Les retraités responsables des deux tiers de la hausse du taux d’épargne en 2024
Si l’épargne des ménages français est au sommet, ce n’est pas vraiment du fait des actifs. Ce sont surtout les retraités qui, depuis deux ans, contribuent à cette progression. D’après la note de conjoncture du mois de juin de l’Insee, publiée ce mercredi, une part importante de la progression du taux d’épargne observée provient des ménages âgés, qui préfèrent capitaliser plutôt que dépenser.
Cette concentration de l’épargne chez les plus âgés s’explique en grande partie par une série de revalorisations significatives de leurs pensions, qui ont dopé leurs revenus depuis 2023. Les retraites sont en effet indexées sur l’inflation passée : les pensions de base ont été revalorisées de 5,3% au 1er janvier 2024, et les complémentaires Agirc-Arrco de 4,9% au 1er novembre 2023. Résultat : les prestations sociales en espèces ont bondi de 6,7% en 2024, contre +3,2% pour les revenus d’activité.
Sauf qu’en parallèle, la consommation des retraités n’a pas suivi le même rythme : «Quasiment chaque trimestre entre fin 2022 et fin 2024, le glissement annuel médian de leur consommation (en euros courants) est nettement inférieur à celui de leur revenu», note l’Insee. Ainsi, les deux tiers de la hausse du taux d’épargne de 2024 proviendraient des retraités, en particulier des plus modestes.
Cette hausse du taux d’épargne n’est pas propre aux retraités. Elle est générale. En 2024, le pouvoir d’achat des ménages a bondi de 2,5%. Mais la consommation n’a progressé que de 1%. Pourquoi une telle retenue ? En partie parce que les perceptions de l’inflation, bien qu’en baisse, restent durablement élevées dans l’esprit des ménages. «Les perceptions quant à l’évolution des prix sur les douze derniers mois se normalisent lentement», note l’Insee. L’autre explication tient à la nature même des revenus supplémentaires perçus par les retraités : ce sont principalement des hausses de pensions et des revenus du patrimoine, moins susceptibles d’être immédiatement réinjectés dans la consommation que des hausses de salaires.
Résultat, le taux d’épargne, qui s’était envolé pendant la crise sanitaire, reste à des niveaux historiquement élevés. Il s’établirait en moyenne à 18,2% sur l’année 2025. Et atteindrait même 18,7% au deuxième trimestre, avant de fléchir en fin d’année avec la montée en puissance du prélèvement de l’impôt sur le revenu.
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Une épargne motivée par la précaution... ou la transmission
Cette attitude d’épargne est confirmée par les réponses des ménages eux-mêmes. Selon l’enquête de conjoncture après des ménages (Camme), réalisée en mars dernier par l’Insee auprès de 2000 ménages, plus de 40% des foyers déclarent aujourd’hui mettre de l’argent de côté, contre 37% en moyenne avant la crise sanitaire. Ce sont les plus aisés – et les plus âgés – qui épargnent le plus. La part des ménages de plus de 64 ans déclarant épargner a fortement augmenté, passant de 32% avant la crise à plus de 40% aujourd’hui.
Plus de la moitié des ménages interrogés déclarent le faire par précaution, pour se prémunir contre des dépenses imprévues ou des incertitudes à venir. Cette motivation est particulièrement forte chez les moins aisés, mais aussi chez les plus âgés. Les retraités se distinguent aussi par leur volonté de transmettre leur patrimoine : pour 28% d’entre eux, l’épargne est principalement motivée par la transmission ou l’assistance à des proches. Une tendance qui ne se retrouve ni chez les jeunes, ni chez les actifs.
L’investissement dans des placements rentables, ou la préparation d’un achat immobilier, restent des motivations marginales. Seuls les ménages les plus aisés évoquent ce type de projets : plus d’un épargnant sur dix parmi les 25% les plus riches met de l’argent de côté en vue d’un achat immobilier, contre quasi aucun chez les ménages modestes, dont la majorité reste locataire.
Cette accumulation de précaution, si elle contribue à la solidité financière des ménages, pose question sur le plan macroéconomique. La consommation reste en effet, en France, le principal moteur de la croissance. Or, malgré le retour progressif de la confiance, la prudence des Français pèse sur la reprise. Fin 2025, la consommation des ménages serait seulement 3,5 points au-dessus de son niveau de 2019, alors que la masse salariale et les prestations sociales auront progressé de 7 points en valeur réelle. Un décalage révélateur du comportement d’attente qui continue de dominer chez une partie de la population, et en particulier chez les seniors.