INFOGRAPHIES. Guerre en Ukraine : visualisez la montée en flèche des attaques de drones russes, malgré les tentatives de négociation
Ils sont reconnaissables à leur bruit de cyclomoteur. Un bourdonnement qui précède souvent une explosion, généralement au beau milieu de la nuit. Les drones explosifs de l'armée russe n'ont jamais été aussi nombreux dans le ciel ukrainien depuis le lancement de l'invasion à grande échelle du pays par les forces de Moscou, fin février 2022. Rien que pour les quatre premières nuits du mois de juin, l'armée de l'air ukrainienne dit avoir recensé 763 drones ennemis. Soit l'équivalent de deux semaines d'incursions cumulées au début du mois de janvier ou d'avril 2025.
Bien loin de la ligne de front, qui traverse l'est de l'Ukraine jusqu'à la rive sud du Dniepr, dans la région de Kherson, l'armée russe lance chaque nuit ou presque des drones en direction des grandes villes du pays. En plus des infrastructures électriques, cible de choix pour la Russie, ce sont des immeubles d'habitation, des bâtiments publics ou encore des usines qui sont ainsi visés par ces nuées d'engins chargés d'explosifs.
L'année 2025 marquée par l'augmentation du nombre de lancements de drones
Dans ses bilans quotidiens, l'armée de l'air ukrainienne détaille le nombre de drones abattus et leur type. En plus des Shahed-136, conçus par l'Iran mais également produits en Russie sous le nom de "Geranium-2", d'autres drones explosifs et des appareils de reconnaissance sont aussi comptabilisés par l'Ukraine.
L'augmentation du nombre de drones lancés contre l'Ukraine est en fait visible dès la fin de l'année 2024, comme le notait début mai le Centre des études stratégiques et internationales (CSIS), basé à Washington (Etats-Unis). Cette tendance est portée par les drones Shahed, dont les lancements sont passés "de 130 (...) à environ 1 100 par semaine" entre septembre 2024 et février 2025, retrace le CSIS. "Cela indique que la Russie a augmenté de façon efficace ses capacités de lancement et de production en peu de temps", analysent Benjamin Jensen et Yasir Atalan, chercheurs du centre de réflexion, qui décrivent une stratégie russe de "saturation" afin de déborder les défenses anti-aériennes, mais aussi d'"attrition", autrement dit d'usure, car l'Ukraine doit souvent utiliser des systèmes coûteux (plusieurs centaines de milliers de dollars) pour abattre des drones dont le coût pour Moscou oscille "entre 20 000 et 50 000 dollars", précisent-ils.
Après un mois de janvier semblable aux précédents, avec plus de 82 drones russes signalés par jour en moyenne, le mois de février a marqué une première hausse majeure, avec 139 appareils par jour en moyenne repérés par l'armée ukrainienne. L'activité nocturne a été particulièrement importante entre les 16 et 28 février, avec une frappe de drone russe survenue le 14 février sur la centrale de Tchernobyl et un pic à 267 engins repérés deux jours plus tard. Le nombre de drones russes signalés par l'Ukraine chaque jour est rarement descendu sous la barre des 80 appareils, sauf pour la relative accalmie du mois d'avril.
Alors que les Etats-Unis assurent vouloir mettre un terme au conflit en Ukraine dans les plus brefs délais, appuyés par l'Europe et la Turquie, il est difficile de tisser un lien entre ces lancements de drones et les négociations en cours. Comme le note l'Institute for the Study of War (ISW) dans ses analyses du conflit ukrainien, les moments notables de ces derniers mois, comme l'investiture de Donald Trump le 20 janvier, son échange téléphonique surprise avec Vladimir Poutine le 12 février, ou encore la proposition d'un cessez-le-feu de 30 jours après des pourparlers en Arabie saoudite début mars, ont généralement été suivis d'une accalmie – mais toujours de courte durée.
Un record battu plusieurs fois de suite fin mai
Surtout, les attaques de drones suicides ont connu un coup d'accélérateur à la fin du mois de mai, alors que les efforts patinaient pour amener Moscou à la table des négociations. "L'objectif de la Russie est clair : continuer à massacrer des civils", dénonçait Kiev le 18 mai, après avoir repéré 273 drones russes au-dessus de plusieurs régions ukrainiennes. Seuls 88 de ces appareils avaient alors été détruits, et une femme avait été tuée dans la région de Kiev. Cette attaque coordonnée avait eu lieu à la veille d'un troisième entretien téléphonique entre le président américain Donald Trump et son homologue russe. Malgré cet appel, les lancements de drones russes sur l'Ukraine ont continué à augmenter, battant des records les 25 et 26 mai. Ce week-end-là, les drones étaient accompagnés de neuf missiles de croisière, selon Kiev.
En réaction à ces attaques massives, Donald Trump a accusé le 27 mai son homologue russe de "jouer avec le feu". "Ce que Vladimir Poutine ne réalise pas, c'est que sans moi, la Russie subirait beaucoup de très mauvaises choses, et je veux dire, très mauvaises", a-t-il écrit sur son réseau Truth Social. Moscou, de son côté, préfère pointer du doigt les raids ponctuels de drones ukrainiens sur son territoire, accusant Kiev de vouloir "perturber" le processus de négociation, comme l'a rapporté France 24.
Outre les drones longue portée, les forces ukrainiennes ont récemment eu recours à des appareils piégés de plus petite taille, provoquant la surprise (et la colère) du Kremlin, comme lors de l'opération "Toile d'araignée" contre l'aviation russe, le 1er juin. La nuit précédente et ce matin-là, Moscou a lancé 472 drones sur l'Ukraine, selon l'armée du pays, soit un record absolu depuis le début de l'invasion russe.
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Même si l'Ukraine parvient généralement à abattre ou faire s'écraser une bonne part de ces appareils, leur impact sur la société est immense. "C'est avant tout une guerre psychologique", dénonce auprès de franceinfo un officier ukrainien responsable de la défense anti-aérienne dans le sud du pays, joint mercredi par téléphone. "Pourquoi les drones Shahed sont-ils repeints en noir ? C'est pour qu'on ait plus de mal à les voir dans la nuit et à les abattre à la mitrailleuse, et qu'ils finissent dans le salon d'une famille ou la chambre des enfants..., déplore-t-il. Les drones nous tiennent en alerte et fatiguent les soldats, la population. C'est un rappel que nous sommes dans une guerre d'usure."