«Après l’accord avec Trump, le dépôt d’une motion de censure contre Ursula von der Leyen est nécessaire»

André Rougé, député européen, membre du Rassemblement national, président et fondateur des Horaces.


Malgré le talent des eurocrates pour repeindre leur Waterloo aux couleurs d’Austerlitz, il sera difficile de nous empêcher de penser que ce qui s’est passé le 27 juillet à Turnberry, dans la propriété écossaise de Donald Trump, est autre chose qu’une capitulation en rase campagne.

Passer la publicité

Depuis l’origine du projet européen et en dépit du funeste abandon en 1995 de la préférence communautaire au profit du libre-échange multilatéral dans le cadre de l’OMC, l’Europe avait jusqu’ici, bon an mal an, cherché à défendre ses positions, fût-ce au prix de concessions inacceptables sur le plan agricole et de la sécurité alimentaire. Mais le logiciel globaliste, pourtant usé jusqu’à la corde, a empêché la Commission européenne et nombre de dirigeants nationaux, au premier rang desquels Emmanuel Macron, de penser la rupture trumpiste. Le Blitzkrieg américain, version MAGA, a balayé une Europe chancelante et divisée. Une Europe représentée par une négociatrice sans charisme ni légitimité populaire, convaincue de sa stratégie d’apaisement et que tout accord serait par nature préférable à une absence d’accord.

Jamais, au grand jamais, Ursula von der Leyen n’a donc fait mine de vouloir sérieusement nous défendre. Aucune menace crédible de représailles sur les droits de douane. Un mécanisme anti-coercition pourtant prévu pour de semblables situations qui n’aura même pas été brandi. Rien non plus quant à une réduction de l’achat de titres de la dette américaine par les épargnants européens.

Un volume d’importations énergétiques européennes, incluant gaz de schiste et pétrole, pour 750 milliards de dollars sur trois ans, ainsi que des investissements européens d’environ 600 milliards de dollars ont été garantis à Washington sans aucune réciprocité

Au terme de cette drôle de guerre commerciale dans laquelle l’Europe n’aura pas tiré une cartouche, les deux blocs ont donc conclu un «accord politique» dont on cherche désespérément les contreparties en faveur du Vieux Continent. Car la pilule est amère. Elle l’est d’autant plus que le Royaume-Uni parvient, tout seul, à négocier un droit de douane général de 10 % alors que sur les importations en provenance d’Europe, les États-Unis appliqueront des droits de douane de 15 %. «En échange», Bruxelles abaissera les siens à 0 % sur tous les produits industriels et sur certains produits agricoles non sensibles, via des contingents tarifaires préférentiels destinés exclusivement aux États-Unis. Un volume d’importations énergétiques européennes, incluant gaz de schiste et pétrole, pour 750 milliards de dollars sur trois ans, ainsi que des investissements européens d’environ 600 milliards de dollars ont été également garantis à Washington sans aucune réciprocité et sur une base juridique qui semble bien incertaine. Les écologistes apprécieront ce coup asséné aux objectifs de décarbonation, tandis que les 600 milliards que nous allons consacrer gracieusement à la réindustrialisation des États-Unis seront autant qui nous manqueront pour atteindre nos propres objectifs.

La question agricole a été traitée, une fois encore, comme une variable d’ajustement, tandis que sur l’acier et l’aluminium, les droits de 50 % sur les exportations européennes resteront en vigueur jusqu’à ce que soient conclues les négociations sur les contingents tarifaires préférentiels vers les États-Unis. L’accord comprend également une suppression mutuelle des droits de douane sur plusieurs produits stratégiques, comme les avions et les pièces détachées, certains produits chimiques, les équipements de production de semi-conducteurs, les ressources naturelles et matières premières critiques et «certains produits agricoles». Tous sujets où règne l’opacité la plus complète et pour lesquels des interprétations américaines unilatérales sont susceptibles de modifier à tout moment les «points d’équilibre» de la négociation, l’annonce par Donald Trump que les produits pharmaceutiques n’étaient pas couverts par le tarif général de 15 % en étant un parfait exemple. Oublié, enfin, l’accord provisoire trouvé à l’OCDE en 2021 sur un impôt mondial minimum de 15 %. Les compagnies américaines ne seront pas concernées par le sujet.

En réalité, pour reprendre le mot de Jacques Attali, pourtant peu suspect d’attachement au cadre national, Turnberry n’est qu’une «scandaleuse et consternante capitulation». Et la relative satisfaction du chancelier Merz n’y change rien, ne faisant au contraire que souligner l’inégale répartition des dégâts au profit de l’Allemagne.

Passer la publicité

Après l’annonce de la réduction du budget de la PAC de 22 % pour 2028-2034 et la décision d’utiliser le fonds de cohésion de l’Union européenne pour acheter de l’armement, qui sera très largement américain, il ne reste plus qu’un dernier clou à poser sur le cercueil des intérêts communautaires : l’acceptation de l’accord de Turnberry par les 27 qui nécessitera le dépôt d’une proposition législative par la Commission européenne.

En symbolisant la «soumission» du Vieux Continent aux intérêts américains - dixit l’européiste François Bayrou -, la capitulation de la Commission invite l’ensemble de nos pays à refuser l’inacceptable et à redéfinir le mode de fonctionnement d’une Union en pleine dérive. Les peuples n’acceptant plus que la défense de leurs intérêts essentiels soit confiée à une dirigeante non élue qui a érigé l’opacité et le grignotage systématique des compétences des États en système de gouvernement, le dépôt d’une motion de censure au Parlement européen contre Ursula von der Leyen s’avère une impérieuse nécessité.

Plus que jamais, c’est Marine Le Pen qui avait vu juste lorsqu’elle affirmait qu’élue à la présidence de la République, elle réserverait son premier déplacement international à Bruxelles afin d’y délivrer un message solennel sur la fin de la fédéralisation et le retour à une coopération entre États-nations respectueux des souverainetés. Il est temps que ce moment arrive.