Incursion de drones au Danemark : pourquoi est-il difficile de se protéger contre cette menace ?

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Des drones non identifiés ont de nouveau survolé plusieurs aéroports danois. Les engins ont été repérés, dans la nuit du mercredi 24 au jeudi 25 septembre, à Aalborg (nord), Esbjerg (ouest), Sonderborg (sud), ainsi qu'au-dessus de la base aérienne de Skrydstrup (sud) et de celle de Holstebro (ouest). Lundi soir, un incident similaire avait entraîné la fermeture de l'aéroport de la capitale, Copenhague, et de celui d'Oslo, en Norvège. Lors d'une conférence de presse, le ministre de la Justice danois, Peter Hummelgaard, a annoncé dans la matinée qu'en réponse à ces survols hostiles, le pays allait acquérir de nouveaux moyens "de détection et de neutralisation de drones".

Une enquête a été ouverte en collaboration avec les services de renseignement danois et l'armée pour "clarifier les circonstances" dans lesquelles se sont produits ces incidents. Ces survols mettent les pays scandinaves face à la difficile tâche de définir une réponse adaptée à une menace présentée comme "hybride". 

Il faut d'abord identifier d'où provient la menace

Il ne fait aucun doute que le survol coordonné d'infrastructures stratégiques constitue, a minima, une provocation de la part des acteurs impliqués. Mais comment les identifier et s'assurer de leurs intentions, alors que ces actions n'ont pas été revendiquées ? D'autant que la Russie – fortement soupçonnée – nie farouchement toute implication, et que les autorités danoises et norvégiennes n'ont pas encore mis la main sur l'un de ces engins.

Les officiels danois interrogés jeudi matin ont tous fait passer le message : avant de répondre, il faut connaître. "Nous ne sommes pas encore en mesure d'identifier qui est derrière tout cela, nous ne sommes pas non plus en mesure de dire exactement d'où venaient les drones et s'ils ont été lancés au Danemark ou à l'extérieur, et nous ne sommes pas non plus en mesure de dire exactement où ils ont disparu", a résumé le chef de la police nationale, Thorkild Fogde, lors de la conférence de presse matinale. 

Cité par la chaîne DR, il a cependant déclaré qu'en addition des différentes enquêtes lancées à travers le pays, la cellule chargée de coordonner les services de l'Etat en temps de crise, le Nost, avait encore élevé son niveau d'alerte. Concrètement, cela signifie que les autorités sont sur le pont 24 heures sur 24, a-t-il précisé, mentionnant notamment une plus grande collaboration entre les agences chargées de l'énergie et des transports. Les forces de police danoises sont en "état d'alerte maximale" dans l'ensemble du pays, a-t-il ajouté. Soit un niveau d'alerte comparable à celui qui avait été mis en place après l'attaque terroriste survenue à Copenhague, en février 2015

Le directeur du port de Hvide Sande, une autre infrastructure stratégique située dans le sud-ouest du pays, a expliqué quant à lui comment les agents portuaires étaient mis à contribution. Un protocole a été mis en place il y a déjà plusieurs mois pour définir la chaîne de commandement en cas de survol de drone, a-t-il décrit au micro de la chaîne TV Midtvest. Après les évènements de la nuit, un représentant du secteur portuaire a par ailleurs invité les parlementaires danois à voter un texte en discussion pour permettre aux opérateurs des ports et des aéroports de "brouiller" le signal de ces engins en cas d'intrusion, a rapporté la chaîne.

Il faut se doter des bons outils pour contrer les drones

La Première ministre danoise, Mette Frederiksen, a annoncé jeudi matin son intention d'acquérir de nouveaux moyens "de détection et de neutralisation de drones". Et si, vendredi, des chasseurs F-35 italiens rattachés à la mission de soutien de la défense aérienne de l'Otan dans les Etats baltes, ainsi que des avions suédois et finlandais, ont été dépêchés pour intercepter des avions russes entrés dans l'espace aérien estonien, ce protocole ne peut guère s'appliquer à des drones, bien plus petits et moins rapides.

