Il est des mensonges que l’on pardonne à une mère. «Papa est en voyage d’affaires», répète l’épouse de Frédéric Pierucci aux jeunes jumelles qui n’ont pas vu leur père depuis des semaines. Le cadre dirigeant d’Alstom Power est alors incarcéré aux États-Unis. À New York, il a été cueilli par le FBI le 14 avril 2013, à la sortie de l’avion, puis transféré dans une prison de haute sécurité dont il ne sait quand il sortira. Pourtant salarié d’un fleuron français, Frédéric Pierucci sait simplement qu’il est détenu pour des soupçons de corruption visant l’entreprise dans une affaire de pots-de-vin en Indonésie, onze ans plus tôt. C’est le premier engrenage de la désormais fameuse «affaire Alstom».
Le colosse ne fend que rarement l’armure, pudique comme ceux à qui la vie n’avait rien promis. Lui, le gamin de Lapugnoy (Pas-de-Calais), élevé par son grand-père, vétéran de la Seconde Guerre et édile du village, et sa mère, secrétaire de la petite mairie. Il sait combien il leur doit, ainsi qu’à son…