Conclave(s)
Mission « Habemus papam. » Dans une semaine, à quelques jours près ou quelques heures, le nom du nouveau pape sera prononcé place Saint-Pierre. Le conclave ne débutera que le 7 mai, mais les tractations ont déjà commencé et vont s’intensifier jusqu’au moment où la porte de la chapelle Sixtine sera bouclée pour le premier tour de scrutin afin d’élire le 267e souverain pontife.
Il reviendra aux 135 cardinaux électeurs (âgés de moins de 80 ans) convoqués de désigner le successeur de François. Éparpillés à travers le monde, certains d’entre eux ont mis un temps infini pour arriver à Rome. Voilà l’un des principaux héritages de François : le collège cardinalice, dont il a nommé 150 membres, sur un total de 252, est aujourd’hui plus représentatif de l’Église mondiale.
Pour la première fois de l’histoire, les cardinaux européens sont minoritaires. Leur mission : réfléchir avant le conclave à l’avenir de l’Église. Dès le 22 avril, ont en effet débuté les congrégations générales, sorte de prélude. L’exercice durera en tout quinze jours. Et l’ensemble des cardinaux présents devront avoir pris la parole au moins une fois.
L’unique occasion pour les prélats de se jauger, mais aussi de faire connaissance : 25 seulement vivent en permanence à Rome et sont rompus aux usages et aux subtilités de la vie vaticane. Mais la plupart, surtout les nouveaux, en ignorent tout.
Jean XXIV ou François II : les cardinaux oseront-ils ?
Échanges Dans le contexte mondial que nous connaissons, deux questions taraudent tous les gens de bonne volonté, sur tous les continents. L’héritage de François est-il au cœur des réflexions ? Et cet héritage servira-t-il de point de référence ?
En vérité, tout se passe là ou presque. En amont. Bien moins connues que le cérémonial qui entoure le conclave, ces réunions préparatoires privées sont déterminantes. L’élection d’un pape commence à bas bruit, à l’occasion de ces réunions quotidiennes.
Car le conclave à proprement parler n’est pas conçu comme un espace de discussion. En théorie en tout cas, les cardinaux ne font que prier et voter. Les choses sont radicalement différentes pour les congrégations générales. Les participants, réunis dans la salle Paul-VI, à quelques pas de la basilique Saint-Pierre, prennent la parole, avec des traductions simultanées par oreillette.
Ces échanges sont bien sûr soumis au secret absolu, sous peine d’excommunication. À travers tous les sujets abordés sans retenue, nous dit-on, deux conceptions de l’Église s’opposent, une nouvelle fois. L’une, ouverte sur le monde, persuadée que l’adaptation aux changements est la seule façon de garder une institution vivante, en phase avec ses fidèles. L’autre, convaincue que les catholiques tiennent à la tradition et ont besoin de repères multiséculaires, pense, au contraire, qu’il faut demeurer hermétique aux incessants mouvements du monde.
En clair, un affrontement entre progressistes, auxquels François est – parfois abusivement – rattaché, et conservateurs. Un participant témoignait ainsi dans le Monde : « Certains, parmi les conservateurs, se sont déjà exprimés et on les sent mieux préparés et organisés. Mais les discussions sont devenues plus ouvertes quand ceux qui ne vivent pas à Rome ont commencé à affluer, car ils parlent plus librement, ils disent ce qu’ils pensent et ne sont pas dans la tactique. »
Nominations Revient à la mémoire du bloc-noteur la petite phrase de François, à son retour de la capitale mongole d’Oulan-Bator, en septembre 2023. Le pape déclara que les prochains grands voyages, désormais, seraient effectués par son successeur, qu’il nomma mystérieusement « Jean XXIV ». Viendrait par la suite son déplacement à Marseille, quasi ultime station d’un chemin de croix commencé à Lampedusa, contre « la globalisation de l’indifférence » face à la « tragédie de la migration ».
Depuis mai 2013, François était plus populaire chez les laïques qu’auprès de certains fidèles, tandis qu’une guerre sourde continue de fracturer l’Église. Ayant donné très tôt des gages d’ouverture, le pape n’a en réalité que peu fait évoluer la doctrine. Sauf qu’il a multiplié les nominations de cardinaux pour s’assurer de la majorité du conclave qui choisira son successeur. Ses allusions à un futur « Jean XXIV » indiquaient son souhait que le 267e successeur de saint Pierre inscrive ses pas dans ceux de Jean XXIII, l’initiateur du grand concile Vatican II (1962-1965). À moins qu’il ne se nomme François II…
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