Lenny Kravitz a fait chavirer le cœur des Parisiennes en concert à Paris La Défense Arena
Notre capitale a été la première ville à succomber à Lenny Kravitz, dès son premier album, à la fin des années 1980. Dans la lignée de Prince et de Terence Trent d’Arby, cet Américain de sang mêlé s’est illustré dans un savant mélange entre rock et de soul avec un soupçon de reggae et de déchirantes ballades. Il réside aujourd’hui partiellement en ville, dans un somptueux hôtel particulier du XVIe arrondissement. Malgré cela, il ne sait toujours pas s’exprimer dans la langue de Serge Gainsbourg. «Je vais vous parler en anglais ce soir, pour être bien sûr de me faire comprendre» explique-t-il. Lenny Kravitz ne devrait pas se donner tant de mal : il n’a rien à dire. Rien, à part des platitudes éculées sur la nécessité de l’amour, la communion avec le public, et les allusions régulières à Dieu tout-puissant. «Je vous sens profondément» dit-il souvent, d’un air pénétré. Non, Lenny Kravitz ne devrait pas se donner autant de mal parce que ses chansons parlent pour lui.
Le sexagénaire fait partie de ces artistes pour lesquels composer une setlist n’est pas une difficulté tant sa discographie regorge de tubes. Armé d’un énorme son et d’un groupe à l’efficacité imparable, le chanteur guitariste et pianiste occasionnel sait faire monter la température. Et pour sa première performance dans le cadre gigantesque de Paris La Défense Arena (40.000 spectateurs) l’homme a livré un show à la hauteur de sa réputation de bête de scène.
«Propager l’amour»
Flanqué du fidèle Craig Ross à la guitare lead ainsi que Cindy Blackman (madame Carlos Santana dans le civil) à la batterie, Lenny Kravitz tient son rang de leader. La voix est pleine, est assurée, les interventions à la guitare pertinentes, et l’engagement authentique. Deux choristes et trois cuivres agrémentent le son très rock de subtilités soul funk de bon aloi. Les instruments défilent, respectant les codes du line-up typique des années 1970, avec guitares et amplis vintage à foison. Lenny Kravitz, fétichiste du matériel des grandes heures du rock, ne dévie pas de sa ligne.
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La scène se divise en trois plateaux encadrés d’autant d’écrans géants sur lesquels sont projetées des images retravaillées des musiciens. «C’est une bénédiction d’être dans ce bâtiment. Notre mission est de propager l’amour» affirme-t-il sans une once d’humour et avec une prétention risible. «Je vous aime et je vous respecte» ajoute-t-il, en faisant des tonnes. Cette démagogie se double chez lui d’un grand narcissisme. Lenny Kravitz s’amuse à défiler, prenant la scène pour un podium, exhibant sa silhouette sculptée par des heures d’entraînement. Un peu d’humour ne nuirait pas. Tout le monde n’est pas Mick Jagger, performer éblouissant au second degré naturel.
Les morceaux tirés des trois derniers albums de la star font baisser la tension de plusieurs crans. Assurément, le public est venu pour les tubes, qui se concentrent dans le premier tiers de la carrière de Lenny Kravitz, en particulier ses trois premiers albums, Let Love Rule (1989), Mama Said (1991) et Are You Gonna Go My Way (1993). Passé cette date, le répertoire du bonhomme peine à rivaliser en termes d’intensité. Et ce sont d’ailleurs les tubes inauguraux qui donnent lieu à l’explosion finale, ces Are You Gonna Go My Way, It Ain’t Over Til It’s Over, et ce Let Love Rule, étiré sur plus de 20 minutes pendant laquelle il ne se passa rien sur le plan musical : Lenny Kravitz était trop occupé à se contempler dans le miroir des yeux des fans enamourés.