Mortalité infantile : comment les femmes sont culpabilisées pour disculper le système
Quand il s’agit de se pencher sur les raisons d’un taux de mortalité infantile si élevé en France, les pouvoirs publics dégainent un coupable idéal : les femmes. Comme pour mieux détourner l’attention des raisons systémiques de cet état de choses. « La hausse de la mortalité s’explique par l’augmentation de l’âge des femmes à la maternité ; la précarité sociale des femmes qui accouchent ; le surpoids chez les femmes enceintes ; la prévalence du tabagisme maternel ; le nombre de femmes qui souhaitent poursuivre leur grossesse en sachant que le fœtus souffre d’une pathologie grave », peut-on lire sur le site Vie publique, administré par la direction de l’information légale et administrative (Dila), rattachée aux services du premier ministre.
Le démantèlement des petites maternités, la surcharge des CHU, les coups de rabot régulièrement portés à l’hôpital ne sont jamais mentionnés. Il ne s’agit que des femmes, rien que des femmes. On retrouve le même travers dans certains travaux parlementaires dédiés à la question. Le 20 décembre 2023, après plusieurs semaines de travaux et près d’une vingtaine de personnes interrogées dans le cadre d’une mission flash pour déterminer les raisons de cette mortalité en hausse depuis 2012, les députés Philippe Juvin (LR) et Anne Bergantz (MoDem) présentent leurs conclusions et recommandations devant la commission des affaires sociales. Pendant près de quinze minutes, les deux parlementaires enchaînent les sorties culpabilisant les mères.
La santé mentale des femmes affectée
Dans l’ordre, ce serait la faute de l’âge des mères de plus en plus élevé (un phénomène que l’on retrouve pourtant sur tout le continent, mais sans les mêmes conséquences funestes), mais aussi de leur comportement, en particulier leurs « addictions ». « 18 % des femmes enceintes fument encore à la fin du premier trimestre ! » fait remarquer l’élue MoDem.
Même chose lorsque vient le moment d’élaborer des pistes de sortie de crise. Si, selon eux, il est urgent de mettre en place un registre des naissances pour pouvoir, à terme, déterminer les raisons de ces drames et en tirer des conclusions, celui-ci devrait avant tout, selon eux, recenser « l’âge, le poids, la situation socio-économique, le tabagisme de la mère », encore elle. Qu’importe que d’éminents spécialistes scientifiques, comme l’épidémiologiste périnatal Pierre-Yves Ancel, pointe que « cette surmortalité est sans doute évitable, car elle semble découler de soins sous-optimaux et d’un défaut d’organisation des soins ». Et non pas de la responsabilité des mères.
Des reproches permanents qui s’ajoutent au sentiment de culpabilité déjà largement répandu chez les femmes, jusqu’à produire des effets terribles sur leur santé mentale. En France, le suicide est la première cause de mortalité maternelle, avant que leur enfant ait pu atteindre leur premier anniversaire ou faire leurs premiers pas.
Selon les spécialistes, la « culpabilisation » et la « stigmatisation » permanentes des mères ou futures mères font partie des moteurs de ce phénomène. Tout comme une certaine pression globale que la psychanalyste Michèle Benhaïm traduit par le fait que « devenir mère », dans notre société, équivaut à « devenir coupable d’avoir inscrit l’enfant dans l’ordre de la mortalité ». Et donc, par conséquent, d’être « coupable de tout ce qui peut lui arriver ».
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