REPORTAGE. "À nous de les aider" : quand une entreprise solidaire rachète des fermes pour permettre aux jeunes agriculteurs de s'installer

Voici une solution pour trouver des nouveaux agriculteurs. Le renouvellement des générations est un enjeu majeur pour le monde rural, la moitié des 400 000 exploitants agricoles partant à la retraite d'ici à 10 ans. Face à la difficulté de trouver des volontaires, l'entreprise Ferme en vie installe des jeunes en leur finançant le foncier agricole en échange d'un engagement agroécologique. Elle sollicite des investissements privés de particuliers ou entreprises pour racheter des fermes afin de les louer à des jeunes qui n'ont pas les moyens de se lancer. franceinfo a pu assister, en Mayenne, à la rencontre d'un jeune fermier bénéficiaire et des investisseurs.

"Je vous ai amenés ici pour vous expliquer la gestion du travail dans les noisetiers", explique Simon Aussems, éleveur et producteur de noisettes près de Château-Gontier, en Mayenne, à la dizaine de petits investisseurs venu visiter son exploitation. Ces derniers lui ont versé de l'argent via l'entreprise Ferme en vie. "On a les bœufs qui pâturent là-bas, qui vont manger les branches qui repartent du pied de l'arbre, les drageons", explique Simon Aussems à ses visiteurs. Cette technique lui permet de "passer le moins souvent possible le broyeur dans les rangs".

"Ça permet d'être plus flexible"

Après quelques années en tant que salarié agricole, le trentenaire a voulu s'installer en bio. Il a pu le faire grâce à Ferme en vie, car il n'avait pas les fonds nécessaires. La foncière agricole a acheté le terrain et les bâtiments de Simon Aussems. "S'il n'y avait pas de financeurs extérieurs, les banques m'ont fait comprendre qu'elles ne m'auraient pas suivi", explique-t-il. En échange, il paye un loyer, un fermage, dont le montant est fixé par arrêté préfectoral. 

Il n'y voit que des avantages, car "ça permet d'être plus flexible". "En trésorerie, c'est un peu compliqué les premières années, je suis régulièrement en retard. Et puis ça passe, j'arrive à les payer un peu plus tard", détaille-t-il.

L'agriculteur Simon Aussems utilise des bœufs pour limiter l'usage des machines. (EDOUARD MARGUIER / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)
L'agriculteur Simon Aussems utilise des bœufs pour limiter l'usage des machines. (EDOUARD MARGUIER / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

Simon Aussems respecte donc un cahier des charges fixé par Ferme en vie. "On est convaincus qu'il faut essayer de mieux produire, de créer des fermes qui sont moins dépendantes des énergies fossiles, qui ont un impact positif sur la biodiversité, sur l'eau", explique Vincent Kraus, le co-fondateur de l'entreprise. En cinq ans, cette entreprise de l'économie sociale et solidaire a levé 34 millions d'euros, abondé par 2 500 investisseurs, des institutions, comme la banque publique d'investissement, mais aussi des particuliers, comme Isabelle.

"Moi-même, je consomme du bio. Je trouve ça super important de pouvoir soutenir des personnes dans cette optique. Et surtout de les aider, parce qu'on sait qu'aujourd'hui les agriculteurs souffrent beaucoup", note-t-elle. "Quand il nous a dit qu'il ne se payait que 350 euros par mois, ça me révolte ! Donc à nous de les aider à se lancer dans ces nouveaux projets", abonde Philippe.

Ferme en vie a financé jusque-là 37 fermes, qui se trouvent en majorité dans l'ouest de la France.

Quand une entreprise solidaire rachète des fermes pour permettre aux jeunes agriculteurs de s'installer. Reportage d'Edouard Marguier.