Ukraine, Trump, Michel Blanc et mini-César... Les temps forts d’une cérémonie des César très politique
La 50e cérémonie des Césars était une fête du cinéma, avec un palmarès plein de surprise et le sacre d’un film, Emilia Pérez, qui est un plaidoyer en soi. Plus que les années précédentes encore, les discours sur scène ont été empreints de gravité, abordant les très nombreux sujets d’une actualité assez peu heureuse.
Catherine Deneuve dédie la cérémonie à l’Ukraine
Une large broche aux couleurs de l’Ukraine, quelques heures après la brouille entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. Catherine Deneuve a ouvert la cérémonie en lançant un simple « Bon anniversaire ». « C’est un hommage et aussi un devoir d’être ici ce soir », explique celle qui a longtemps boudé la cérémonie. L’actrice évoque ses souvenirs, rend hommage à sa sœur Françoise Dorléac qui lui a mis le pied à l’étrier. À François Truffaut à qui elle doit son César en 1981 pour Le Denier Métro. À Georges Cravenne, le créateur de la cérémonie. « J’aime beaucoup le cinéma, il y a beaucoup de femmes à la mise en scène aujourd’hui. Des femmes que j’aime et j’admire », lance-t-elle encore avant de dédier la 50e cérémonie à l’Ukraine sous les applaudissements.
Abou Sangaré : « Avant de traverser la Méditerranée, j’ai connu la misère »
Le comédien guinéen de 23 ans sans papier avait déjà remporté le prix du meilleur acteur aux Oscars du cinéma européen. Celui qui travaille actuellement dans un garage de Picardie a reçu le prestigieux César de la révélation masculine pour L’Histoire de Souleymane. « Merci à l’Académie pour cette magnifique organisation. Je veux d’abord m’adresser à mon réalisateur Boris Lojkine. De 2017 à 2023, je ne me suis pas considéré comme un être humain. Avant de traverser la Méditerranée, j’ai connu la misère, le bon et le plus mauvais de l’humanité. J’étais dans une prison [de l’âme] jusqu’à ma rencontre avec Boris et son équipe. Merci à vous de m’avoir réintégré à l’humanité », a salué le lauréat sous les applaudissements. Il était encore sous le coup d’une OQTF jusqu’en début d’année. « Je salue mes amis d’Amiens qui me soutiennent depuis 2017 et mon entreprise qui m’a encouragé. Sans eux, je ne serais pas resté à Amiens et je ne serais pas là aujourd’hui », poursuit-il sur la musique qui le presse de conclure.
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Le discours de Jonathan Glazer sur Gaza et Israël
Jonathan Glazer, lauréat du César du Meilleur film étranger pour La Zone d’intérêt, était absent mais a laissé un message évoquant le conflit au Proche-Orient. « Le fait que tant de personnes sont venues voir notre film est extraordinaire. Le fait qu’il soit autant d’actualité est alarmant. Aujourd’hui, la Shoah et la sécurité juive sont utilisées pour justifier les massacres et les nettoyages ethniques à Gaza après les massacres du 7 octobre et la prise d’otages en Israël. Il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, d’actes de terreur contre des innocents, rendu possible par la déshumanisation des gens, des personnes qui se trouvent de l’autre côté de nos murs. C’est la zone d’intérêt ». Un discours qui a été chaudement applaudi.
Costa-Gavras remercie la « France accueillante »
Après avoir retracé ses débuts dans le 7e art sur la scène de l’Olympia, le réalisateur de 92 ans a remercié « cette France accueillante, humaniste, qui refuse toutes les dictatures et toutes les haines, cette France résistante, solidaire de tous et de tous les cinémas du monde et qui reçoit chez nous tous les films du monde ». Il a terminé son discours en rappelant qu’une agression avait eu lieu le 16 février dans les locaux d’une association de travailleurs immigrés du Xᵉ arrondissement de Paris où une projection du film Z était organisée par des associations de jeunesse de gauche. « La France peut-elle accepter de tels actes ? », a-t-il demandé.
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Gilles Perret dédie son César à « ceux qui luttent pour vivre de leur travail »
Le réalisateur Gilles Perret a dédié son César du Meilleur film documentaire à « tous ceux qui luttent pour vivre de leur travail ». « Je pense à l’école, à l’hôpital, à toutes les structures qui nous aide à nous faire société. Je veux rendre visible les invisibles dans un pays où les dirigeants préfèrent s’allier aux forces fascistes, où les médias préfèrent tendre le micro à des milliardaires. Cette petite musique, on l’a entendue dans les années 30 à l’arrivée d’Hitler. Dans le monde du cinéma, on filme et on regarde ailleurs », lance le lauréat dans un discours très politique.
