combat, lui, sans relâche l’islamisme. Il défend la laïcité, vante la langue et la culture françaises, et réfute la rente mémorielle du colonialisme que le régime algérien exploite pour affermir son pouvoir en tentant d’attiser le ressentiment de l’opinion envers la France. Autant de positions qui froissent une frange de la gauche. Et l'incitent hélas, à trahir l’héritage voltairien. Car défendre la liberté d’opinion, c’est faire passer la liberté bien avant les dites opinions. Réclamer la libération d’un écrivain français emprisonné pour ses idées par une dictature, c’est un impératif qui ne souffre aucune exception. C’est même un devoir plus pur encore, quand on ne partage les mêmes idées.