«Je pense que nous commettons une erreur» : quand J.D. Vance émet des doutes sur les plans de Donald Trump contre les Houthis

Les désaccords entre Donald Trump et son vice-président J.D. Vance sont rarissimes, mais ils existent. En privé, toutefois. Lundi 24 mars, le rédacteur en chef du magazine américain The Atlantic Jeffrey Goldberg a révélé, après avoir été invité par erreur dans un groupe sur la messagerie Signal, des échanges entre de hauts responsables de l’Administration du président républicain sur la campagne de frappes aériennes qui allait viser les Houthis le 15 mars. Ce groupe armé yéménite soutenu par l’Iran perturbe le trafic maritime mondial en menant des frappes en mer Rouge.

Outre le vice-président, dix-sept autres personnalités éminentes figurent dans le groupe de discussion baptisé «petit groupe PC houthi» : le conseiller à la Sécurité nationale Michael Waltz, le secrétaire d’État Marco Rubio, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth, la directrice du renseignement national Tulsi Gabbard ainsi que la cheffe de cabinet du président, Susie Wiles, ou encore son adjoint Stephen Miller.

«Risque réel que le public ne comprenne pas»

À la veille de l’opération, un débat s’engage entre les hauts responsables de l’Administration. À 8h16, précise Jeffrey Goldberg, un compte identifié comme étant celui de J.D. Vance partage son scepticisme. «Je pense que nous commettons une erreur, écrit l’ancien sénateur de l’Ohio âgé de 40 ans. 3 % du commerce américain passe par le canal de Suez. 40 % du commerce européen y transite. Il existe un risque réel que le public ne comprenne pas cela ni pourquoi c’est nécessaire. La principale raison de cette démarche est, comme l’a dit le président des États-Unis, d’envoyer un message.» Une déclaration édifiante, alors que J.D. Vance, ex-ardent critique de Donald Trump, n’a depuis son entrée en campagne aux côtés du milliardaire pratiquement jamais dévié publiquement de la position du locataire de la Maison-Blanche.

Puis le vice-président reproche aux Européens de dépenser trop peu pour leur défense. Une antienne trumpiste. «Je ne suis pas certain que le président soit conscient du message incohérent que ça risque de [leur] envoyer.» Et d’ajouter : «Il existe un risque supplémentaire de flambée modérée à sévère des prix du pétrole. Je suis prêt à soutenir le consensus de l’équipe et à garder ces inquiétudes pour moi. Mais il existe de solides arguments pour retarder cette décision d’un mois, pour faire le point sur l’importance de cette question, pour suivre l’évolution de l’économie, etc.»

«Je déteste l’idée de sauver la peau des Européens»

S’engage alors un débat entre les responsables présents dans le groupe. L’un d’eux, identifié comme Pete Hegseth écrit «comprendre les inquiétudes» de J.D. Vance et soutenir «pleinement» ce dernier «dans [sa] démarche auprès du président». Toutefois, le secrétaire à la Défense pointe les risques que ferait courir un report d’une telle opération : «une fuite» et une impression d’«indécision» par l’opinion publique.

À 8h45, le compte identifié comme appartenant à J.D. Vance ajoute : «Si vous pensez que nous devrions le faire, allons-y. Je déteste juste l’idée de sauver la peau des Européens.» «Je partage pleinement votre répulsion envers la passivité des Européens. Mais Mike a raison : nous sommes les seuls sur cette planète à pouvoir [rétablir la liberté de navigation en mer Rouge]», répond presque immédiatement le compte imputé à Pete Hegseth. Un intervenant qui serait Stephen Miller conclut : «Le président a été clair. Feu vert, mais on doit faire comprendre à l’Égypte et à l’Europe ce que nous attendons en retour.»

«Je déteste juste l’idée de sauver la peau des Européens», écrit un compte identifié comme étant celui de J.D. Vance dans une discussion sur la messagerie Signal. The Atlantic

«Le président et le vice-président sont en parfait accord»

Le porte-parole du conseil de Sécurité nationale, Brian Hughes, a confirmé à The Atlantic l’authenticité des messages révélés par Jeffrey Goldberg, précisant que des vérifications étaient en cours afin de déterminer comment «un numéro involontaire» avait pu être intégré à la boucle.

Le porte-parole de JD Vance, William Martin, réfute de son côté toute divergence de vues avec le président américain à propos de cette opération. «Le vice-président soutient sans équivoque la politique étrangère de cette Administration. Le président et le vice-président ont eu des échanges ultérieurs sur cette question et sont en parfait accord.»