«Ma sœur m’a raconté, c’est une dinguerie faut le brûler vif ce chien». Ce lundi 18 novembre, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris a reconnu coupable Ibni-Akram A., 27 ans, d’avoir menacé, sur le réseau social X, le proviseur de la cité scolaire Maurice-Ravel (20e arrondissement de Paris) le 28 février dernier. Le jeune homme a été condamné à soixante jours-amende d’un montant de 10 euros chacun ainsi qu’à un stage de citoyenneté de cinq jours à exécuter dans un délai de six mois. «Considérant qu’il s’agit d’un fait isolé et au regard de son insertion professionnelle», le tribunal a décidé qu’il ne serait pas fait mention de cette condamnation sur son casier judiciaire. Ibni-Akram A. devra par ailleurs verser 3000 euros de dommages-intérêts au chef d’établissement, ainsi qu’un euro symbolique au syndicat des personnels de direction (Snpden), qui s’était constitué partie civile.
Le mercredi 28 février, le proviseur de Maurice-Ravel avait rappelé à plusieurs élèves l’obligation d’ôter leur voile dans l’enceinte scolaire. L’une d’entre elles, étudiante en BTS, avait refusé d’obtempérer et une altercation s’en était ensuivie. L’affaire avait fuité sur les réseaux sociaux, sur lesquels le chef d’établissement avait été menacé.
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Les investigations ont permis de remonter la trace de trois messages postés sur X. L’auteur du premier, qui avait écrit «faut le b***** sa mère», a été relaxé le 15 mars par le tribunal de Lisieux, puis condamné à du travail d’intérêt général le 11 septembre en appel à Caen. L’auteur du second message, qui avait appelé à «aller lui en mettre deux à ce fils de lâche», a comparu à Bourg-en-Bresse le 7 novembre. Le parquet a requis dix mois de prison avec sursis à l’encontre de ce père de famille de 45 ans, qui sera fixé sur son sort le 28 novembre. L’auteur du troisième est Ibni-Akram A. Le jeune homme est le frère d’une jeune fille scolarisée à Maurice-Ravel. Le 28 février, lors du repas familial, l’élève - qui n’a pas assisté à la scène - raconte l’épisode à son frère. Après le repas, sur son téléphone, ce dernier tombe sur un tweet affirmant que le chef d’établissement a «claqué une étudiante à cause de son voile». C’est alors qu’il poste son message, «faut le brûler vif ce chien».
«C’est abject»
Lors de son procès, le 2 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris, celui qui travaille comme «planificateur et organisateur de projets» avait assuré «avoir pris conscience de la gravité de ses propos» et «s’excuse». «C’est abject, c’est dégueulasse. Je n’avais pas l’intention de quoi que ce soit envers le proviseur. Je n’avais pas conscience de la portée de mon message», a-t-il insisté. «C'est trop facile de dire qu'on n'a pas eu conscience de ce qu'on écrivait ! Pour Samuel Paty, les choses se sont passées dramatiquement de cette manière-là. Voilà ce à quoi ça pouvait aboutir !», avait répliqué Me Francis Lec, le conseil du proviseur. Ce dernier, qui a quitté l’établissement après les faits et est désormais à la retraite, décrit une affaire «très perturbante», soulignant qu’il n’avait «jamais vécu quelque chose d’aussi traumatisant en trente ans».
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Évoquant elle aussi le «contexte de menaces récurrentes envers le corps enseignant», la procureure avait réclamé à l'encontre du prévenu un an de prison avec sursis. Dans sa plaidoirie, l’avocat de la défense, Me Thibault Kempf, demandait quant à lui la relaxe du chef de «provocation publique non suivie d’effet à commettre une atteinte volontaire à la vie» et la requalification en «injure publique». Ibni-Akram A. «est quelqu'un de bien qui a commis une erreur grave. Moralement, cette erreur, elle est gravissisme ; pénalement, ma conviction est que la qualification retenue est inadaptée», avait plaidé l’avocat. Le tribunal n’a finalement pas fait droit à cette demande, mais a été bien plus clément que le ministère public envers le jeune homme, absent lors du rendu du jugement mais qui a renouvelé par courrier ses «excuses» auprès du proviseur et de ses proches.