Le Figaro Marseille
«Toutes mes économies ont été perdues. Je n’avais plus droit aux chèques ni à ma carte bancaire et mon compte avait été clôturé. Le pire, c’est que des huissiers venaient quand même pour me réclamer de l’argent», souffle Sonia* auprès du Figaro, évoquant avec douleur l’état de ses finances réduites à néant par une usurpatrice que rien ni personne ne semblait pouvoir arrêter.
En 2022, la vie de cette Marseillaise gérant un magasin de lunettes du centre-ville de la cité phocéenne a basculé lorsqu’elle a croisé la route de Sourour B., alors de passage dans sa boutique. «Cette dame s’est présentée à moi avec un ordonnance qui comportait le même nom que moi. On s’est rapprochés comme ça», se remémore Sonia, ne se doutant pas à l’époque que cet homonyme n’était que la première pièce d’un stratagème savamment orchestré.
«Elle venait ensuite tous les jours au magasin pour acheter des lunettes. Ce qui m’avait frappé, c’est qu’elle me ressemblait énormément. On avait les mêmes yeux et un visage très ressemblant», décrit la jeune femme progressivement tombée dans les filets de cette intrigante cliente se présentant comme une «agent immobilière». «On a commencé à tisser des liens. Je la trouvais charmante et je pensais que c’était une femme qui avait réussi, qui avait de l’argent. Elle venait tout le temps me voir avec des cadeaux», poursuit Sonia.
Voiture à 48.000 euros
Mais le piège s’est rapidement refermé sur cette dernière. Alors enceinte et séparée de son compagnon, la jeune femme tombe malade et est hospitalisée. Sa «mécène», qui venait de lui proposer de lui trouver un appartement, vient lui rendre visite à l’hôpital. «Elle a profité de mon état pour me voler mon portefeuille qui contenait mon passeport. Avec celui-ci, elle a ouvert des comptes bancaires dans toutes les agences de Marseille, sauf la mienne», détaille Sonia qui tente encore aujourd’hui de reconstituer le puzzle.
À son insu et alors que sa victime est toujours hospitalisée, Sourour B. multiplie les dépôts de chèques en blanc pour faire des achats, souscrit à de nombreuses offres de crédit et procède même à l’acquisition d’une voiture neuve chez un concessionnaire des quartiers nord d’une valeur de 48.000 euros. À chaque fois, l’usurpatrice se présente aux banques et autres créditeurs avec l’identité de Sonia, qui met du temps à se rendre compte de l’escroquerie.
«Un jour, mon patron m’a prévenue qu’une personne se faisait passer pour moi en demandant des crédits. J’ai tout de suite compris que c’était elle. J’ai voulu déposer plainte, ce qui m’a d’abord été refusé. La police a fini par prendre ma plainte, mais cela renvoyait en réalité au nom de sa première victime à qui elle usurpait également l’identité», se remémore la jeune femme avec horreur.
Fichée par la Banque de France
En faisant des recherches poussées, elle retrouve la trace de cette victime et d’une dizaine d’autres, passées entre les griffes de Sourour B.. «C’était une fonctionnaire à la Ville et sa meilleure amie. Mais elle ne s'était jamais rendu compte de rien. L’usurpatrice avait réussi à se faire déverser son salaire. Elle a aussi fait des locations à son nom et les sous-louait sur Airbnb. Elle a fait ça dans tout le sud de la France, c’est de la folie», s’étrangle Sonia, qui a déposé une nouvelle plainte avec une dizaine de personnes en mai 2024, découvrant même que des véhicules avaient été loués en leur propre nom en Allemagne.
Saisie de l’affaire en juin dernier, la brigade financière du commissariat du 8e arrondissement de Marseille a finalement interpellé l’usurpatrice âgée de 36 ans et son compagnon en septembre. Le couple, mis en cause pour des faits de «participation à une association de malfaiteurs», «escroquerie», «vol en réunion» et «usurpation de l’identité d’un tiers», a été mis en examen par la justice dans le cadre de l’ouverture d’une information judiciaire. Sourour B. a été placée en détention provisoire et son compagnon, Abdallah B., soumis à un contrôle judiciaire. L’avocat de ce dernier, Me Thibault Simonini, n’a pas souhaité faire de commentaire auprès du Figaro. En tout, une quinzaine de personnes auraient été escroquées par le couple, mais la liste pourrait s’allonger.
J'en devenais folle, je gardais même mes tickets de caisse pour prouver que je n'étais pas fautive en cas de problème
Sonia*, victime présumée de Sourour B.
«Il faut se satisfaire de l’ouverture de cette information judiciaire et de la mise en examen des principaux auteurs, tout en remerciant les services de police qui ont bien travaillé», se félicite Me Sabrina Settembre, avocate de Sonia et de deux autres victimes présumées. «Le processus de l’escroquerie est le même : mettre en confiance les victimes. L’instruction ne fait que commencer, mais toutes les saisies faites par des huissiers à l’encontre de mes clientes ont été interrompues. L’une d’entre elles avait même failli perdre sa maison», précise le conseil.
«Tout avait été gelé par la Banque de France , qui m’avait fichée. Des huissiers venaient tout le temps chez moi. J’en devenais folle : je gardais même mes tickets de caisse pour prouver que je n’étais pas fautive en cas de problème», lâche Sonia en évoquant son traumatisme . «Je n’en dors plus la nuit. Elle m’a bousillé et volé la naissance de mon fils. C'est glauque d'aller recherche des gens qui se ressemblent pour usurper une identité».