L’œil de l’INA : Genevieve Page à la télé, entre émotions et éclats de rire

La disparition de Geneviève Page , à 97 ans, a été unanimement saluée par le monde du théâtre. En 2011, elle avait fait de discrets adieux à la scène à l’occasion du Festival de Figeac, en jouant Britannicus, dans une mise en scène de Michel Fau, l’un de ses plus fidèles amis. Elle avait mis ainsi un terme à six décennies d’une carrière régulièrement dédiée aux classiques.

L’un des moments les plus forts de sa très longue carrière demeurera son passage au TNP, alors dirigé par Jean Vilar. Il l’a mise en scène à Avignon, puis à Chaillot dans Les caprices de Marianne, d’Alfred de Musset avant de passer le flambeau à Gérard Philipe qui, en 1958, c’est-à-dire un an avant sa disparition, l’a dirigée dans Lorenzaccio. À plusieurs reprises, elle a également été à l’affiche de l’Odéon, où elle a joué, entre autres La nuit des rois, Andromaque et Le soulier de satin, dans une mise en scène de Jean-Louis Barrault. La pièce de Paul Claudel était liée à un souvenir de son adolescence. À 16 ans, en 1943, elle avait assisté à une représentation de cette pièce à la Comédie-Française. Elle durait 5 heures et demie, et, afin d’éviter le risque d’une fringale, sa mère qui l’accompagnait avait préparé des sandwichs au camembert. « Nous n’avions rien d’autre à la maison et jusqu’aux saluts, je n’ai pensé qu’aux autres spectateurs , que j’imaginais indisposés par une odeur de fromage particulièrement forte ! », a-t-elle raconté un jour de 1960 à la télévision.

Sa présence régulière à la scène, mais aussi au cinéma, dirigée, entre autres, par Luis Bunuel et Billy Wilder, ne l’a pas empêchée d’apparaître de temps à autre sur les petits écrans. Dans Corsaires et flibustiers, un feuilleton réalisé par Claude Barma, elle donne, le temps d’un épisode, la réplique à Michel le Royer. Son nom apparaît également au générique de quelques autres mini-séries, en France mais aussi dans les pays anglophones, signées, entre autres, par John Frankau, Hal Burton, Peter Hammond, Lazare Iglesis et Michel Mitrani. Le petit écran a permis de conserver la trace de son exceptionnel talent de comédienne. Plus à l’aise sur une scène de théâtre que sur un plateau des Buttes-Chaumont, elle a refusé pendant des années de tourner La fausse suivante de Marivaux. Elle estimait que cela ne lui laissait pas suffisamment de temps pour aller au plus profond de son personnage. Le réalisateur Jean-Paul Sassy a heureusement fini par la convaincre. Elle a ensuite joué La vie des rois et Les caprices de Marianne dont INA Madelen vous propose de découvrir ou redécouvrir un extrait.

Dans les archives de l’INA figurent d’autres pépites, permettant de compléter sa biographie avec des détails méconnus. Des images tournées en 1949, rappellent ainsi qu’avant de débuter au cinéma dans Ce siècle a cinquante ans, réalisé par Denise Tual, Geneviève Page a été mannequin. Christian Dior était son parrain mais c’est Carmen de Tommaso qui l’a engagée chez Carven et lui a permis de défiler sur les podiums, vêtue des modèles Dragée, Dehli  et Samarcandi.

Dans des années 50 où « Paris ville lumière » ne cessait d’être en fête, Geneviève Page a régulièrement été l’invitée d’honneur des manifestations les plus prestigieuses. On la découvre ainsi, en 1953, au Salon de l’Automobile, posant, tout sourire, sur le stand Ford. Le 31 décembre 1956, elle figure, avec Brigitte Bardot, sur la courte liste des personnalités présentant leurs vœux aux Français devant les caméras d’une télévision encore en noir et blanc. « J’ai une vie assez farfelue », a-t-elle confié à Jean Nohain dans les années 60 dans Au-delà de l’écran, la première émission consacrée aux médias. C’est ainsi qu’au fil des années, elle est passée, sans le moindre problème, de Berthold Brecht et Jean Anouilh à Jean-Michel Ribes, avec un détour par Le canard à l’orange où elle a donné la réplique à Jean Poiret. La vraie diversité.