REPORTAGE. Entre équipements modernes et grosses déceptions, que reste-t-il des Jeux olympiques en Seine-Saint-Denis un an après ?
Une musique devenue culte, quinze jours de compétition, 64 médailles récoltées par l'équipe de France, des souvenirs par dizaines... Mais quelles retombées effectives ? Après dix mois de travaux, le Centre aquatique, qui a accueilli les épreuves de plongeon, de natation artistique et de water-polo lors des Jeux olympiques de 2024, a enfin ouvert au public début juin 2025.
Tous les nageurs peuvent enchaîner les longueurs dans cet immense bassin de 50 mètres. "Les piscines ont tendance à être complètes très vite en Ile-de-France", confie Elise, qui a donc fait 30 minutes de transports depuis Nanterre pour venir ici "au calme". "On n'est pas très nombreux", sourit-elle.
"On passe des moments merveilleux"
En plus de la piscine olympique, on trouve ici deux autres bassins pour enfants, avec toboggans et jets d'eau. Aude, qui habite juste à côté, sur l'île Saint-Denis, y patauge avec sa petite fille. Avant cela, la mère ne l'avait jamais emmené à la piscine. "Je ne trouvais pas de piscine à mon goût, qui soit sécurisée ou propre. On passe des moments merveilleux", se réjouit la maman.
Et pour cause : la Seine Saint-Denis est le département le moins bien doté de France en piscines. D'où la nécessité d'un tel ouvrage insiste Gregorie Lartigot, directeur délégué du site : "On dit souvent qu'un enfant sur deux, qui entre en sixième sur ce territoire ne sait pas nager. C'est l'une des pires statistiques, si ce n'est la pire de France. À partir du 15 septembre, les scolaires vont arriver en nombre, avec beaucoup de créneaux", souligne-t-il. Seul bémol, les tarifs, qui sont supérieurs à une piscine classique : 1,70 euro pour un enfant et 5,80 euros pour un adulte.
Ce centre fait pleinement partie de ce qu'on appelle "l'héritage matériel" des Jeux olympiques, qui concerne aussi les transports et l'aménagement urbain. La nouvelle Gare Saint-Denis-Pleyel constitue un bon exemple. Inaugurée juste avant les JO, elle est devenue le terminus de la ligne 14 et doit accueillir, dans les prochaines années, trois autres lignes et 250 000 voyageurs par jour. Pendant les Jeux, la ligne 14 a été précieuse pour les spectateurs se rendant au Centre aquatique olympique et du Stade de France. Depuis, elle a aussi changé la vie de certains habitants, comme Hayet : "Je devais prendre la ligne 13 qui était assez compliquée et qui m'imposait un changement. Je n’habite pas loin de Gare de Lyon, donc maintenant c'est direct, la ligne est propre, un confort absolu."
Autre exemple de cet "héritage" : ce nouveau pont qui, pendant les Jeux olympiques, permettait aux athlètes de se déplacer plus facilement depuis le village olympique. Désormais, il relie des quartiers de Saint-Denis autrefois enclavés et séparés par des voies de chemin de fer. Pour Mohammed, c'est une véritable révolution : "On gagne 15 minutes, avant on faisait le tour, ça nous prenait 20 minutes. C'est très bien parce qu’on a accès directement au centre de Paris." Les Jeux Olympiques auront aussi permis la création de nouvelles pistes cyclables en Seine-Saint-Denis ou encore l'enfouissement de lignes à haute tension.
Coupes budgétaires dans le sport
Cependant, le point noir concerne l'héritage dit "immatériel", autrement dit l'argent consacré au sport. Dans le prochain budget, les crédits pourraient à nouveau baisser de 18%, alors qu'ils ont déjà diminué de 300 millions d'euros cette année. Les différents clubs de Seine-Saint-Denis pâtissent sévèrement de ces coupes budgétaires. À Villemomble, par exemple, à l'est de Paris, Lahoussaine Biyoukar regarde avec désespoir la piste vide du stade George-Pompidou : "C'est vide... Il ne doit y avoir que les gardiens dans leurs loges."
Le stade est, d'ailleurs, vide pour la première fois depuis 30 ans. Chaque année, 75 enfants de 6 à 17 ans, privés de vacances, étaient accueillis gratuitement ici pour des activités sportives. Mais le président du club de Villemomble a vu ses subventions municipales à nouveau baisser : 20% de moins en 6 ans. Contraint, il a dû annuler les stages d'été.
"C'est un crève-cœur, quand je sors du boulot, je les vois traîner en bas du quartier"
Lahoussaine Biyoukarà franceinfo
En effet, en bas des tours du quartier voisin, Aïssa, 12 ans et Aboubakar, 13 ans, tentent de faire passer le temps qu'ils occupaient autrefois au stade. "On a demandé au gardien qui nous a dit qu'il y avait plus... Il y avait tous les sports : du football, du basket, du hand.. C'était drôle, c'était bien", s'attriste le jeune garçon.
À la rentrée, ces deux adolescents ne savent pas s'ils pourront continuer le football car ils bénéficiaient du pass sport, une aide de 50 euros pour une licence qui coûte environ 250 euros. Or, le dispositif vient d'être supprimé pour les 6 à 14 ans. Nathalie, elle, a trois enfants et si elle ne peut pas bénéficier des aides, le montant sera trop important. "Ça me faisait quand même 150 euros en moins", glisse-t-elle.
Pour Lahoussaine Biyoukar, dont le club compte 5 000 adhérents, c'est une désillusion de plus : "Il y a un an, il s'est passé quelque chose d'exceptionnel : les Jeux olympiques et les paralympiques. Je m’étais dit que le gouvernement allait investir dans le sport dans les 5 ou 10 prochaines années. Le sport est pour beaucoup un vecteur important, d'inclusion, de solidarité, de mixité. On ne peut pas réaliser des économies sur ça."
À terme, c'est aussi le haut niveau français qui peut en pâtir : c'est à Villemomble que la double médaillée olympique de judo, Audrey Tcheuméo, a débuté ou encore Maghnes Akliouche, le jeune milieu de terrain de l'AS Monaco.