Temu, lauréat du «cactus d’or» de 60 millions de consommateurs, qui liste les loupés des entreprises en 2024

C’est une liste sur laquelle il ne vaut mieux pas voir le nom de son entreprise. Chaque année, depuis huit ans, le magazine 60 millions de consommateurs  dresse un classement des marques qui se sont le plus mal comportées avec leurs clients. Ce palmarès repose sur des faits qui se sont déroulés durant l’année écoulée et s’intitule, d’un ton humoristique, les «cactus d’or». Sur son site, le média souligne «une particularité cette année», avec les trois premiers lauréats qui «ont chacun mis en cause la santé et la sécurité de leurs clients».

En grand vainqueur, un site chinois qui vend des articles à très petits prix, Temu. Arrivé en Europe en avril 2023, la plateforme propose aux consommateurs «d’acheter comme un milliardaire». Pour les appâter, Temu utilise des codes repris des jeux vidéo comme une roue de la fortune pour gagner des promotions ou encore un compte à rebours qui déclenchent d’autres ristournes. Malgré la présence de son autre concurrent chinois, Shein, Temu a rapidement gagné du terrain, avec 92 millions de clients actuels en Europe.

Malgré des prix attractifs, 60 millions de consommateurs relèvent plusieurs problèmes, à commencer par la non-conformité de certains produits. Le magazine pointe notamment des «modes d’emploi en chinois, des cosmétiques sans listes d’ingrédients ou encore des jouets avec des petites pièces qui se détachent». Plus grave, Temu est aussi accusée d’être «un outil d’espionnage», selon Damien Bancal, expert en cybercriminalité. Si la plateforme dément, elle a toutefois supprimé en mars dernier son opération «Cash reward», ou «récompense en cash» en français, face à la montée de critiques. Le site proposait ainsi «un minimum de 100 euros» versés en bons d’achat et par virement sur un compte PayPal aux nouveaux clients en échange de l’exploitation à vie «de leurs photos, nom, voix, opinions, déclarations, informations biographiques et ville natale». Un mauvais coup de publicité qui n’empêche pas à Temu de continuer à étendre son empire. 

«Des blessures graves, voire mortelles»

Sur la deuxième marche du podium, le groupe Nestlé est épinglé pour avoir «eu recours à des traitements interdits pour ses trois eaux vosgiennes», à savoir Vittel, Contrex et Hépar, selon un rapport de la Répression des fraudes. Le scandale éclate à la rentrée, avec l’utilisation d’un traitement UV et des filtres à charbon actif non autorisés pour maintenir une «sûreté sanitaire». Si la marque assure aujourd'hui avoir renoncé aux traitements ultraviolets et aux filtres à charbon actif, elle souligne que ces dispositifs ont permis de protéger les consommateurs de la dégradation de la qualité de l’eau. 

Derrière Nestlé, à la troisième place, figure Stellantis pour son rappel massif d’airbags au printemps dernier. Plus de 246.000 propriétaires de véhicules C3 et DS3 ont subitement été sommés d’arrêter de les utiliser. En cause, un «risque de rupture de l’airbag, susceptible de provoquer des blessures graves, voire mortelles». Si le fabricant des airbags, Takata, avait reconnu la dangerosité de ses produits en 2017, le risque était connu depuis 2015. 

Or, Stellantis a continué la vente de ses modèles de voitures équipés de ces airbags défectueux jusqu’en 2019, «sans informer les acheteurs», souligne 60 millions de consommateurs. Après plusieurs décès en Outre-mer et un dans les Pyrénées, une campagne de rappel a été déclenchée au mois de mai, provoquant des embouteillages dans les garages pour changer les airbags défectueux. Début octobre, le constructeur automobile assurait que 114.000 voitures avaient été remises à niveau et que 90.000 devraient suivre dans les prochains mois. Le magazine rappelle par ailleurs que ce risque concerne également les modèles C4, DS4 et DS5 mais qu’une «priorisation des rappels» a été réalisée. 

Des clients sans chauffage durant l’hiver

En plus des trois premiers cactus, 60 millions de consommateurs en attribuent également des thématiques, comme celui de la «défaillance», pour Primagaz. Au début de l’année, le fournisseur d’énergie se retrouve confronté à un problème informatique qui entraîne des retards de livraison considérables et met en rade son service de facturation. Les clients se retrouvent alors sans facture, mais surtout sans chauffage au cœur de l’hiver. Cet été, si les difficultés de livraison ont été réglées, les règlements des factures, parfois très élevées, ne sont toujours pas terminés. L’entreprise a ainsi promis d’accepter les paiements en plusieurs fois sans frais sur les espaces clients, qui restent toujours difficilement accessibles, selon le magazine. 

Le «cactus du low cost», lui, revient à la plateforme Dazn qui a lancé cette année un abonnement à 29,99 euros, avant de l’abaisser rapidement à 19,90 euros. Si Dazn recense 400.000 clients abonnés, les fans de la ligue 1 dénoncent des images et une couverture médiocre des matchs de football. Certains préférant même profiter de diffusions illégales sur Telegram pour ne pas payer d’abonnement. De son côté, le groupe Danone reçoit un «cactus de l’opacité» pour avoir effacé le Nutri’Score sur ses yaourts à boire Actimel, Danonino, Alpro, Danone et Activia. Le système d’étiquetage devait adopter un nouveau calcul en juin dernier et attribuer une lettre dégradée aux produits Danone. Finalement, le nouveau Nutri’Score tarde à se mettre en place et n’est toujours pas appliqué sur les références. 

Des merguez 100% bœuf avec des traces de porc

Les attaques de pirates informatiques ont largement émaillé l’année 2024, avec de nombreuses entreprises visées comme le Gestionnaire du tiers payant des mutuelles, Speedy, Dropbox, le Slip Français, Dell, Boulanger, Truffaut, l’Assurance retraite, Ornikar ou encore Picard. Mais l’attaque la plus spectaculaire a visé l’opérateur Free, qui s’est vu dérober les données personnes de 19,1 millions de clients et 5,1 millions de coordonnées bancaires. Avant cette attaque de fin octobre, deux autres étaient déjà survenues en février et au début du mois d’octobre avec une «consultation de données personnelles pouvant mener à une perte de confidentialité». Autant de failles pour 60 millions de consommateurs, qui estime que la «protection chez Free semble insuffisante» et lui octroie ainsi le cactus «de la vulnérabilité»

Concernant la composition des produits, la rédaction pointe deux essais réalisés dans l’année qui ont mis en lumière des ingrédients indésirables dans deux références de la marque Carrefour Bio. En avril, un sachet de mâches contenant ainsi «un métabolite issu de la dégradation d’un herbicide, le dichlobénil», pourtant interdit depuis 2009. L’enseigne de grande distribution se défend et évoque une présence du métabolite qui «demeure rémanent dans le sol». Cet été, c’était au tour de merguez «pur bœuf» de contenir des traces d’ADN de porc. Le groupe empoche ainsi «le cactus de la présence indésirable»

En fin de classement, le site de notation en ligne, Trustpilot, se voit attribuer le «cactus du dopage» pour un service facturé à certaines entreprises. Ces dernières, si elles souhaitent être mieux notées, ont la possibilité de payer un abonnement pour solliciter des clients à rédiger un avis positif. La réputation est facturée de quelques milliers d’euros à plus de 20.000 euros l’année, selon la taille de la société. «Comme en cyclisme, quand l’avis est positif, c’est qu’il y a un soupçon de dopage», ironise 60 millions de consommateurs.