Haute joaillerie : Mellerio royal et Gucci pop

Cela fait déjà plus d’une dizaine d’années que les maisons historiques, ainsi que les nouveaux acteurs issus de la mode, profitent des projecteurs braqués sur Paris pendant les quatre jours des défilés couture pour présenter leurs plus beaux joyaux. Ils bénéficient de la présence de la presse internationale, mais aussi et surtout d’une clientèle souvent commune avec les marques de mode. Au fil des ans, les joailliers ont pourtant multiplié les événements dédiés aux quatre coins de l’Europe, voire du monde, aux mois de mai et juin. Cette année, les clients internationaux les plus fortunés ont ainsi été invités durant quelques jours, et avec un programme taillé pour les mettre dans les meilleures dispositions, par Cartier à StockholmBulgari à TaormineChaumet à MarbellaChanel à Kyoto… La moitié des collections environ seraient vendues à cette occasion. Il n’empêche, la plupart des maisons exposent tout de même à Paris ces jours-ci les pièces restantes, celles que les acheteurs magnanimes ont accepté de leur laisser pendant quelques semaines, mais aussi la deuxième « vague » sortie des ateliers.

Ce rendez-vous parisien est d’autant plus important pour ceux qui n’ont pas organisé de grandes célébrations à l’étranger. C’est ainsi que Gucci, cette semaine, dans sa boutique de l’avenue Montaigne, a mis en vitrine quelques pièces uniques et richement empierrées, soit le deuxième chapitre de sa collection Labirinti, présentée au printemps l’an dernier sur la côte amalfitaine. Il y a par ailleurs des déclinaisons haute joaillerie de deux de ses motifs emblématiques, Horsebit et Marina Chain - ce qui est une première. Le ras-de-cou à maillons XXL pavés de saphirs multicolores donne envie d’aller danser à Capri. Le clou de la visite s’avère la collaboration entre deux institutions italiennes du groupe Kering, Gucci et Pomellato, soit onze modèles dont deux avaient été dévoilés lors du défilé croisière à Florence mi-mai, alors que le géant italien attend, comme le Messie, l’arrivée de son nouveau directeur artistique, Demna (qui finit son contrat chez Balenciaga avec le défilé couture le plus attendu de la semaine). Tout le monde se demande s’il jettera son dévolu sur la joaillerie, comme le fit son prédécesseur Alessandro Michele. En attendant, la capsule Gucci × Pomellato, très réussie, mêlant cuir et diamants, fabriquée à la main à Milan (avec des prix allant de 85 000 à 450 000 euros), porte le doux nom de Monili, « une façon poétique de dire “bijou” en italien » nous souffle un Milanais.

Collier Monili, en cuir, or et diamants de Gucci x Pomellato. Gucci
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Le plus ancien joaillier parisien, Mellerio, toujours entre les mains de la famille fondatrice (soit la quatorzième génération !), présente dans sa boutique de la rue de la Paix cette semaine, mais recevait à dîner au château de Versailles la semaine dernière. Il y dévoilait une parure très précieuse et haute en couleurs, évoquant Marie-Antoinette, une de ses clientes et grande amatrice… d’ananas. Si ce fruit se trouve aujourd’hui sur presque tous les étals de maraîchers tout au long de l’année, au XVIIIe siècle il était d’une rareté délicieuse. Surnommé « le roi des fruits », notamment à cause de sa couronne de feuilles, il fait son apparition à la cour de France à l’époque de Louis XV - grand fan de botanique -, qui parvint à faire pousser le premier spécimen sous les serres de Versailles. L’événement est immortalisé par un fameux tableau d’Oudry, comme un portrait du fruit exotique. Marie-Antoinette adorait cette peinture et l’installa dans le Cabinet doré de ses petits appartements. Elle fit aussi réaliser un tissu à vingt-sept couleurs (un exploit) figurant cette plante d’Amérique du Sud dont elle tapissera sa salle à manger privée. Les historiens racontent que l’ananas, qui devient très en vogue, est alors rarement mangé, mais plutôt utilisé pour décorer une table fastueuse, et peut même être loué pour une occasion !

Parure Jardin des Rêves dans sa marmotte. Mellerio

Deux siècles et demi plus tard, cette histoire savoureuse a inspiré Laure-Isabelle Mellerio, présidente et directrice artistique de la maison familiale. Elle a dessiné une parure unique qui a poussé rue de la Paix, soit un collier baptisé Jardin des Rêves et composé de 22 pierres de couleurs, aux teintes proches de celles de la tenture royale, allant du doux rose de la morganite au bleu électrique de la tanzanite, du jaune solaire du béryl au rouge vif de la rubellite… Au centre est accroché un délicieux ananas en résille d’or piquée de saphirs multicolore et de diamants qui peut se décrocher et se porter en boucle d’oreille. Enfin, pour boucler l’histoire, le coffret de cette pièce de haute joaillerie, avec ses deux anses, est un clin d’œil à la marmotte de Jean-Baptiste Mellerio qui attira à l’époque l’attention de la reine Marie-Antoinette aux grilles du château avec un bracelet de camées, aujourd’hui dans les archives de la maison.