« Tout ce sur quoi repose l’humanité est à terre à Gaza » : entretien avec l’écrivaine libanaise Dominique Eddé

Elle a écrit cet essai « comme on tente de se frayer un chemin dans un paysage dévasté » et elle ne veut pas « laisser la colère l’emporter sur le goût de l’autre et l’envie de paix ». Avec La mort est en train de changer, l’écrivaine libanaise Dominique Eddé livre un texte bouleversant et salutaire, une réflexion d’une justesse et d’une lucidité édifiantes.

Sa recherche, assure-t-elle, se situe en dehors du débat que la majorité des médias propose. À la fois au plus près et au-delà de la tragédie de Gaza, elle porte sur la menace de désintégration de l’être. La romancière et essayiste relève que « plus les frontières tombent, plus les murs se redressent » et s’indigne : « Comment parler de réveil des consciences quand le réveil arrive après l’irréparable ? » Face au délitement en cours, conclut-elle, c’est notre responsabilité collective en tant qu’espèce qui est engagée.

À propos du titre de votre ouvrage, depuis la tragédie de Gaza, qu’est-ce qui est en train de changer dans la mort ?

Dominique Eddé

L’entreprise d’extermination à Gaza est inédite en ce sens qu’elle est aussi méthodique et brutale que foutraque. Il y a chez ce pouvoir israélien une telle rage, une telle impatience à faire place nette et à en finir avec les Palestiniens, que même leur mort ne lui suffit pas. Ce qu’il veut, c’est qu’ils n’aient jamais existé.

Ceci dit, le titre de ce livre ne se rapporte pas seulement à Gaza. Il se rapporte à un effondrement général. La mort n’existe pas en dehors de la vie. Ce qui change dans la mort, c’est ce...