«Notre vie en dépend» : la population d’une commune de Dordogne craint la fermeture des célèbres papeteries de Condat

Aux portes du Périgord noir, à 39 kilomètres de Brive-la-Gaillarde et 45 minutes en voiture de Périgueux, le village de Le Lardin-Saint-Lazare (Dordogne) vit au rythme du papier depuis 118 ans grâce aux papeteries de Condat. Mais la prestigieuse usine est en difficulté. Alors que 1200 salariés y travaillaient en 1991, il ne reste que 202 personnes pour faire tourner l’unique ligne de production. Cette «ligne 8», totalement rénovée en 2023 pour produire du papier glassine à étiquettes, est désormais la seule machine du groupe à produire ce papier en France.

Mais pour combien de temps ? Depuis avril, le groupe Lecta n’honore plus le remboursement du prêt à taux zéro de 19 millions d’euros accordé par la Région Nouvelle-Aquitaine pour la modernisation de la ligne (500.000 € par mois). Une dette que son président Alain Rousset juge inacceptable. D’autant qu’en plus de cette aide régionale, 14 millions d’euros de subvention ont été donnés par l’État via l’Ademe la même année. «À l’heure où le gouvernement nous fait payer les erreurs du quoi “qu’il en coûte” en coupant les dotations, ce prêt doit être remboursé ! Ces millions peuvent et doivent servir à d’autres entreprises en difficulté», déclare l’élu PS.

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Pour Francine Bourra, maire de la commune, la situation confine à l’absurde. «C’est un énorme gâchis car les papeteries de Condat ont tout pour fonctionner», avance l’édile. Matériel neuf et innovant, personnel et compétences... Mais le papier glassine à étiquettes se vend mal. «Le groupe Lecta manque de stratégie industrielle. Nous pourrions faire des glassines alimentaires, cosmétiques ou pharmaceutiques qui se vendent très bien», insiste Francine Bourra. Selon le premier magistrat de la ville, les papeteries de Condat disposent d’ailleurs déjà des brevets nécessaires à cet effet. «Je n’arrive pas à imaginer Le Lardin-Saint-Lazare sans les fumées de la papeterie. J’en veux terriblement au groupe Lecta, qui refuse de nous écouter ou de vendre l’usine. C’est à se demander s’il n’y a pas une volonté délibérer de fermer le site», accuse le maire. Le président de la Région abonde : «Le problème, c’est que le groupe Lecta est composé d’usines qui risquent de se faire concurrence entre elles. Donc s’il a décidé de privilégier ses usines d’Espagne ou d’Italie (où la main-d’œuvre est moins chère, NDLR)... C’est compliqué pour nous.»

«Nous voulons un repreneur»

Philippe Delord, délégué syndical et enfant du pays, craint une fermeture définitive de la papeterie de Condat d’ici la fin de l’année. Pour le quadragénaire, embauché dans l’usine à 18 ans, cela serait un drame. «Je vis ici depuis toujours, mes amis les plus anciens et actuels travaillent à la papeterie. J’habite dans une résidence pavillonnaire où plus de la moitié des habitants travaillent ou sont des retraités de la papeterie», explique-t-il. Alors que jusqu’ici certains services de la commune comme La Poste ont été préservés grâce à la présence de la papeterie, la mairie a peur que ce ne soit plus le cas. Elle craint aussi et surtout la perte des 10 hectares de taxe foncière de l’usine, indispensables à son budget. «La vie économique de la commune dépend des papeteries de Condat... Il y a aussi un attachement très symbolique : l’entreprise a toujours été là», indique l’édile Francine Bourra. Tandis que le syndicaliste Philippe Delord ajoute : «Nous voulons un repreneur. Je me battrai jusqu’à mon dernier souffle pour que Condat continue de fonctionner. Bon sang de bon sang, l’entreprise est neuve ! » Une bataille loin d’être gagnée. Selon nos sources, le groupe Lecta, qui se refuse à tout commentaire pour l’heure, ne serait pas enclin à vendre.