Les Mystères de Paris, au Théâtre de la Huchette: quand le roman des bas-fonds s’éclaire en chantant

Dans les bas-fonds de Paris vers 1850. Un mauvais garçon surgit d’une porte noire, exige du public de couper sa « petite boîte » sous peine de représailles. Le rideau du Théâtre de la Huchette se lève sur une scène romantique. Un jeune couple d’amoureux se déclare sa flamme. Retour au « présent ». Aristocrate germanique, Rodolphe de Gerolstein (Simon Heulle) vient en aide à Fleur de Paris (lumineuse Lara Pegliasco). Comme Cosette et les Thénardier, l’orpheline est victime de la Chouette et du mal nommé Maître d’école, un ancien bagnard. L’innocente pense trouver refuge chez un notaire qui jouit d’une bonne réputation, mais elle se trompe. Sans nouvelles, Rodolphe part à sa recherche.

Il fallait être gonflé pour transposer Les Mystères de Paris  d’Eugène Sue en comédie musicale, de surcroît sur l’étroit plateau de la Huchette. Le roman-feuilleton de l’écrivain publié dans le Journal des débats entre 1842 et 1843 est une somme. On doit prendre soin de retenir les noms des protagonistes qui se croisent sans cesse. Éric Chantelauze, qui signe le livret, n’en est pas à son premier coup de maître. Il avait réalisé Comédiens ! et Poupée sanglante, d’après Gaston Leroux. Cette dernière déjà avec son complice Didier Bailly, auteur des mélodies qui illustre les aventures de Fleur de Paris (orchestrations de Paul Cépède et Marie-Anne Favreau).

Une kyrielle de talents

Confronté aux contraintes du lieu, Patrick Alluin est inventif. Il utilise les moindres recoins, issue de secours comprise, pour régler une mise en scène aussi précise qu’une montre suisse. Habile aussi, des scènes sont montrées selon différents points de vue comme dans une série justement. Le chef de troupe se fie à un trio qui joue quinze personnages. Il est rompu à l’exercice de la comédie musicale. En costumes d’époque pratiques pour les acteurs - Julia Allègre les a adaptés aux multiples déplacements -, il a largement fait ses preuves.

Danseuse de formation, Lara Pegliasco, fille des rues et comtesse, était Wendy dans Le Monde de Peter Pan  et dans Victor vers le futur. Simon Heulle s’est fait connaître en 2013 en remportant le concours de « La France a un incroyable talent » sur M6. Il a tenu ses promesses après dans Love Circus aux Folies-Bergère. Quant à Olivier Breitman, il a marqué les esprits sous la crinière de Scar, le méchant cadet de Mufasa, dans Le Roi Lion (au Théâtre Mogador, jusqu’au 29 juin). Le comédien est passé par les Tréteaux de France avec Marcel Maréchal. Il joue le notaire véreux en alternance avec Arnaud Léonard, remarqué lui, dans Chance !

Cette kyrielle de talents évolue dans un décor de toiles plissées pour seul décor. Un siège suffit pour imaginer un salon bourgeois ou un quartier sinistre de la capitale, des barreaux figurent une cellule. Au diapason, les lumières de Laurent Béal contribuent à offrir un beau voyage dans le passé. La pièce est en lice pour le Molière du meilleur spectacle musical.


«Les Mystères de Paris», au Théâtre de la Huchette (Paris 5e), jusqu’au 24 mai.