«En rentrant chez moi, j’étais épuisée, je n’en pouvais plus», résume Emma, DRH chez Cheerz après une journée passée sur la chaîne de production de son entreprise. Durant les périodes de rush, trois jours autour de Noël et du Black Friday, les cadres de Cheerz se rendent dans leur usine, à Gennevilliers, pour prêter main-forte aux ouvriers. L’objectif de l’opération ? Renforcer l’esprit d’équipe, et faciliter «une bonne circulation de l’information», entre «ceux qui conceptualisent et ceux qui façonnent les produits». Au côté de 25 salariés, et de 35 travailleurs temporaires, les «gens du siège» viennent ainsi effectuer les tâches les plus simples (rassembler et emballer les produits à envoyer). Les plus complexes demanderaient des formations trop longues au regard du peu de temps passé à l’usine. «Leur coup de main nous aide», mais mine de rien cela «demande beaucoup d’organisation», explique Cécilia, responsable de production à Cheerz. C’est pourquoi, « on préfère ceux qui sont déjà venus renforcer l’équipe l’année d’avant, comme ça, ils sont directement efficaces», ajoute-t-elle.
À la «factory» de Gennevilliers, principal lieu de production de Cheerz, il faut encaisser environ 12 à 14.000 commandes par jour, durant le dernier trimestre de l’année, «jusqu’à 17.000 lors des deux, trois jours de rush», là où par temps calme seulement 3000 colis sont envoyés. Alors la méthode pour inclure les cadres dans ces 1500 m2 de l’entrepôt est bien huilée. Un référent de l’usine les accueille, les forme et répond à leurs questions. Au début, «on décompose vraiment chaque geste», se souvient Emma, qui avait à cœur de suivre à la lettre les objectifs de production affichés sur des petits écrans. Mais en ce jour de décembre, un bug dans les serveurs empêche de traiter tous les colis, bien que le carnet de commandes soit particulièrement rempli.
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«Un œil neuf»
L’expérience fut donc courte pour certains cadres, désœuvrés et finalement retournés à leur ordinateur. Pas si grave, car ce n’est pas tant de renfort de main d’œuvre dont Cheerz a besoin. L’entreprise n’a pas de difficulté à recruter des saisonniers, 40% de ses travailleurs temporaires viennent au moins pour la deuxième fois, via des boîtes d’intérim ou l’application StaffMe. Cette rencontre entre les cadres et les ouvriers de l’entreprise permet surtout d’améliorer le processus de production. «Car le principe des procédés industriels demeure que l’on ne prend pas forcément le recul nécessaire face à nos pratiques quotidiennes», analyse Cécilia. «Un œil neuf, permet de rectifier des choses auxquelles on ne pense pas», abonde Matthieu directeur des sites industriels de Cheerz.
L’année dernière notamment, les cadres devenus succinctement préparateurs de commandes, avaient remarqué que «le positionnement» des armoires de stockage, «ne permettait pas de circuler efficacement». «On faisait beaucoup trop de pas inutilement», le podomètre de son téléphone «s’en souvient», témoigne Emma. Banco ! Les fameuses armoires ont depuis été repositionnées, ne laissant plus d’espace aux mouvements inutiles. Là aussi, la méthode est toujours bien huilée. Les «gens du siège» font un retour, les problèmes identifiés sont posés et un groupe de travail met en place une solution. A contrario, les cadres sont preneurs de «l’expérience produit» venus des ouvriers de la chaîne de production. Mathis, développeur informatique, a notamment pris la mesure «des répercussions», que peut avoir son travail «sur le travail final en usine». Et encore banco ! Il a développé un outil permettant d’imprimer en recto-verso, sans avoir besoin d’effectuer un collage manuel en usine.
Miser sur la culture d’entreprise et la bonne ambiance
Au-delà des ajustements techniques, ces journées permettent de développer le lien humain et de bonnes conditions de travail, insiste-t-on en interne. Et, en effet, les espaces dédiés aux pauses reprennent les codes de la start-up : baby-Foot, thé ou café à disposition, espace de sieste, et même jeu d’arcade. «C’est très important pour l’esprit d’équipe, de créer du lien entre ceux qui pensent les produits et ceux qui les produisent», résume Ana, directrice générale de Cheerz, tout en expliquant que, pour limiter la charge mentale pendant «les périodes de rush, le déjeuner est fourni». Des pratiques, qui, dans un premier temps, ont surpris Moegni, cariste et travailleur temporaire. Il n’avait jamais vécu cela dans les autres entreprises où il a exercé. «Il n’y a rien à redire» observe le cariste, depuis son intégration. Cheerz semble avoir trouvé sa méthode pour faire face au surcroît d’activité auquel doivent faire face les entreprises concernées par les produits «sapin de Noël». «On se transforme en lutin, et cela donne du sens à notre activité», résume la direction de Cheerz. En prime, une petite vidéo compilant les meilleurs moments de cette période de fêtes, sera montée et offerte aux salariés, en souvenir.