Budget : "Encore une fois, les entreprises vont payer le prix fort", alerte Jean-Guilemme Darré, du Syndicat des Indépendants et des TPE
Le Premier ministre François Bayrou a échappé sans surprise à la censure de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances 2025. L'échec de cette motion entérine l'adoption du budget par l'Assemblée nationale grâce à l'article 49.3 de la Constitution.
franceinfo : Est-ce que c'est une bonne chose pour vous ?
Jean-Guilhem Darré : Le fait qu'on entre, peut-être, dans une phase de stabilité politique est un élément positif à la fois pour les consommateurs et pour les entreprises. Maintenant, je ne vous cacherai pas que le budget tel qu'il va passer, potentiellement, ne nous satisfait pas entièrement.
Vous écrivez dans un communiqué, "la stabilité politique obtenue dans la préparation du budget se paiera au prix fort pour nos entreprises et notre économie. Qu'est-ce qui vous déplaît ?
Cela va coûter cher. Le budget tel qu'il est conçu, il y a une augmentation des prélèvements obligatoires et il n'y a pas de baisse, en tout cas en volume, pour le budget de l'État. Donc, c'est encore une fois les entreprises qui vont payer, elles vont payer au travers d'augmentation de taxes, au travers d'augmentation de charges, au travers d'une baisse de la baisse de certaines aides, les aides sur les salaires, les aides au niveau de l'apprentissage et donc encore une fois, ce sont les entreprises qui vont payer le prix fort pour cette stabilité.
Est-ce que vous diriez comme Bernard Arnault (patron de LVMH) ou un Patrick Pouyanné (PDG de TotalEnergies) qu'il y a trop de pression fiscale ?
Je crois que nous, on a parlé de froid entrepreneurial assez tôt en juillet dernier et c'est intéressant de voir que les grandes entreprises nous rejoignent sur ce thème. Peu importe la taille de l'entreprise, à partir du moment où la fiscalité pure ou les charges sociales étouffent les entreprises, on n'y arrive pas.
Est-ce que vous entendez l'argument qui dit qu'il faut que tout le monde prenne sa part ?
Oui, simplement ça fait des années et budget après budget qu'on voit que ce sont toujours les mêmes qui prennent leur part. Mais on ne voit pas aujourd'hui, encore une fois concrètement, en quoi l'État lui prend sa part.
Il y a une mesure dans ce budget post-commission mixte paritaire qui fait que davantage de petites entreprises vont devoir s'acquitter de la TVA. Le seuil d'exemption diminue. Il y avait plusieurs cas de figure, mais là il est ramené à 25 000 € de chiffre d'affaires annuel. Cela fait bondir la Fédération des autoentrepreneurs. Qu'en pensez-vous ?
C'est vrai que c'est un coup dur pour les microentrepreneurs, maintenant, pour un certain nombre voire peut-être pour la totalité des entrepreneurs individuels classiques, qui eux acquittent cette TVA, cela représente quelque part une modification de l'équilibre économique et peut-être ça rétablit une certaine égalité entre les différentes formes d'activité.
Quelles conséquences peut avoir une telle mesure ?
Au niveau des micro-entrepreneurs, vraisemblablement, il y en a un certain nombre qui vont cesser leur activité parce qu'on n'est pas du tout dans la simplification administrative pour le coup et pour d'autres, ils vont vraisemblablement limiter leur chiffre d'affaires.
Qu'est-ce qu'il faudrait faire sur cette question de l'exemption de TVA ou pas ?
La micro-entreprise existe maintenant depuis 2009. On a beaucoup parlé de cette histoire de concurrence, dans quelles conditions on payait la TVA ou pas, quelles étaient les charges sociales, les charges fiscales. Les micro-entrepreneurs aujourd'hui sont inscrits dans le paysage. Cela représente 64 % des nouvelles structures qui sont créées chaque année. Mais leur part est extrêmement faible dans l'apport économique. Cela représente en gros 5 % du chiffre d'affaires qui est réalisé à l'année par l'intégralité des entreprises de moins de 10 salariés. Mais ils ont un rôle à jouer et il faut réfléchir de façon globale à la place de ces micro-entrepreneurs dans notre structure économique.
Comment vont-ils aujourd'hui vos adhérents ? Comment aborde-t-il 2025 ?
De façon très négative. On a réalisé une enquête récemment, 88 % d'entre eux nous disent qu'ils n'ont pas le moral. La stabilité politique est encore extrêmement fine finalement. On ne sait pas vraiment ce qui va se passer dans l'avenir. On s'inquiète parce qu'on sait très bien que le budget tel qu'il est prévu aujourd'hui, il est juste. Ce qui va se passer en 2025, on le sait à peu près, mais ce qui va se passer en 2026, ça pourrait être encore pire.
Pas le moral, pas de confiance, donc pas de recrutement ?
Pas de recrutement, pas d'investissement. Ça, on nous le dit depuis le mois de juillet. On va voir, si effectivement la motion de censure n'est pas votée, comment vont évoluer les choses à la fois au niveau des recrutements et des investissements. Néanmoins, compte tenu de la pression fiscale, ça va être très difficile d'avoir un rebond économique.
Vous avez eu des défaillances aussi ?
L'année dernière, il y a eu une augmentation de 19 % des défaillances. Il y a 68 000 entreprises qui ont fermé leurs portes, dont 92 % d'entreprises de moins de 10 salariés. Mais ça, c'est la presque la partie émergée de l'iceberg, parce que vous avez aussi ce qu'on appelle les cessations volontaires d'activité. Il y en a eu 160 000 l'année dernière. C'est-à-dire des personnes qui disent "Ouais, c'est bon, j'en peux plus, on n'y arrivera pas, et avant que ce soit trop tard, avant qu’on vienne me prendre mes biens, avant que j'y laisse des plumes, j'arrête mon activité."
Si vous aviez un appel à lancer à l'exécutif, quel serait-il ?
Tenir enfin compte des entreprises dans leur globalité, des petites entreprises évidemment de façon plus importante, baisser le budget de l'État de façon importante et avoir la possibilité aussi, pourquoi pas, d'augmenter la durée du travail dans nos entreprises de façon à ce quen l'on puisse payer mieux nos salariés, parce qu'ils travailleront plus, parce qu'on créera plus de richesse et tout le monde y gagnera.