Y a-t-il 93 ou 94 pénis sur la tapisserie de Bayeux ? Deux historiens anglais reprennent le décompte

Y a-t-il 93 ou 94 pénis sur la tapisserie de Bayeux ? Deux historiens anglais reprennent le décompte

Le récit de l’invasion par Guillaume le Conquérant de l’Angleterre comporte quelques personnages qui ne cachent rien de leur anatomie. Ici, sous la rencontre entre Guy et le duc Guillaume, un homme fait la démonstration de son désir à une femme. Capture Musée de Bayeux

Si George Garnett et Christopher Monk sont d’accord sur le nombre de sexes de chevaux brodés, leurs interprétations diffèrent quant à celui des hommes représentés.

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Une querelle plutôt cocasse. Deux historiens britanniques ont débattu vendredi 25 avril dans un épisode du podcast HistoryExtra  sur la tapisserie de Bayeux, qui représente le récit brodé de la conquête de l’Angleterre en l’an 1066 par Guillaume le Conquérant. Le cœur du débat ? Le nombre d’organes génitaux masculins représentés sur la tapisserie.

George Garnett, professeur d’histoire médiévale à Oxford, auteur de Conquered England : Kingship, Succession and Tenure, 1066–1166, estime qu’il y a 93 pénis, selon son décompte réalisé en 2018. Il précise que 88 d’entre eux appartiennent à des chevaux tandis que cinq sont attribués à des hommes. Un nombre contesté par Christopher Monk, auteur d’un essai sur la signification des figures nues dans la tapisserie de Bayeux. Selon lui, il y en a 94 en tout.

L’organe qui fait la différence serait celui d’un soldat dont la tunique laisse entrevoir une forme brodée de fil noir. George Garnett affirme qu’il s’agit d’une épée ou d’un poignard, en raison de la « tache jaune » située à l’extrémité, qu’il interprète comme du laiton. « Si vous regardez attentivement les parties génitales représentées dans la tapisserie, aucune n’a de tache jaune à son extrémité. » Mais Christopher Monk est certain qu’il s’agirait d’un sexe masculin. « Je n’ai aucun doute sur le fait que ce membre est une représentation des organes génitaux masculins. Les détails sont étonnamment complets d’un point de vue anatomique », affirme-t-il.

George Garnett affirme que la forme noire qui apparaît sous tunique est une épée ou un poignard. Ville de Bayeux, DRAC Normandie, Université de Caen Normandie, CNRS, Ensicaen, Clichés : 2017 - La Fabrique de patrimoines en Normandie

Un débat très sérieux

Les deux historiens prennent à cœur ce débat. Ils tiennent à rappeler que malgré l’apparence humoristique de la discussion, il s’agit d’un sujet très sérieux. L’intérêt des « études médiévales est de comprendre comment les gens pensaient à l’époque. Et les hommes du Moyen Âge n’étaient pas des individus grossiers, simples et stupides. Bien au contraire, souligne Christopher Monk. Dans le cas des chevaux, la représentation des organes génitaux se résume purement à des détails anatomiques, explique George Garnett. Qui permettent notamment de savoir s’il s’agit d’un étalon, un cheval mâle généralement voué à la reproduction. Concernant les personnages humains, le professeur affirme que « les représentations de nudité dans la Tapisserie de Bayeux sont porteuses de sens », explique George Garnett. « Il y est question d’activité sexuelle, ou de honte, et cela me laisse penser que le créateur fait une allusion dissimulée à la trahison. » Comme avec l’exemple d’Adam et Ève, représentés en dessous de la scène où Guy emmène Harold à Guillaume le Conquérant. De son côté, Christopher Monk ajoute sur son site internet que la représentation des parties génitales permet d’accentuer la virilité du duc, en lien avec les événements représentés dans la tapisserie. « En clair, quand on voit ces parties, on voit le la force et la virilité d’Harold et de Guillaume. »

La « tapisserie est conservée au musée de Bayeux tandis qu’une réplique est exposée au Reading Museum, en Angleterre. Cette oeuvre, dont l’artiste est inconnu, fait défiler 623 personnages, 994 animaux, 438 végétaux, 37 forteresses et bâtiments, 41 navires et petites embarcations, et d’autres objets.