Guerre Israël-Iran : l’intelligence artificielle a-t-elle été utilisée dans une vidéo pour illustrer la frappe de Tsahal sur la prison d’Evin à Téhéran ?

Six secondes qui sèment le doute. Dans une vidéo en noir et blanc relayée sur les réseaux sociaux et diffusée par les médias du monde entier lundi 23 juin, il est possible de voir ce qui est présenté comme l’une des entrées de la prison d’Evin, à Téhéran, exploser et voler en éclats après, est-il expliqué, qu’elle a été touchée par une frappe israélienne. L’extrait semble avoir été capturé par une caméra de surveillance : «CAMERA 07», est-il écrit dans le coin en haut à gauche de l’écran.

Au onzième jour de sa guerre contre l’Iran, c’est à un symbole fort du pouvoir de la République islamique qu’Israël s’est effectivement attaqué en frappant cette incarnation de la répression gouvernementale située au nord de Téhéran. L’attaque, revendiquée par le gouvernement de l’État hébreu, a été confirmée par la justice iranienne. Téhéran a en sus affirmé que la frappe avait causé «des dégâts sur certaines sections» du centre pénitentiaire ainsi que des morts et des blessés. Se pose alors une question : une fausse vidéo a-t-elle été utilisée pour illustrer un fait véritablement advenu ? Le cas échéant, qui est à l’origine de cette manipulation de l’information ?

Plan resserré

Dans la vidéo en question, que même le ministre israélien des Affaires étrangères a relayé sur son compte X, c’est bel et bien la prison d’Evin qui est (supposément) filmée, comme a pu le constater Le Figaro en comparant les images avec une photo publiée sur Google Maps (35°47’35.3"N 51°23’07.8"E) ou sur des sites d’informations iraniens illustrant des articles avec une image similaire.

La prison d’Evin, qui regorge d’opposants politiques et détient plusieurs ressortissants étrangers, est située au nord de Téhéran. Capture d’écran / Google Maps

Mais en fin de journée, la BBC déclare «soupçonner» que la vidéo «pourrait avoir été générée par l’intelligence artificielle (IA)». Comparer la vidéo aux images disponibles sur Internet en accès libre suffit à faire naître le doute. Certes, la vidéo diffusée propose un angle plus resserré autour de la porte de la prison que sur les images sur Google Maps. De même, la vidéo propose un plan légèrement incliné par rapport aux images «open source». Mais la disposition de la végétation (arbustes, branches) est strictement identique.

Un environnement insensible à l’explosion

L’analyste israélien Tal Hagin membre du collectif Fake Reporter, qui lutte contre la désinformation en ligne, s’est penché sur la question à travers un fil publié sur X le 23 juin. «Je soupçonne fortement que cette vidéo a été générée par l’IA, probablement à partir d’une image réelle de la prison», entame-t-il.

En comparant la vidéo à d’autres images présentant le même angle, Tal Hagin remarque de même que «sur les images suspectes, la végétation a un aspect hivernal [à Téhéran]». Or, dans des vidéos diffusées par plusieurs médias iraniens, la végétation est plutôt verdoyante. L’analyste remarque aussi que les arbustes et les arbres plantés en face ou à proximité de la porte semblent inébranlables face à cette explosion qui souffle pourtant une porte.

Enfin, signale le chasseur de «fake news» numériques, sur des séquences, là encore diffusées par des médias iraniens, ce sont des pans entiers du bâtiment qui sont en débris après l’explosion de la porte sud. Et non pas que la porte. Le Figaro n’a pas pu remonter à la source de cette vidéo, dont aucune occurrence n’advient avant le 23 juin 2025.

Sur des séquences, là encore diffusées par de médias iraniens, ce sont des pans entiers du bâtiment qui sont en débris après l’explosion de la porte sud. Captures d'écran Google Maps et Geo Politic Daily X

Mardi 24 juin, au lendemain de la frappe israélienne, les autorités iraniennes ont annoncé avoir «transféré» des détenus de la prison d’Evin vers d’autres centres pénitentiaires de la province de Téhéran. Les Français Cécile Kohler et Jacques Paris sont emprisonnés à Evin depuis le 7 mai 2022 pour complot contre la sécurité nationale. Mercredi, les autorités françaises ont «eu l’assurance» que les deux Français «n’ont pas été blessés» dans la frappe israélienne de lundi.