«Les avions russes sont mieux protégés par l’Occident que les Ukrainiens», tance le ministre lituanien des Affaires étrangères

Gabrielius Landsbergis n’a pas mâché ses mots mercredi, lors d’une réunion informelle à Bruxelles avec ses homologues européens. «Même si cela sonne comme une plaisanterie, nous protégeons le ciel russe. Les avions russes sont mieux protégés par les garanties occidentales que les Ukrainiens», a tancé le ministre lituanien des Affaires étrangères, à son arrivée à Bruxelles, mercredi, pour une réunion informelle avec ses homologues européens. En cause, les frilosités des Alliés à laisser l’Ukraine frapper le territoire russe, déjà l’objet d’un débat fin mai dernier.

Le ministre lituanien a critiqué vertement les Occidentaux qui promettent des armements, sans les livrer pour autant. «Nous devons nous poser une question. Ne sommes-nous pas une partie du problème ? Jusqu'à présent, aucune batterie antimissiles Patriot promises à Washington n’a été livrée. Aucun stock de munitions ne l’a été depuis juin». Des munitions d’autant plus cruciales que l’Ukraine subit des assauts russes répétés depuis la chute d’Avdiivka en février dans le Donbass, une position tenue depuis le début de la guerre en 2014. Depuis, l’armée du Kremlin progresse régulièrement vers le nœud logistique de Pokrovsk

«Le flanc est (de l’OTAN, NDLR) s’inquiète car nous comprenons tous que si les Ukrainiens ne reçoivent pas l’aide promise, c’est une porte ouverte à Poutine pour continuer», a poursuivi le ministre. Six membres de l’Otan frontalier de la Russie, de la Norvège à la Pologne, sont ainsi tombés d’accord en mai denier pour ériger «une muraille de drones» qui doit permettre de surveiller les mouvements russes, et s’en protéger si besoin. La Lituanie a également quitté, fin juillet, la convention d’Oslo de 2008 pour acheter de nouveau des armes à sous-munitions.

L’épineuse question des livraisons

L’armée ukrainienne, réformée aux standards militaires de l’Otan depuis 2014, manquait d’armements modernes aux premiers temps de l’invasion, déclenchée par Vladimir Poutine le 24 février 2024. Les Alliés livrent donc régulièrement des équipements afin d’y remédier. Et chaque «ligne rouge» a été franchie : des chars, des avions, et des missiles à longue portée ont finalement été envoyés. Mais ceux-ci le sont avec des conditions d’usage, dont celles de ne pas frapper directement le sol russe. De plus, le conflit perdurant, l’Occident a ralenti ses livraisons malgré les annonces officielles. «Nous devons commencer à nous demander si nous pouvons tenir nos promesses. Car quand un pays X promet un équipement Y, il semblerait que cet équipement Y soit inadéquat, inutilisable. Il a besoin de réparations», a encore dénoncé Gabrielius Landsbergis. 

«(...) Pendant nos discussions avec nos amis ukrainiens, nous avons découvert que certains équipements promis l’an dernier ne seront livrés qu’en 2027. Malgré les annonces et les gros titres des journaux», a-t-il appuyé. «Comme vous le savez, Poutine a des amis sur qui il peut compter. La Corée du Nord et l’Iran peuvent réapprovisionner la Russie avec le matériel promis». La Corée du Nord, selon le renseignement américain, aurait livré près d’un million d’obus et une vingtaine de missiles balistiques

«Nous créons une belle histoire pour dire à nos compatriotes que nous sommes des combattants pour le bien. Mais quand nous arrivons au moment où il faut livrer les armes, l’histoire parfois est totalement différente», a encore déploré le ministre, dont le grand-père a participé à l’indépendance de l’État balte, avant d’en être le chef pendant de deux ans. «Il y a un autre message que nous envoyons : l’Europe est prête à perdre. Et j’espère vraiment que ceux qui prennent des décisions de ne pas fournir à l’Ukraine ce qui a été promis sont prêts pour la prochaine la guerre. Parce qu’elle viendra».