Investiture aux États-Unis : quand les stars volent la vedette aux présidents
Tous les quatre ans, l’investiture présidentielle américaine transforme Washington en une scène où le pouvoir côtoie le glamour. Moment clé de ce rituel : une star de renom entonne l’hymne américain sur les marches du Capitole, tandis que d'autres artistes illuminent galas et bals d’investiture.
À quelques heures de la prestation de serment de Donald Trump, lundi 20 janvier, le suspense est levé sur le casting musical. Les Village People, connus pour leur tube planétaire "Y.M.C.A" – devenu un hymne officieux des meetings du président élu – seront de la partie. Un choix "rassembleur", selon le leader du groupe disco. La chanteuse country Carrie Underwood, révélée par l’émission "American Idol" est également annoncée pour interpréter l’hymne patriotique "America The Beautiful".
Donald Trump a fréquemment essuyé le refus des grandes stars de la musique et du spectacle. Lors de sa première investiture en 2017, Elton John, Céline Dion ou encore le groupe Kiss avaient décliné son invitation, laissant la scène à Jackie Evancho, une chanteuse de 16 ans révélée par l’émission "America’s Got Talent". Un choix perçu comme fade face aux superstars ayant marqué les investitures de Barack Obama.
Avant 2017, participer à une investiture relevait moins d’un acte politique que d’une célébration bipartisane. Depuis que Mickey Rooney, Charlie Chaplin et d’autres talents de l’époque avaient été convié par Franklin D. Roosevelt en 1941, ces cérémonies sont devenues un rendez-vous incontournable pour les plus grandes stars du pays. De James Brown à Beyoncé, en passant par Aretha Franklin, retour sur les performances musicales qui ont marqué les investitures présidentielles américaines.
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James Brown, l'inattendu invité de Richard Nixon (1969)
Qui aurait pu imaginer le "Godfather of Soul" ("le parrain de la soul") entonner ses rythmes endiablés lors de l'investiture d'un président républicain ? En 1969, James Brown, soutien de la lutte pour les droits civiques et du candidat démocrate lors de la campagne, se produit lors du gala d’investiture de Richard Nixon, aux côtés des chanteurs italiens Tony Bennett et Connie Francis.
En interprétant "Say It Loud – I’m Black and I’m Proud" ("Dites-le haut et fort - Je suis Noir et je suis fier"), l’icône de la musique soul envoie un puissant message sur l'identité noire, dans une Amérique encore marquée par la ségrégation. Une partie du public reprend en chœur les paroles de l’artiste : "Je suis Noir et je suis fier !"
Il expliquera plus tard au magazine Jet sa volonté de "donner une chance au nouveau président de rassembler la nation." En 1972, l’artiste prête sa légendaire voix et sa chanson "Soul Brother N°1" pour soutenir Richard Nixon afin de briguer un second mandat.
Ray Charles émeut le public pour Ronald Reagan (1985)
En 1985, pour célébrer son second mandat, Ronald Reagan convoque un parterre de légendes de la musique américaine. Le gala d’investiture voit défiler sur scène l’un des chanteurs les plus influents du XXe siècle, Franck Sinatra, mais également le groupe phare des années 60-70, The Beach Boys. Ces derniers avaient marqué le monde entier avec leur tube "Surfin' U.S.A" en 1963. C’est pourtant un autre titre de leur répertoire, "Their Hearts Were Full of Spring", qu’ils chantent a capella, élégants dans leurs costumes et nœuds papillons.
Mais ce soir-là, c’est incontestablement Ray Charles qui capte toute l’attention avec sa version revisitée de "America the Beautiful". Après de longues acclamations du public, marchant fièrement aux côtés de Frank Sinatra, le pionner de la musique soul s'installe à son piano. Pendant quatre minutes intenses et émouvantes, il transporte l’audience, accompagné de l'orchestre. À la fin de sa prestation, des dizaines d'invités le rejoignent pour interpréter le dernier couplet de la chanson.

Fleetwood Mac, Mickael Jackson et Barbra Streisand : Bill Clinton réunit une scène mythique (1993)
L'investiture de Bill Clinton en 1993, au Capital Centre de Landover (Maryland), s’apparente à un vrai festival de musique. L'élite du show-business américain est au rendez-vous : Michael Jackson, Elton John, Aretha Franklin et bien d'autres stars.
Barbra Streisand enchante le public en interprétant trois chansons : "God Bless America", "Evergreen" et "Children Will Listen". Le clou de la soirée ? La reformation surprise de Fleetwood Mac, groupe légendaire des années 70, dont les membres se retrouvent spécialement pour l'occasion. Ils interprètent leur chanson "Don’t Stop", devenu l’hymne de la campagne du président élu.
À la fin de "Don’t Stop", Bill Clinton se joint sur scène à Michael Jackson et danse aux côtés de la chanteuse Stevie Nicks. La première dame Hillary Clinton et leur fille Chelsea, alors adolescente, montent aussi sur scène, applaudissant et se balançant sur scène avec une chorale gospel.

Aretha Franklin, Beyonce, U2 : l'ère Obama au sommet du star-power (2009 et 2013)
L’investiture de Barack Obama en 2009, premier président noir des États-Unis, entre dans l’histoire, non seulement pour son poids politique, mais aussi pour sa programmation artistique inédite. Aretha Franklin, légendaire "reine de la soul", bouleverse le public du National Mall avec sa reprise de "My Country 'Tis of Thee", un hymne patriotique chargé d’émotion.
Les galas et concerts rassemblent une liste impressionnante de stars : Bruce Springsteen, U2, Stevie Wonder, Tom Hanks, John Legend, Mary J. Blige, Sheryl Crow, Queen Latifah, Shakira... Mais la performance qui reste gravée dans les mémoires est celle de Beyoncé. Interprétant le standard "At Last" d’Etta James, la superstar offre un moment magique en accompagnant la danse du couple Obama lors de l’ouverture de bal d’investiture.
Déjà présente en 2001 lors d’un bal moins formel pour l’investiture de George W. Bush avec son groupe Destiny’s Child, Beyoncé devient une habituée des investitures. Sa fidélité envers Barack Obama s’illustre à nouveau en 2013, lorsqu’elle interprète un vibrant hymne national devant le Capitole pour sa réélection.

Lady Gaga, Katy Perry : Joe Biden redonne le show (2021)
Après une investiture 2017 sans éclat, Joe Biden redonne à la cérémonie présidentielle son prestige artistique. Le 20 janvier 2021, il offre aux Américains un spectacle digne d’un show télévisé. En tête d’affiche, Lady Gaga, fervente supportrice du président, livre une performance mémorable de l’hymne national devant des invités masqués, Covid-19 oblige, et face à 190 000 drapeaux plantés représentant le public absent.

Le soir, la pandémie impose un format inédit : le concert "Celebrate America", diffusé sur les grandes chaînes américaines, remplace les traditionnels bals d’investiture. Diffusé sans public, il rassemble des stars comme Bruce Springsteen, Jon Bon Jovi, John Legend, Demi Lovato, Justin Timberlake et Tom Hanks. La prestation marquante revient à Katy Perry, qui illumine la soirée avec son tube "Firework", accompagné d’un feu d’artifice spectaculaire pour conclure l’événement.