Le Grand déplacement, Jean-Pascal Zadi, l’étoffe d’un zéro
En 2020, en pleine pandémie de Covid-19, Jean-Pascal Zadi signe le tube de l’été, Tout simplement noir, coréalisé avec John Wax. L’acteur réunit la crème des acteurs noirs français (Omar Sy, Fabrice Éboué, Éric Judor…) pour une autofiction pleine d’autodérision, brocardant dans le même mouvement racisme, communautarisme et posture victimaire. Il remporte le César du meilleur espoir masculin en 2021.
Cinq ans plus tard, Zadi a changé de statut et de dentition. Une série Netflix (En place), des rôles variés (Coupez !, L’année du requin, Fumer fait tousser, L’Amour ouf, Le Procès du chien, Prosper), la meilleure blague de la dernière cérémonie des Césars (« Julia Roberts, vous savez qu’on a un point commun tous les deux ? Depuis que je suis tout petit, on me dit : “JP, tu devrais faire du cinéma, tu as le même sourire que Julia Roberts” »)… Bref, Zadi pèse dans le game.
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Première mission spatiale panafricaine
Gaumont lui a fait un chèque en blanc. Le Grand déplacement, son premier long-métrage en solo, est un film avec beaucoup de moyens et peu d’idées. La Terre est condamnée. Les Africains, comme tout le monde, cherchent une planète B habitable. Dans le plus grand secret, Pierre Blé, Français d’origine ivoirienne, ex-pilote de l’armée de l’air, débarque à Abidjan pour rejoindre la première mission spatiale panafricaine, avec notamment Abdel l’Algérien, musulman pratiquant (Reda Kateb) et Frantz le Guadeloupéen métis qui nie avoir une mère blanche (Fary Lopes B). Avant de partir explorer la planète Nardal, l’équipage s’entraîne. Pierre Blé se fait mal voir en faisant des remarques homophobes et grossophobes. On retrouve un peu de la verve du Zadi de Tout simplement noir lors du stage de cohésion du groupe dans la jungle. Une vanne sur les pères Antillais (« Il a bon dos l’esclavage, on ne peut plus rien dire »), une autre sur Daech, provoque une bagarre générale.
Dès que la fusée décolle, sur l’air de Africa Unite de Bob Marley, la comédie se crashe. On ne sourit même plus. À bord, un robot avec la voix d’Éric Judor parle pour ne rien dire de drôle ni d’intéressant. Le voyage intergalactique est long et répétitif. Le Grand déplacement fait du surplace, même quand le vaisseau fonce à la vitesse de la lumière. Traversée de champs d’astéroïdes et gags qui tombent à plat alternent avec une belle régularité. On est gêné pour Reda Kateb quand Abdel panique dès qu’il ne voit plus La Mecque depuis l’espace.
Le Grand déplacement emprunte à nombre de films de science-fiction (Star Wars, Interstellar, Seul sur Mars, Black Panther ) sans jamais vraiment y aller à fond dans le registre de la parodie. On se consolera avec Mel Brooks. À 98 ans, le cinéaste américain vient d’annoncer une suite à La Folle histoire de l’espace (Spaceballs), décrit comme « A Non-Prequel Non-Reboot Sequel Part Two but with Reboot Elements Franchise Expansion Film ». Intraduisible et irrésistible.