D'où l'annonce du Danemark, mais aussi de l'Allemagne qui, par la voix de son ministre de l'Intérieur, a déclaré être "engagée dans une course aux armements entre la menace que représentent les drones et les moyens de les contrer". "C'est pourquoi nous allons intensifier nos investissements dans cette course, à la fois par l'élaboration d'une nouvelle loi sur la sécurité aérienne et par des moyens financiers, selon le principe : détecter, neutraliser, intercepter", a continué Alexander Dobrindt devant les députés allemands.

Pour l'expert militaire danois Jacob Kaarsbo, ne pas être en mesure d'identifier à ce stade d'où proviennent les drones traduit le fait "que nous sommes technologiquement dans une posture dans laquelle nous ne devrions pas nous trouver", a-t-il regretté sur TV Midtvest

Il faut éviter l'escalade et la panique

Répondre à une attaque hybride impose de garder son calme afin d'éviter l'escalade. Ici, qu'importe que la menace soit réelle, l'important, c'est qu'elle soit perçue. "Ce n'est certainement pas la dernière fois que nous assistons à ce type d'attaque, qui vise à mettre le Danemark à l'épreuve et à nous faire craindre pour notre sécurité", a expliqué Dennis Flydtkjær, député du parti des Démocrates danois, à TV Midtvest. Il est tout à fait "normal" qu'un pays comme le Danemark, "qui soutient l'Ukraine aussi massivement", soit visé par de tels actes malveillants, attribués à des acteurs russes ou alliés de la Russie, a-t-il noté. "C'est pourquoi il est important d'instaurer le calme, et non la peur, au sein de la population danoise. Sinon, [l'attaque] aura réussi."

"Le but de ce genre d'attaques hybrides est de semer la peur, de créer la division et de nous effrayer", a encore dit jeudi matin le ministre de la Justice danois, Peter Hummelgaard. Dans un édito, un journaliste politique du Jyllands-Posten notait ainsi que ces incidents risquaient de secouer la classe politique et, plus particulièrement, la coalition de la gauche et du centre au pouvoir. "Si la situation n'est pas maîtrisée, la question sécuritaire lui reviendra en plein visage, tel un boomerang" lors des prochaines élections, a-t-il écrit. 

L'Otan n'est pas forcément l'échelon adapté à ces attaques

"Je viens de parler avec le secrétaire général de l'Otan à propos de la situation grave liée aux drones au-dessus des aéroports danois", a écrit Mette Frederiksen, dans un message publié jeudi après-midi sur X. "Nous sommes convenus que l'Otan travaillerait avec le Danemark sur ce que nous pouvons faire ensemble pour assurer la sûreté et la sécurité."

Ces incidents dans le ciel danois interviennent en effet alors que la police norvégienne a annoncé jeudi à la mi-journée avoir saisi la veille un drone opéré par un homme d'une cinquantaine d'années "de nationalité étrangère", près de l'aéroport international d'Oslo. Ils surviennent également après des événements semblables dans d'autres pays membres de l'Alliance atlantique, notamment la Pologne et la Roumanie. Si le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte, a confirmé jeudi que l'organisation militaire prenait la situation "très au sérieux", l'instance n'est pas forcément l'échelon adéquat pour ces attaques hybrides.

En conférence de presse, le ministre de la Défense danois, Troels Lund Poulsen, a lui-même rappelé que l'on ne pouvait mettre tous les incidents sur le même plan. "Je ne suis pas en mesure de dire d'où viennent ces drones, mais ils ne viennent pas de loin", a-t-il déclaré, ajoutant qu'il n'était pas exclu que les engins aient été pilotés depuis le territoire national et des zones géographiquement proches. Dans ce cas, la réponse pourrait-elle être la même que dans le cas d'un survol mené depuis un pays allié de Moscou, comme l'ont soupçonné les autorités polonaises dans leur cas ?

Les chefs d'Etat européens auront en tout cas bientôt l'opportunité d'en discuter. Le 1er octobre, le Danemark accueille justement un sommet informel où seront notamment abordées les possibilités de renforcer la préparation de l'Europe aux attaques de drones, selon le ministre de la Défense ukrainien, cité par la chaîne DR. Avant cela, vendredi 26 septembre, les pays de l'UE débattront pour la première fois des propositions visant à ériger un "mur" de défense antidrones, élaborées à la hâte après les incursions aériennes de la Russie.