Budgets, travail, immigration... Ce qu’il faut retenir de l’interview de François Bayrou sur LCI
L’horloge tourne. Un mois et demi après son arrivée à Matignon, François Bayrou doit encore franchir l'Everest que n’a pas réussi à gravir son prédécesseur : l’adoption des deux budgets 2025. Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a repris ce lundi son examen à l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances (concernant l’État), lui, fera l’objet d’une commission mixte paritaire, jeudi prochain, entre députés et sénateurs. Sous la menace d’une censure, le premier ministre veut à tout prix éviter de connaître le même sort que Michel Barnier, renversé début décembre par l’alliance de circonstance des députés de gauche et du Rassemblement national (RN).
Pour ce faire, le Béarnais a engagé dès le début d’année des négociations avec le PS pour tenter de détacher le mouvement à la rose du reste du Nouveau Front populaire (NFP). En donnant des gages aux socialistes, notamment sur la réforme des retraites, François Bayrou s’est offert un peu de répit. La preuve, avec l’échec de la dernière motion de censure, post-discours de politique générale, qui s’est limitée aux Insoumis, écologistes et communistes. Avec l’objectif de s’inscrire dans le temps, François Bayrou a de nouveau tracé lundi soir ses grandes orientations sur LCI. Le Figaro vous résume ce qu’il faut retenir de l’interview du premier ministre sur la chaîne d’informations.
Budgets : «Le PS a obtenu des réponses»
Alors que le gouvernement a arraché un accord de non-censure temporaire du PS, après d’intenses tractations en coulisses, François Bayrou n’a pas voulu donner l’impression de concentrer ses efforts sur une seule formation politique. Il n’empêche, le mouvement dirigé par Olivier Faure a, de par sa future décision de censurer ou non le gouvernement, le destin du premier ministre entre ses mains. «J’ai confiance dans le sentiment de responsabilité de tous», a fait valoir le principal intéressé, selon qui le parti à la rose «a présenté de nombreuses demandes et a obtenu un certain nombre de réponses.» «Il faut que chacun ait la certitude qu’il est entendu et que les aspirations des uns deviennent compatibles avec celles des autres», a indiqué l’hôte de Matignon, qui fait de cet enjeu «sa responsabilité».
La suppression de 4000 postes dans l’Éducation nationale annulée, une «décision définitive»
Le premier ministre confirme avoir rétropédalé sur la suppression de 4000 postes dans l’Éducation nationale, initialement prévue dans le budget. Manière de répondre à l’une des exigences formulées par les socialistes. «C’est une décision définitive et délicate», a martelé François Bayrou. Avant d’aborder le sujet sous un autre angle : «Encore faut-il qu’il y ait des candidats au concours pour devenir enseignant. Depuis des années, ils ne sont pas suffisamment nombreux pour remplir les postes», s’est-il lamenté.
À noter que le premier ministre a également promu une «reconquête de l’écrit» à l’école, une mesure qu’il a défendue comme étant «progressiste». «Ce que je crois, c’est qu’il faut faire de l’écrit à l’école, tous les jours et même dans tous les cours», a-t-il déclaré en regrettant la place accordée aux images dans la jeunesse.
Quant aux ministères régaliens, François Bayrou a assuré que «l’effort est annoncé et tenu». «Tous les programmes annoncés seront respectés : pour le ministère des Armées, pour le ministère de la Justice, pour le ministère de l’Intérieur», a-t-il déclaré.
«Les moyens de l’État ne vont pas au bon endroit»
En quête d’économies pour réduire le déficit public de la France (au-dessus de 6% du PIB pour 2024), le gouvernement pourrait-il s’attaquer au nombre de fonctionnaires ? Réticent, François Bayrou a jugé que ces coupes «ne peuvent pas se faire immédiatement», puis a promis de regarder «en profondeur ce que l’État et les collectivités locales et les innombrables agences font». De quoi amener le premier ministre à dire «que les moyens de l’État ne vont pas au bon endroit».
