«On veut éviter la catastrophe de l’A69» : à Bordeaux, des associations veulent stopper les gros travaux de la LGV

«Stop au projet fou des AFSB : pas de démarrage des gros travaux !» Quatre associations (Sepanso Aquitaine, Trans’Cub, LGVEA et Stop LGV) ont déposé un référé-suspension le 13 mars dernier, pour demander l’interruption immédiate et en urgence de l’arrêté qui marque le début des gros travaux de la nouvelle ligne à grande vitesse (LGV) dans la région bordelaise, signé le 8 janvier par le préfet Étienne Guyot.

Ces aménagements s’inscrivent dans le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) qui prévoit de relier Toulouse à Bordeaux puis Bordeaux à l’Espagne avec la création de nouvelles lignes à grande vitesse, pour un budget estimé et annoncé de 14,3 milliards d’euros. Avant toute chose, des aménagements ferroviaires au nord de Toulouse (AFNT) et au sud de Bordeaux (AFSB) doivent être réalisés.

Porté par SNCF Réseau, le projet des AFSB a été présenté comme une solution à la saturation des voies ferrées au sud de Bordeaux. L’objectif affiché est de séparer les circulations des trains régionaux et des trains à grande vitesse pour fluidifier le trafic. Or, plusieurs associations estiment que ces aménagements sont inutiles. «On va passer de 30 à 64 TER en 2038, en situation perturbée, alors qu’aujourd’hui on nous dit que la ligne est saturée… Ce n’est pas cohérent !», s’indigne Germain Suys, ancien cadre de la SNCF et membre de Trans’Cub. Pour lui, la modernisation des infrastructures existantes suffirait à atteindre ces objectifs.

Les opposants dénoncent également une communication trompeuse autour du projet. Selon eux, SNCF Réseau affirme à tort que les AFSB entraîneront une hausse de la fréquentation des trains. En réalité, cette augmentation interviendra bien plus tôt selon eux, dès 2028, avec la mise en service du Serm (ex-RER métropolitain), et dans des proportions bien moindres que celles annoncées. «À Bègles, on prévoyait 560.000 voyageurs en 2024, ils ne sont que 52.000», rappelle Germain Suys. Pour les associations, l’augmentation du trafic ferroviaire ne dépend pas d’une nouvelle infrastructure, mais d’une meilleure optimisation des deux voies existantes.

Le chantier deviendrait également un désastre écologique, toujours selon les associations. Il menacerait directement l’habitat de 97 espèces protégées, dont le vison d’Europe, classé en «danger critique d’extinction», selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).« À la sortie sud de Bordeaux, il reste des pépites intactes. Ce projet met en péril des espèces protégées», alerte Philippe Barbedienne, président de la Société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso Aquitaine).

Une bataille entre citoyens et institutions

Depuis le 15 décembre 2024, les travaux préparatoires des AFSB ont déjà eu des répercussions sur le trafic ferroviaire. «Tous les trains entre Bordeaux et Saint-Médard ont pris 10 minutes de retard à cause des travaux. Et ce n’est qu’un début !», déplore Germain Suys. Cinq «opérations coup de poing» sont prévues à partir du 18 avril, entraînant par la suite la fermeture totale de la ligne Bordeaux-Toulouse pendant 10 jours. À terme, des démolitions de maisons et des modifications de voiries sont programmées.

Face à cette situation, plusieurs associations ont engagé quatre recours devant les tribunaux administratifs de Bordeaux et Toulouse. L’un d’eux vise la prorogation de la Déclaration d’utilité publique (DUP) du projet, tandis qu’un autre conteste son autorisation environnementale. Ces deux recours sont toujours en attente de jugement. Le référé-suspension, qui sera examiné le 4 avril, constitue la dernière cartouche pour empêcher le début des grands travaux. « On veut éviter la catastrophe de l’A69, un projet stoppé à 60% de sa construction avec un impact environnemental et financier colossal. Il faut empêcher ce début des travaux», prévient Denis Teisseire, président de l’association Trans’Cub qui s’oppose au projet.

Les associations dénoncent un « passage en force » orchestré par SNCF Réseau et les autorités. «L’État et la région sont irresponsables sur tous les plans. Ils ont refusé de nous donner l’arrêté préfectoral détaillant les travaux à venir. Et ce qui est pratique, c’est que s’il n’est pas affiché, il ne peut pas être contesté», indiquent-elles.

Contacté par Le Figaro, SNCF Réseau précise que ces travaux «s’inscrivent dans la démarche ERC (Éviter-réduire-compenser) pour que les aménagements n’engendrent pas d’impacts négatifs sur l’environnement.» Selon l’entreprise, qui indique préparer sa défense face au référé-suspension, «le projet est autorisé en respectant les autorisations administratives et rien ne s’oppose au déroulé du chantier».

La décision du tribunal administratif de Bordeaux sera décisive : si le référé est rejeté, les travaux débuteront au mois d’avril.