Le message très politique de Vincent Macaigne
« Je ne vais rien dire sur l’état du monde, les guerres partout dans le monde, cette sensation nauséabonde de fin de démocratie ici et là. On m’a dit qu’il faut être positif et donner du réconfort. J’ai pensé au sucre, mais ça fout le cancer. Le soleil, mais c’est vachement associé au réchauffement climatique. Célébrer la fiction, le théâtre, ce premier pas de l’humanité vers la démocratie. Applaudir pour chasser les fantômes et célébrer un avenir meilleur », a déclaré Vincent Macaigne lors de son arrivée sur scène.
L’hommage à Michel Blanc
Comme pour Alain Delon quelques minutes plus tôt, les César ont proposé un montage des grands films de l’acteur disparu cette année. Les Bronzés bien sûr, mais aussi L’Exercice de l’état, Monsieur Hire, Embrassez qui vous voudrez, Marie-Line et son Juge... Sont ensuite montés sur scène Josiane Balasko et Thierry Lhermitte. « Oh, putain quel acteur, lance l’actrice en entrant sur scène. Il a toujours été le premier à partir, il a arrêté le premier de travailler avec nous. Et il est parti le premier. »
Josiane Balasko demande une « Europe de la culture » à Rachida Dati
Josiane Balasko a interpellé Rachida Dati sur la scène des César. « Il y a toujours un casse-couilles qui va parler au ministre de la Culture, voilà c’est moi, a-t-elle expliqué. Rien de personnel, mais à l’heure où Trump veut bloquer toutes les formes d’aides dans le cinéma, il est vital qu’une Europe de la culture soit créée. »
Franck Dubosc reçoit le César de « l’acteur qui n’a jamais eu de César »
Jean-Pascal Zadi annonce la création pour rire d’une catégorie des meilleurs losers, dont le vainqueur est Franck Dubosc. « J’ai une pensée pour mes camarades qui comme moi n’ont jamais eu le César. J’ai une pensée pour ma femme, qui me dit ce n’est pas la taille qui compte », lance le comédien humoriste qui brandit un mini-César. « Je pense à Jacques Audiard qui ne m’a jamais engagé, à ceux qui dans mon entourage préfère rester dans l’ombre ». « Je dois vous rappeler que j’ai fait des comédies qui n’étaient pas très drôles ». Puis à l’égard de Julia Roberts : « Vous voyez George Clooney et Pierre Niney, je suis pile au milieu. » « Cette année, c’est le grand chelem pas d’Oscar, de prix à Cannes mais je compte concourir au mini-ours de Berlin. Je ne prends pas de risque en vous disant que l’an prochain je serai dans la même catégorie », conclut-il dans un des meilleurs sketchs de la soirée.
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Les chaussettes de Pierre Niney
Pierre Niney, qui était nommé dans la catégorie du meilleur acteur, ainsi que dans 13 autres pour Le Comte de Monte-Cristo , s’est rendu à la cérémonie avec des chaussettes très insolites. L’une brodée du visage de Benjamin Lavernhe, l’autre de celui de François Civil, tous deux également nommés dans la catégorie du meilleur acteur. « On s’est fait une soirée débrief [hier soir], une soirée où on s’est pris dans les bras, raconte l’acteur au micro de Canal+. On a commencé les cours de théâtre ensemble. J’étais à la Comédie française avec Benjamin, donc je lui rends un petit hommage ce soir. » « Je leur ai offert des paires, on verra si ce sont des vrais potes », ironise-t-il.
L’entrée En Fanfare et les blagues lourdes de Jean-Pascal Zadi
Sous les rires de Julia Roberts, Jean-pascal Zadi a fait une entrée en musique à l’Olympia. « Niveau BTS, quelle réussite, c’est incroyable », lance-t-il sur scène, lui qui aime rappeler d’où il vient. « Avant j’étais moche, je ne savais pas danser, mais depuis que j’ai mon César... (il danse sur Not Like Us de Kendrick Lamar) ». L’acteur de la série En Place a tenu à féliciter les nominations du Comte de Monte-Cristo, de L’Amour ouf et de Emilia Pérez, à qui il s’est permis une blague très osée : « Meilleure réalisation, meilleur film, meilleur tweet ».Le réalisateur Jacques Audiard sourit. Après une courte déclaration à Costa Gavras, récipiendaire d’un César d’honneur, Jean-Pascal Zadi est revenu vers Julia Roberts, qu’il invite à quitter les États-Unis pour la France qu’il présente comme « une terre d’accueil pour les réfugiés politiques» « Abdou Sanguaré va vous indiquer le chemin, c’est le RER A [...] J’imagine Julia Roberts dire “Chatelet s’il vous plaît”»