La BCE baisse ses taux pour la première fois après deux ans d’envolée
Un peu d’air pour l’économie européenne : pour la première fois après deux ans de hausse, la Banque centrale européenne va baisser ses taux directeurs, de 0,25 point, a-t-elle annoncé ce jeudi 6 juin. La dernière fois qu’elle avait baissé ses taux, c'était le 18 septembre 2019. Le taux de dépôt est ainsi ramené de 4% à 3,75%. Une annonce toutefois très attendue, dont l’effet immédiat devrait être limité, notamment sur les marchés. Si elle marque un début de desserrement monétaire, la hausse des prix persistante et la pression des salaires pourraient contraindre la BCE à devoir attendre avant de baisser à nouveau ses taux. La BCE indique qu’elle «continuera à suivre une approche centrée sur les données, réunion par réunion, pour déterminer le niveau approprié de restriction et sa durée».
Hausse des prix divisée par quatre
La hausse des prix à la consommation en zone euro a été divisée par plus de quatre depuis le record de 10,6% sur un an atteint en octobre 2022, quand les tarifs de l'énergie flambaient à cause de la guerre en Ukraine et que les perturbations des chaînes mondiales d'approvisionnement liées à la pandémie de Covid-19 se faisaient toujours sentir. L'inflation est repartie à la hausse en mai affichant 2,6%, après 2,4% en avril et mars. Mais ce léger sursaut ne remet pas en question la tendance à la baisse de l'agrégat, soulignent les experts.
La BCE veut néanmoins que la hausse des prix à la consommation atteigne d'ici 2025 l'objectif de 2% qu'elle a fixé. Elle est donc attentive «aux éventuels effets de second tour des augmentations de salaires», vu l'accélération à la hausse des accords salariaux, à 4,7% sur un an au premier trimestre 2024, explique Franck Dixmier, responsable de la gestion obligataire chez Allianz GI. Une hausse sensible des coûts salariaux pourrait se répercuter sur les prix de vente et donc alimenter l'inflation, à moins que les entreprises ne diminuent leurs marges.
À lire aussiCes valeurs qui devraient profiter de la prochaine baisse des taux de la BCE
Débat animé
Le débat promet donc d'être animé sur le rythme des baisses de taux. Pour alimenter la discussion, la Banque centrale européenne disposera d'un nouveau jeu de projections économiques. La BCE «voudra voir un relâchement de la forte pression qui persiste sur les prix dans les services», où la composante des salaires est forte, souligne Fritzi Köhler-Geib. D'autres évolutions des coûts seront surveillées comme ceux du «fret maritime influencés par la crise dans la mer Rouge», selon Franck Dixmier.
Des nuances au sein de la BCE entre les «colombes», partisans d'un cap monétaire souple, et les «faucons» adepte de l'orthodoxie monétaire, se sont déjà manifestées. Après juin, une deuxième baisse consécutive des taux en juillet est tout sauf acquise car «nous ne sommes pas sur pilote automatique», a prévenu le «faucon» Joachim Nagel, président de la Bundesbank, la banque centrale allemande. Le gouverneur de la banque des Pays-Bas, Claas Knot, a fait une sortie remarquée fin mai en affirmant que les réunions de la BCE assorties de projections économiques constitueraient à ses yeux les moments «clés pour (les) décisions en matière de taux d'intérêt».
Ces projections sont publiées tous les trimestres, les prochaines étant prévues en septembre et décembre. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a plaidé quant à lui pour «un maximum d'optionnalité», la BCE devant garder sa «liberté sur le timing et le rythme».