En parallèle, François Bayrou entend «conduire une réforme dans l’organisation administrative» qui «fasse que les moyens aillent au bon endroit». Ciblant les «1244 agences» de l’État, le premier ministre a dit que «personne ne sait exactement comment elles sont organisées, contrôlées.» «La bureaucratie s’y est introduite.»
«Notre organisation n’a pas été revue depuis des décennies. Il faut la repenser en profondeur», a considéré le maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques). Qui le tonne : «Une fois le budget adopté, nous allons partir à l’assaut de tous les problèmes, sans exception.» À condition que les projets budgétaires soient bel et bien adoptés dans les prochaines semaines au Parlement...
Bayrou écarte les 7 heures de travail non rémunéré, car «le travail doit être payé»
François Bayrou a par ailleurs écarté la piste des sept heures de travail non rémunérées, avancée par le Sénat dans le cadre du budget de la Sécurité sociale, car «le travail doit être payé». «Le travail ne doit pas être gratuit», a-t-il insisté, se disant tout de même «prêt à discuter» de cette «proposition parlementaire», tout en soulignant que «c’est aussi une règle simple que tout travail mérite salaire».
Sans s’avancer sur le chantier des retraites, objet d’une prochaine négociation entre les partenaires sociaux, le premier ministre a affirmé : «Travailler plus est une nécessité».
Pour Bayrou, la «crise démographique du pays menace notre modèle social»
Alors que les dépenses sociales représentent en France un tiers du PIB (près de 890 milliards d’euros en 2023), le premier ministre a considéré que «notre pacte social est le plus généreux du monde». Or, ce système se fragilise compte tenu de la chute historique de la natalité dans le pays depuis 1945. «Le nombre d’enfants du pays baisse. Notre contrat social repose sur le “tous pour un”. Cela ne peut marquer que si le “tous” est assez nombreux. La crise démographique du pays menace notre modèle social. C’est une réalité cruelle et tragique», a-t-il pointé.
Bayrou favorable à une restriction du droit du sol à Mayotte, mais pas en métropole.
Interrogé pour savoir s’il souhaitait limiter le droit du sol à Mayotte, le premier ministre a répondu positivement. Tout en refusant des restrictions similaires en métropole. Une proposition de loi visant à restreindre ce droit à Mayotte doit être débattue à l’Assemblée nationale lors de la niche parlementaire des députés Droite républicaine (DR) prévue le 6 février. Même si une dérogation existe déjà à Mayotte, qui restreint la possibilité de devenir Français pour les enfants nés de parents étrangers sur l’archipel.
Immigration : Bayrou appelle à «organiser des pressions» sur les pays d’origine
Dans ses anciennes fonctions, François Bayrou a habitué à se montrer prudent sur la question migratoire. À Matignon, il entend maintenir un certain équilibre. Sur LCI, il a expliqué que l’immigration «est l’un des sujets les plus lourds devant nous». S’il existe, selon lui, «des métiers pour lesquels on ne trouve plus de Français qui veulent les occuper», François Bayrou a indiqué que «les apports étrangers sont positifs pour un peuple à condition qu’ils ne dépassent pas une proportion». Et le premier ministre de poursuivre sur cette même ligne de crête : «La rencontre des cultures est positive, mais, dès l’instant où vous avez l’impression d’une submersion, il y a rejet. En France, on s’en approche.»
Quid, malgré cette analyse, de l’épineux dossier des OQTF (les étrangers ayant reçu une obligation de quitter le territoire français) ? «Nous n’y arrivons pas, car les pays d’origine ne veulent pas reprendre leurs ressortissants. Il faut organiser des pressions, ouvertes ou discrètes, pour qu’ils reprennent leurs nationaux», a-t-il reconnu. Excluant, contrairement à la volonté du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, de recourir au référendum sur l’immigration.
Elon Musk «crée une menace sur les démocraties»
Alors que le patron du réseau social X, Elon Musk, n’hésite pas à intervenir dans les débats politiques internes à d’autres pays que le sien (les États-Unis), le premier ministre a critiqué le comportement du membre de l’administration de Donald Trump qui «crée une menace sur les démocraties». «L’argent ne doit pas donner le droit de diriger les consciences», a-t-il cinglé.