Avant l’ouverture de Notre-Dame de Paris, l’exposition sur ses trésors archéologiques à Cluny

Tête ocre à la barbe finement sculptée, décor peint d'un bleu profond... Des fragments du jubé de Notre-Dame de Paris découverte archéologique majeure faite lors de la reconstruction de la cathédrale, sont exposés pour la première fois au musée de Cluny à Paris. La trentaine de fragments constitue le clou de l'exposition Faire parler les pierres. Sculptures médiévales de Notre-Dame, ouverte jusqu'au 16 mars 2025 au Musée national du Moyen Âge.

Une découverte du patrimoine médiéval

Érigé vers 1230, le jubé, tribune en pierre ornée de statues, servait de séparation entre le chœur et la nef, où se tenaient les fidèles. Il fut démoli en 1708 et seules une quinzaine de fragments sculptés avait été retrouvée lors des travaux de restauration menés par Eugène Viollet-le-Duc au XIXe siècle.

Les fouilles préventives réalisées sur le chantier de reconstruction de la cathédrale après l’incendie de 2019 ont permis de découvrir près d’un millier de fragments supplémentaires, dont 700 polychromes, sur une surface de seulement quinze mètres carrés. D’autres fragments, qui ne se trouvaient pas dans le périmètre du chantier, demeureront enfouis sous Notre-Dame, dont la réouverture est prévue pour le 8 décembre.

Dans les vitrines du musée de Cluny, le visiteur peut apprécier la finesse de ces fragments de sculptures du XIIIe siècle : l’expression intense d’un visage, la délicatesse d’une main, le détail d’un rongeur se cachant sous la feuille d’une frise… Rouge vif, bleu profond, dorure : l’éclat de ces couleurs est exceptionnel, mais également fragile. « Quand on les a découverts, la peinture n’était plus du tout adhérente. Dès qu’on touchait la pierre du doigt, elle partait », raconte à l’AFP l’archéologue de l’Inrap Christophe Besnier, responsable d’opérations sur le chantier de Notre-Dame.

Un parcours rocambolesque 

Un travail de stabilisation de l’ensemble des fragments est en cours depuis « mai-juin » dernier et devrait se poursuivre pendant un an. Parallèlement, « les archéologues ont entamé un travail de recherche qui s’étendra sur deux à trois ans ». Au cours de cette période, ils tenteront notamment de réaliser une reconstitution en 3D du jubé, comme l’explique Christophe Besnier.

« L'étude du jubé ne fait que commencer et nous présentons dans le reste de l'exposition la boîte à outils dont on va peut-être se servir », indique son commissaire, Damien Berné, veut « montrer ce qu'en général on ne montre pas: les étapes préalables à la restauration, l'ingénierie et l'imagerie scientifique au service de la connaissance ». En 2022, le musée a lancé un programme d'étude et de restauration d'une sélection de ses propres pièces provenant de Notre-Dame, dont certaines n'avaient pas été réexaminées depuis 40 ans. Ces sculptures, provenant pour la plupart du décor extérieur de la cathédrale, ont connu des parcours rocambolesques. Lors de la Révolution française, la plupart des statues de Notre-Dame ont été arrachées, débitées en tronçons et éparpillées aux quatre coins de Paris.

Des fragments des statues du portail de Saint-Anne ont par exemple été retrouvés en 1977, à l'occasion de travaux dans le IXe arrondissement. Partiellement reconstituées par le remontage de divers morceaux, leur présentation au Musée de Cluny n'avait plus évolué depuis 1981. Elles ont depuis été nettoyées, étudiées puis remontées et une campagne d'imagerie scientifique a permis de déceler sur un buste une très fine inscription, «PAULLUS», permettant d'identifier Saint-Paul. «Là où nous pensions avoir affaire de manière définitive à des anonymes perdus pour la science, en réalité, il y a moyen de pousser un peu les modes d'investigation», s'enthousiasme Damien Berné.

De même, l'étude des reliefs du linteau donne une idée de ses couleurs originelles. Les visages présentaient un effet de dégradé, tantôt livide, tantôt incarnat, pour évoquer le passage de la mort à la vie éternelle. Comme l’explique Damien Berné, le commissaire de l’exposition : « Notre ambition, au moment où le chantier de restauration de Notre-Dame s’achève, est de proposer un panorama de ce que la recherche offre sur la connaissance des ensembles sculptés de la cathédrale, en espérant que, d’ici quelques années, d’autres points d’étape viennent rendre compte de nouveaux progrès. »