Après le revirement américain, Macron relance le débat sur un parapluie nucléaire européen

La France, seul pays de l'Union européenne disposant de l'arme atomique, est-elle prête à étendre son parapluie nucléaire à ses partenaires européens? Une idée longtemps taboue sur laquelle le président Macron semble désormais prêt à discuter dans le cadre d'un "dialogue stratégique", selon des propos rapportés samedi 1er mars par la presse française. Le chef de l'État fait ainsi valoir dans le Parisien que cela "rendrait la France plus forte" car, ajoute-t-il dans Ouest-France, "aujourd'hui" les missiles russes déployés en Biélorussie "nous exposent".

"On ne peut pas dire qu'on veut des Européens plus autonomes et considérer qu'on va laisser nos voisins dépendre totalement de la capacité américaine sur le plan de la dissuasion", ajoute-t-il dans le quotidien régional.

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Le président français s'est dit prêt à "ouvrir la discussion" sur une dissuasion nucléaire européenne après l'affrontement verbal entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump vendredi à Washington, qui laisse craindre un désengagement des États-Unis en Ukraine et une rupture historique de leur alliance avec les Européens.

Emmanuel Macron répondait au futur chancelier allemand Friedrich Merz qui a jugé nécessaire que l'Europe se prépare "au pire scénario" d'une Otan dépourvue de la garantie de sécurité américaine, y compris nucléaire.

"Si les collègues veulent avancer vers une plus grande autonomie et des capacités de dissuasion, alors nous devrons ouvrir cette discussion très profondément stratégique. Elle a des composantes très sensibles et très confidentielles mais je suis disponible pour que cette discussion s’ouvre", avait déclaré le dirigeant français dans une interview vendredi soir aux chaînes portugaises RTP1 et RTP3.

Mais pour la leader du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen, les États-Unis restent "évidemment" un allié de la France au sein de l'Otan (Organisation du traité de l'Atlantique nord). Ceux qui disent le contraire "ne sont pas des gens raisonnables", a-t-elle affirmé samedi.

La dissuasion nucléaire de la France doit rester "française" et "on ne doit pas la partager", a-t-elle estimé, en minimisant la portée des échanges très tendus entre les présidents américain et ukrainien, la veille dans le bureau ovale. "C'est assez normal", a-t-elle jugé parce que "le chemin de la paix est un chemin qui est difficile".

"Intérêts vitaux" et partenariats européens

Le ministre des Armées Sébastien Lecornu lui a répondu sur X que la dissuasion nucléaire "restera" française "de la conception et la production de nos armes, jusqu'à leur mise en oeuvre sur décision du président de la République", mais qu'en même temps "nos intérêts vitaux comportent une +dimension européenne+".

Le scénario d'une dissuasion européenne se heurte à de nombreux obstacles, dont l'autonomie de décision revendiquée par la France dans ce domaine.

Depuis son origine, la dissuasion française voulue par le général de Gaulle se veut complètement indépendante et repose sur l'appréciation par un seul homme, le président de la République, d'une menace contre les intérêts vitaux du pays.

En février 2020, Emmanuel Macron avait mis en avant "la dimension authentiquement européenne" des intérêts vitaux français, non sans susciter des débats. Et en avril 2024, il s'était dit prêt à "ouvrir le débat" d'une défense européenne qui pourrait "inclure la défense antimissile, les tirs d'armes de longue portée, l'arme nucléaire pour ceux qui l'ont ou qui disposent sur leur sol de l'arme nucléaire américaine".

Vendredi il a en même temps relevé que sa "doctrine nucléaire garde un certain mystère parce que l'ambiguïté fait partie de son efficacité". La France ne va donc pas dire par avance où elle pourrait frapper, "c'est le choix du chef des armées", c'est-à-dire du président, a-t-il ajouté.

Avec AFP