La déprogrammation d’un chef d’orchestre israélien vire à la polémique politique en Belgique et en Europe

Bart De Wever, le premier ministre belge, déplore l’annulation du concert, prévu à Gand le 18 septembre de l’actuel directeur musical du Philharmonique d’Israël, Lahav Shani. TOBIAS SCHWARZ/AFP, HANS PUNZ/AFP

Le premier ministre belge Bart De Wever « regrette profondément » l’annulation du concert par le Festival de Flandre de Gand, « qui a gravement terni la réputation de notre pays ». 

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Les organisateurs n’entendent pas revenir sur leur décision. Dans un second communiqué, diffusé jeudi, la direction du Festival de Flandre de Gand fait état des mêmes arguments pour justifier la déprogrammation du Philharmonique de Munich, dirigé par un chef d’orchestre israélien. Se défendant de tout antisémitisme, elle regrette que Lahav Shani ait refusé « plusieurs occasions de clarifier sa position » sur la guerre à Gaza. Prévu le 18 septembre, leur concert n’aura pas lieu.

Cette décision a suscité de nombreuses réactions. À commencer par celle de l’orchestre munichois, qui s’est dit « profondément choquée ». L’ensemble dénonce la « pression de groupes d’activistes ». « Sous le couvert d’une prétendue critique d’Israël, il s’agit ici d’un boycott culturel », a abondé le ministre de la Culture allemand, Wolfram Weimer, qui dénonce « une honte pour l’Europe ».

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«Une grande consternation»

Les réactions se sont multipliées également en Belgique à propos de l’annulation de Lahav Shani, actuel directeur musical du Philharmonique d’Israël et futur chef de l’Orchestre philharmonique de Munich pour la saison 2026-2027. Après son ministre des Affaires étrangères, qui a jugé la déprogrammation « excessive », le premier ministre belge s’est exprimé à son tour.

« Je regrette profondément la décision du festival, qui a gravement terni la réputation de notre pays », a estimé le nationaliste Bart De Wever vendredi, sur les réseaux sociaux. Précisant qu'il avait reçu de « nombreuses questions » en provenance de l'étranger. « Cette décision a légitimement suscité une grande consternation et a été qualifiée d’antisémite. Imposer une interdiction professionnelle à quelqu'un uniquement en raison de son origine est à la fois dangereux et irresponsable. » Exiger d’un artiste une déclaration par écrit de ses opinions politiques va « à l’encontre même de l’essence de la liberté artistique », insiste le premier ministre.

Les organisateurs auraient souhaité qu’il prenne ses distances vis-à-vis des opérations en cours à Gaza. « Nous ne sommes pas en mesure de fournir suffisamment de clarté sur son attitude à l'égard du régime génocidaire de Tel-Aviv », ont-ils écrit sur le site du festival. Ils affirment agir aussi en faveur de « la sérénité » de l’événement. Ils ont reçu le soutien de la ministre flamande de la Culture, Caroline Gennez, de centre-gauche, qui appelle le secteur culturel à envoyer des « messages forts contre les horreurs à Gaza ».

Avec plus de 150 concerts et 50 000 spectateurs réunis chaque année autour d’une programmation éclectique, le Festival de Flandre de Gand fait partie des grands rendez-vous musicaux en Belgique. Il est piloté au niveau artistique par le dramaturge Jan Van den Bossche.

Selon le site internet du Festival de Flandre de Gand, le conseil d’administration comprend une quinzaine de membres, issues de la société civile ou de la classe politique. Des députés de la droite nationaliste, du centre-droit et du centre-gauche, le recteur de l’université de Gand ou encore le président du club de football La Gantoise. Il est dirigé par Jan Briers, député chrétien-démocrate flamand et président de L’Association européenne des festivals.

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Le «soutien» du Théâtre des Champs-Élysées

Dans le monde du classique, l’annulation du concert de Lahav Shani, l’une des valeurs montantes de la direction d’orchestre, a suscité une émotion assez vive. Concerné par la lutte contre l’antisémitisme en Allemagne, le pianiste Igor Levit a dénoncé sur les réseaux sociaux un climat de « suspicion générale et de punition collective ». Une pétition, lancée le 10 septembre à l’initiative du claveciniste Mahan Esfahani, a recueilli pour l’heure une dizaine de milliers de signatures.

Selon le Frankfurter Allgemeine, le Festival de musique de Berlin a décidé, en réaction à la déprogrammation, d’inviter Lahav Shani et sa phalange à se produire le 15 septembre dans la capitale allemande. Côté français, le Théâtre des Champs-Élysées, où ils doivent donner un concert le 16 septembre, a exprimé son « soutien » au chef et son orchestre.