Sommet sur l'intelligence artificielle à Paris : "Les annonces qui ont été faites sont un vrai atout pour le développement de l'IA en France", estime la co-fondatrice de Pigment
"On avait les talents, les chercheurs, il nous manquait l'investissement et les annonces qui ont été faites sont un vrai atout pour le développement de l'intelligence artificielle en France", estime, mardi 11 février, Eléonore Crespo, co-fondatrice de Pigment, une des entreprises mises en avant pour représenter le camp tricolore dans le domaine de l'Intelligence artificielle lors du Sommet de l'Intelligence artificielle qui se tenait à Paris les 10 et 11 février. À cette occasion, l'Élysée a notamment annoncé des investissements privés de "109 milliards d'euros dans les prochaines années".
De nombreux chefs d'État et de gouvernement étaient présents à ce sommet, co-présidé par la France et l'Inde : le Premier ministre indien Narendra Modī, le vice-président américain J.D Vance ou encore la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen. Mais aussi des grands patrons, comme celui de Google, Sundar Pichai, ou celui d'Open AI, Sam Altman. "Le manque de femmes est flagrant dans la technologie en général et c'est une catastrophe et dans le monde entier, relève Eléonore Crespo. C'est un vrai problème éthique. Il faut une vraie diversité, notamment dans le développement de l'intelligence artificielle".
franceinfo : quel est votre sentiment sur l'événement qui est en train de s'achever ? Que vous a-t-il apporté concrètement ?
Cet événement a été assez extraordinaire, je pense, pour l'IA en France et pour vraiment placer la France au centre de la carte. Je trouve que le président a fait un énorme effort pour justement ramener les nations ensemble et puis avoir un vrai débat sur comment, en fait, rendre cette IA mondiale. On avait en France les talents, on avait les chercheurs, et il nous manquait l'investissement et les annonces qui ont été faites, je pense, sont un vrai atout pour le développement de l'intelligence artificielle en France.
Et donc vous concrètement, vous avez rencontré des investisseurs potentiels, vous avez rencontré des patrons de GAFAM, de grandes entreprises américaines, des gens auxquels vous n'auriez pas eu accès autrement ou en tout cas pas aussi facilement.
Oui. C'est un très beau moment pour rassembler les grands groupes, pour assembler aussi évidemment les leaders de l'IA dans le monde et c'est vrai que ça permet d'avoir des débats passionnants parce qu'il y a beaucoup de points de vue différents dans la salle et je trouve ça vraiment extraordinaire de pouvoir le faire depuis la France et depuis Paris.
Ce que vous faites, concrètement, c'est un logiciel de planification pour les entreprises qui ambitionne de remplacer Excel qui est donc développé par Microsoft. Rien que cela, j'ai vu que vous avez déjà plusieurs centaines de clients et des très gros, Coca-Cola par exemple.
Oui. Pigment, pour simplifier, c'est une plateforme de prise de décision. On s'est rendu compte, quand on avait commencé l'aventure, que les chefs d'entreprise et les dirigeants d'entreprise prenaient souvent des décisions sur de la donnée erronée ou incomplète. Donc ce que ça veut dire, c'est que souvent les entreprises manquent d'information pour prendre des décisions. Elles n'ont pas des informations budgétaires, elles manquent d'informations sur certains produits, sur certaines données. Nous ce qu'on essaie de faire, c'est de ramener la donnée au bon endroit et de créer une vraie intelligence collective dans l'entreprise pour aider les entreprises à être plus compétitives.
Vous avez déjà un certain nombre de clients impressionnants des deux côtés de l'Atlantique. Donc, votre logiciel fonctionne.
Oui.
"On a plus de 60% du revenu aux États-Unis et c'est vrai qu'on sert tout type de clients. On sert des Coca-Cola, des Unilever, des sociétés technologiques, comme Anthropic par exemple, qui étaient là au sommet."
Eleonore Cresposur franceinfo
La ville de Marseille aussi...
La ville de Marseille. Oui, tout à fait. Ces villes qui justement utilisent Pigment pour rendre le budget transparent pour les concitoyens. Donc Pigment, c'est aussi une plateforme qui sert vraiment à démocratiser l'accès à l'information et à donner plus de transparence, par exemple dans ce cas des villes ou de la région Île-de-France.
