Haute cuisine, espionnage et libertinage sur fond d'époque napoléonienne : tous les ingrédients d'une alléchante série sont réunis dans Carême, huit épisodes diffusés à partir de mercredi 30 avril sur Apple TV+. Elle nous plonge dans les coulisses du pouvoir sous le Consulat et jusqu'à la proclamation de l'Empire, de la fin 1799 à mai 1804. Soit un peu plus de quatre ans, le temps qu'il fallut à l'ambitieux Antonin Carême pour passer de jeune pâtissier prometteur à premier chef star de l'histoire au service des plus grandes cours d'Europe.
Benjamin Voisin, révélé dans Été 85 de François Ozon et sacré César du meilleur espoir masculin en 2022 pour son interprétation de Lucien Rubempré dans Illusions perdues de Xavier Giannoli, tient le premier rôle dans ce thriller historique réalisé par Martin Bourboulon (Les Trois Mousquetaires) et inspiré d'un livre du Britannique Ian Kelly, Cooking for Kings, The Life of Antonin Carême (non traduit).
Le jeune Antonin Carême, dont les spectaculaires pièces montées attirent tous les regards dans la vitrine d'une boutique du Palais Royal, refuse de travailler pour le Premier consul Napoléon Bonaparte. Son père adoptif, le pâtissier Sylvain Bailly, qui l'encourage pourtant à accepter, est alors jeté en prison sans raison et menacé de mort.
Dès lors, Carême va tout faire pour sauver son bien-aimé mentor des geôles du glaçant ministre de la Police Joseph Fouché, dont il n'aura de cesse de se venger. Ce faisant, le brillant cuisinier va tomber dans les rets de Talleyrand, puissant ministre des Relations extérieures, qui en fera un espion à son service. Car "pour séduire, rien de mieux qu'un plat bien choisi", affirme celui-ci.
Un scénario et un casting aux petits oignons
Sur cette trame, qui prend pas mal de libertés avec la réalité – Carême a bien été l'un des leviers du soft power de la France sous Napoléon Bonaparte avec ses mets raffinés capables d'émerveiller les palais les plus exigeants, mais rien n'atteste qu'il a été espion – les créateurs Ian Kelly et Davide Serino ont construit huit épisodes haletants où abondent les intrigues, politiques et sentimentales, et les retournements de situations, pimentés de scènes torrides et de belles tranches de cuisine.
Charismatique, Benjamin Voisin excelle dans la peau de ce jeune chien fou, séducteur, insolent et crâneur, qui prend tous les risques. Pâtissier inspiré par l'architecture, cuisinier ascendant apothicaire composant baumes et poisons, Carême est un personnage non dénué d'arrogance et de zones d'ombre, que l'acteur rend particulièrement solaire et attachant.
Pour lui donner la réplique, Lyna Khoudri est Henriette, l'amoureuse de Carême, dont la grâce de faon cache un double jeu dangereux, tandis qu'Alice Da Luz interprète Agathe, sa seconde en cuisine, efficace petit soldat des fourneaux qui menace de dépasser le maître.
Second personnage central de la série, Jérémie Renier campe avec brio Talleyrand. À cette figure machiavélique, cet infirme (il souffrait d'un pied-bot) et fin stratège jamais à court d'une machination, il offre un visage nuancé, d'une étonnante bonhomie, loin de la caricature. Jamais on n'entrevoit dans le regard de Renier la cruauté, plutôt l'assurance et la duplicité tranquille du diplomate, auxquelles il ajoute une touche de vulnérabilité. Impossible de passer sous silence également la performance remarquable de Micha Lescot, en terrifiant ministre de la Police, Joseph Fouché, que l'on surnommait "le boucher de Lyon".
Un chef sexy et rock'n'roll
L'attrait de la série réside aussi dans la beauté de ses images et ses décors somptueux, qui, comme l'histoire, ne se contentent pas de recréer la réalité. Nous étions "prêts à trahir l'exactitude pour atteindre la vérité émotionnelle", explique ainsi le co-créateur Davide Serino.
Le réalisateur Martin Bourboulon, qui a su moderniser avec élégance Les Trois Mousquetaires, souhaitait quant à lui injecter de la fraîcheur dans les costumes et les décors, afin de faire de Carême un chef sexy et rock'n'roll à l'égal des chefs contemporains en vogue.
Au diapason de la sensualité du "chef des rois et du roi des chefs", qui inventa le vol-au-vent et codifia ultérieurement la gastronomie française, les images donnent souvent l'eau à la bouche. On assiste à la transformation des victuailles, au plus près du malaxage des pâtes, du feu des rôtissoires, de la préparation des sauces et des crèmes, de la confection des tourtes et des choux…
Pour plus de réalisme, avec un sens du détail qui fait honneur à celui de Carême, des cuisines ont été spécialement créées pour l'occasion, des kilos de mets ont été cuisinés par des équipes dédiées et Benjamin Voisin lui-même, pour parfaire sa gestuelle, a suivi des cours de cuisine durant deux mois dans la prestigieuse école Ferrandi. Dans l'épisode cinq, un concours de cuisine organisé chez Talleyrand, qui parodie gentiment "Top Chef", prête d'ailleurs à sourire. Jusqu'au bout, Carême, susceptible de plaire partout sur la planète, est un régal de série à déguster sans modération.
"Carême", une série en huit épisodes (50 min environ) réalisée par Martin Bourboulon, à voir sur Apple TV+ à partir du 30 avril 2025