Notre critique de F1. Le film: à vrombir de plaisir

On se croyait parti en pole position pour assister à une sorte de « Top Gun. Maverick sur roues ». Mais F1. Le film  emmène les spectateurs ailleurs. Il suffit de regarder l’affiche pour retrouver tous les codes du bon vieux western. Harnaché pour une chevauchée sauvage, Brad Pitt se dresse tel un cavalier de l’Apocalypse sur fond de soleil couchant. À ses côtés, son fidèle destrier fuselé, tel un pur-sang à quatre roues, n’attend qu’une chose : faire vrombir ses 850 chevaux.

Réalisé par Joseph Kosinski (Top Gun. Maverick, Tron. L’héritage ou Oblivion), F1. Le film démontre qu’on est loin des espaces azurés et des « dogfights » entre jets surpuissants. Non, ici, les héros restent au ras du sol. Ils sont terriens et fiers de l’être. La poussière et l’horizon sont là pour le prouver. Et c’est peut-être ça son coup de génie : avoir mis en scène un film de Formule 1 comme on réalise Le Bon, la Brute et le Truand. Dans ce blockbuster ultra-codifié, l’histoire se développe autour du retour d’un vétéran brisé qui sort de sa retraite trente ans après un terrible accident pour sauver la mise d’un vieux copain dont l’écurie est menacée par la faillite.

Rivalité entre deux pilotes

Ruben Cervantes (Javier Bardem), patron de l’Apex Grand Prix, sait qu’en allant chercher son vieil ami Sonny Hayes (Brad Pitt), vieux pilote des années 1990 devenu indépendant loin des paddocks de F1, il risque le tout pour le tout. Surtout, Cervantes court après deux lièvres à la fois. S’il offre d’abord à un ex-prodige de la Formule 1 la possibilité de reprendre un baquet pour une hypothétique rédemption, il espère surtout que le héros transmettra toute son expérience à une jeune recrue douée mais trop pressée de se faire une place au soleil, le « rookie » Joshua Pearce (Damson Idris).

Et c’est là que se tend l’arc narratif principal. Comme dans Rush (2013), de Ron Howard, F1. Le film repose sur la rivalité entre deux pilotes. Mais, cette fois, cette opposition se situe au sein de la même équipe. Le plus amusant consiste à observer comment Brad Pitt va rapidement comprendre que son jeune coéquipier est surtout son plus grand adversaire. Le vétéran contre le débutant : la formule (sans mauvais jeu de mots) a fait ses preuves. De La Prisonnière du désert (1956, John Ford) à Training Day (2001, Antoine Fuqua) en passant par Men in Black (1997, Barry Sonnenfeld), le spectateur navigue en terrain connu.

À chaque fois qu’il le peut, Joseph Kosinski met en scène Brad Pitt comme un « lonesome cow-boy ». Sonny Hayes apparaît tel un Clint Eastwood taiseux, revenu de tout. Kosinski ne résiste pas au plaisir de le filmer de loin, avançant sur la piste tout en décontraction, avec son barda sur l’épaule comme s’il s’agissait de la selle d’un cheval. Évidemment, le comédien reste la grande attraction du film. Vieux loup solitaire, personnage sans attaches qui vit dans sa caravane, Sonny Hayes possède la classe et le charme infaillible d’un Brad Pitt au sommet de son art.

Une autorité rassurante

L’inoubliable acteur de Once Upon a Time… in Hollywood , le film de Tarantino qui lui valut un Oscar il y a cinq ans, convoque au chevet de son personnage la virilité parcheminée d’un Eastwood dans Impitoyable, la « cool attitude » et l’autorité rassurante de Steve McQueen dans Le Mans (1971), le tout mâtiné d’un zeste de Tom Cruise dans Top Gun*. Maverick. Solide, calme, charmeur, déterminé tout en étant fragile et secrètement handicapé par une vieille blessure, Brad Pitt porte le film sur ses épaules encore musculeuses.

L’autre atout, bien sûr, ce sont les courses. Joseph Kosinski les filme avec réalisme. Et même si le spectateur n’est pas féru de Grands Prix automobiles, le réalisateur sait en restituer la dramaturgie de manière très lisible. Il s’est sans doute également souvenu qu’il avait mis en scène de furieuses poursuites dans Tron. L’héritage. Et on sent qu’il n’a pas oublié la façon dont il avait rendu les combats aériens de Top Gun. Maverick aussi immersifs.

Séquences ultra-spectaculaires

En plaçant des caméras devant, derrière, et même en utilisant des iPhone pour filmer l’intérieur des voitures comme si on y était, le cinéaste orchestre des courses échevelées dignes des plus belles poursuites à cheval. Le film appuie sur l’accélérateur et produit des séquences ultra-spectaculaires qui collent le spectateur dans son siège, tout en lui faisant dresser les poils sur les avant-bras. L’adrénaline est là à chaque virage et dans chacune des chicanes.

On se dit alors que ce blockbuster estival « old school » (le producteur Jerry Bruckheimer ne doit pas y être pour rien) a bien des atouts pour délivrer sa dose de divertissement et de souffle épique. Même si l’intrigue semble parfois cousue de fil blanc, il serait malvenu de bouder son vrombissant plaisir.

La note du Figaro : 3/4