Plus de la moitié de votre revenu provient des États-Unis, vous avez des bureaux là-bas, un nouveau bureau bientôt à San Francisco. Donc, êtes-vous une entreprise française ou américaine ?
On est une entreprise 100% française. Mais, moi, j'appelle ça une entreprise mondiale. C'est-à-dire que nous avons des partenariats avec un certain nombre de pays à l'étranger, donc beaucoup de partenariats en Europe et aux États-Unis notamment. Et on est une entreprise 100% française, c'est-à-dire que notre tech est 100% en France, toute notre équipe de R&D est en France et nous les dirigeants, nous sommes en France et nous comptons bien y rester.
Votre intelligence artificielle, en revanche, est américaine, elle vient d'Open AI, donc vous n'avez pas trouvé l'équivalent pour l'instant en France.
Pigment s'adapte à tout type de technologies d'intelligence artificielle, c'est-à-dire les sous-couches d'infrastructure. Il se trouve qu'on travaille beaucoup avec Open AI, mais on travaille aussi avec tout type de sous-couche. Donc, on s'adapte vraiment aux besoins du client et nous développons aussi en interne nos propres sous-couches d'intelligence artificielle avec notre équipe en France.
Si vous avez donc plus de la moitié de votre chiffre d'affaires aux États-Unis, c'est qu'ils savent faire des choses que nous ne savons pas faire en France ? Quel est l'écosystème dont vous profitez aux États-Unis que vous ne retrouvez pas de ce côté-ci de l'Atlantique ?
Il y a deux choses que je vois aux États-Unis, c'est une capacité d'acheter assez vite. C'est vraiment d'être capable de prendre de la décision assez rapidement sur la technologie et de choisir la meilleure technologie dans les grandes entreprises, ce qui est peut-être un peu moins le cas parfois en Europe. C'est-à-dire qu'on attend qu'une entreprise soit peut-être un peu plus mature avant d'aller la chercher.
On a du mal à faire confiance à une start-up, même si elle est valorisée à plus d'un milliard de dollars ?
Exactement.
"C'est vrai qu'aux États-Unis, ils ont l'avantage d'avoir mon deuxième point qui est le Small Business Act et qui est quelque chose qu'on aimerait bien développer en Europe. Ce qui permet d'avoir un budget alloué pour chaque grande entreprise pour aller acheter chez de plus petites entreprises, comme Pigment."
Eléonore Cresposur franceinfo
C'est quelque chose qui les aide beaucoup et qui leur a appris à acheter de la technologie pour ce qu'elle était. Donc ça nous a aidé beaucoup. Mais il faut voir qu'en France, on a quand même réussi à avoir des clients très rapidement. Je pense à la SNCF par exemple, qui nous a fait confiance très vite dans le développement de Pigment.
Ce que vous voyez aux États-Unis, avez-vous l'impression que ça commence à infuser en France, qu'il y a une volonté politique, qu'on a vue affichée avec le président de la République, qui commence à avoir des effets, même si évidemment ce n'est pas la seule raison ?
Oui, vraiment, j'ai senti un vrai engouement pendant le sommet. On avait énormément de patrons, de grandes entreprises qui étaient présentes et qui ont vraiment envie d'y aller et d'y aller très vite et d'essayer vraiment de comprendre, en tout cas, cette technologie.
Il y a énormément de grands patrons. Mais, je n'ai vu quasiment que des hommes hier au Grand en Palais, vous êtes une des seules femmes à la tête d'une licorne française. Comment expliquez-vous cela et que faut-il faire pour y remédier ?
Je pense à deux choses. Déjà, je trouve qu'effectivement le manque de femmes est flagrant dans la technologie en général et c'est une catastrophe et dans le monde entier. Je trouve que c'est un vrai problème. C'est un vrai problème éthique. Il faut une vraie diversité, notamment dans le développement de l'intelligence artificielle.
Parce qu'il y a des biais.
Parce qu'il y a des biais. Par contre, ce que je trouve intéressant, c'est que l'intelligence artificielle ça va vers la simplicité, ça va vers l'intelligence collective, ça va par exemple vers Pigment pour donner l'accès à la donner à un plus grand nombre de personnes. Ce que j'espère, c'est que, via l'éducation, via les programmes qui vont être faits en université, et via les programmes qui vont être faits en entreprise, qu'on arrive à attirer beaucoup plus de femmes parce que cet accès à la technologie doit être universel et moi, je vais me battre dans cette direction.