La FNSEA perd du terrain face à la Coordination Rurale
Malgré une percée historique de la Coordination Rurale (CR) qui gagne de plus de 10 points un peu partout en France avec plus de 30% des voix au total, l’alliance FNSEA-JA maintient son leadership sur la gouvernance des Chambres d’Agriculture. Mais elle y laisse des plumes et passerait en dessous la barre symbolique des 50% des voix à 48%. Elle perd dix-sept départements, soit bien au-dessus de son scénario le plus défavorable qui tablait sur une dizaine de chambres en moins par rapport au dernier scrutin de 2019.
Le syndicat majoritaire en détenait 97 sur les 102 au total que comptent la France Métropolitaine et l’Outre-Mer. Sur les 5 autres, trois étaient gérées par la CR, le Lot-et-Garonne, la Haute-Vienne et la Vienne (elle reste sous pavillon CR), une par la Confédération paysanne à Mayotte et une autre en Moselle où elle est conduite par une liste d’agriculteurs non syndiqués. « Nous avons atteint, voire dépassé nos objectifs, se félicite Christian Convers, secrétaire général de la CR. Nous progressons partout de 10 à 15% des voix. Nous pourrions même gagner une région, la Nouvelle Aquitaine. Les agriculteurs se sont rendu compte qu’il n’était pas bon de confier les intérêts de l’agriculture française au même syndicat depuis plus d’un demi-siècle ».
Déception des JA et de la FNSEA
Du côté de la FNSEA, son leader «remercie très chaleureusement les agriculteurs mobilisés en nombre lors de ces élections avec un niveau de participation qui n’a pas baissé, commente Arnaud Rousseau. Nous prenons acte de la perte d’une quinzaine de chambres et assurons nos vœux pleins et entiers aux nouvelles équipes. FNSEA et JA reste la première force syndicale dans 80% des 83 chambres dont les résultats sont définitifs. Ce soir une colère s’est exprimée sur les promesses non tenues par le gouvernement. Nous avions identifié les départements qui pouvaient basculer. Nous avons été surpris pour la Lozère, la Charente-Maritime, les Ardennes et des départements du Centre Val de Loire». Pour Arnaud Rousseau, la colère qui s’est exprimée dans les urnes ce soir est loin d’être terminée.
Pour sa part, le président de Jeunes Agriculteurs (JA) aurait préféré un meilleur score mais est réaliste. «Je veux remercier les JA pour cette belle campagne, réagit Pierrick Horel. J’ai une pensée pour ceux qui sont déçus ce soir. La colère et les frustrations se sont exprimées. Mais on ne bâtit rien sur la colère. Nous représentons un syndicalisme de projet et de solutions et non un syndicalisme de protestations. Nous restons le premier corps intermédiaire pour représenter le monde agricole dans les négociations avec les pouvoirs publics».
14 chambres sous pavillon CR
Dans le détail, selon les résultats officiels publiés à 22 heures, 14 chambres basculent sous les couleurs jaunes de la CR. Deux reviennent à des listes indépendantes dans le Sud-Ouest dont une en Haute-Garonne. Dans ce département c’est Jérôme Bayle, leader charismatique du mouvement de colère des paysans en 2024 à la tête du barrage de l’A64 à Carbonne qui arrive largement en tête. Il totalise avec sa liste « les ultras 64 » 41,06% des voix. « En créant cette liste, les paysans ont voulu reprendre leur destin en main face à l’état-major de nos syndicats qui semblent ignorer la grande difficulté économique et morale dans laquelle nous nous trouvons, commente au Figaro Jérôme Bayle. Arnaud Rousseau, alors qu’il est passé deux fois près de chez moi, n’a jamais la décence de venir me saluer. Riche ou pas nous ne baisserons ni la tête ni les yeux. Nous voulons être considérés comme des agriculteurs en Occitanie et non pas comme de la tapenade de l’agro tourisme ou de l’agro écologie ».
Dans ce département, le tandem FNSEA-JA suit derrière avec 25,64% des suffrages, la Confédération paysanne arrive 3e avec près de 6 points de moins et la CR ferme la marche avec 15,09%. Toujours en Occitanie, territoire où la surface moyenne des exploitations atteint 19 hectares, la liste d’un dissident de la FNSEA ex-président de la chambre d’Ariège se classe sur la première marche du podium avec près de 40% des voix, soit près de 5 points devant la liste de la Confédération Paysanne et quelque 15 points devant de la liste FNSEA-JA et une très forte participation d’environ 75%.
La lutte contre le Mercosur
La CR conforte donc sa place de deuxième syndicat au niveau national avec plus de 30% des voix, et même la première, si l’on considère la FNSEA et les JA comme deux syndicats autonomes. Les territoires gagnés par la CR, syndicat protestataire sont ceux où les productions connaissent de fortes crises. C’est le cas notamment pour la viticulture, en Gironde ou en Charente, l’arboriculture, en Lot et Garonne et en Dordogne, où la noix est mise à mal par la concurrence internationale tout comme la noisette qui à cause du retrait d’un traitement phytosanitaire (acétamipride) est en passe de disparaître du territoire national. Dans le centre de la France et les territoires intermédiaires, les éleveurs se sentent oubliés et estiment être les grands perdants des négociations des accords de libre-échange que ce soit celui avec l’Australie et la Nouvelle Zélande concernant les ovins ou celui avec les pays du Mercosur en Amérique Latine relatif aux bovins. Le maraîchage est aussi une source d’inquiétude pour des paysans sans solution technique après le retrait en France de produits phytosanitaires.
L’Indre et Loire, qui a vu naître la Coordination Rurale en 1991 suite au départ d’une partie des membres de la FNSEA mécontents du virage libéral de l’Europe, a basculé sous le pavillon de la CR avec 32 voix d’avance. « Il existe beaucoup d’agriculteurs en difficulté dans ce territoire, ils sont inquiets pour leur avenir et se sentent oubliés par le national, constate Angélique Delahaye, maraîchère en Indre et Loire, présidente nationale de l’association Solidarité des producteurs agricoles et agroalimentaires (SOLAAL). Ils se sont tournés vers les syndicats protestataires et particulièrement la CR qui a vu le jour dans notre département ».
Contre performance de la Conf’
La Confédération paysanne, syndicat altermondialiste, ne gagne qu’une chambre celle de l’Ardèche. Son positionnement trop radical sur les bassines aux côtés de pseudos défenseurs de l’environnement qui détruisent les cultures d’autres agriculteurs a été mal perçu par le milieu agricole. Tout comme ses participations à des manifestations politiques éloignées de la problématique sectorielle. Sa dirigeante Laurence Marandola, agricultrice en Ariège, comptait remporter une dizaine de chambres. On est loin du compte.
Il y aura sans doute des recours. En Gironde, la CR a 6 voix d’avance sur la liste d’union de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et des Jeunes Agriculteurs. En Indre et Loire, la CR gagne de 32 voix et de 12 voix en Lozère.