Européennes : Ukraine, économie, immigration... Ce qu’il faut retenir du débat réunissant les huit principaux candidats
J-19. À moins de trois semaines des élections européennes, les huit principales têtes de liste se sont retrouvées pour la première fois mardi soir sur LCI. Dossiers internationaux, économie, immigration... Pendant plus de deux heures et demie, Jordan Bardella (RN), Valérie Hayer (Renaissance), Raphaël Glucksmann (PS-Place Publique), François-Xavier Bellamy (LR), Manon Aubry (LFI), Marion Maréchal (Reconquête!), Marie Toussaint (Les Écologistes), et Léon Deffontaines (PCF) ont croisé le fer sur les grands enjeux du scrutin. Alors que le dernier sondage «rolling» pour Le Figaro, LCI, Sud Radio, conforte les rapports de force entre les uns et les autres, chaque candidat a essayé de pousser son avantage. Façon d’essayer de faire son trou au moment où l’opinion se cristallise.
Ukraine : passe d’armes entre Bardella et Hayer
Haro sur la tête de liste du RN. Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, cette question toujours aussi brûlante a ouvert le débat. Si Jordan Bardella a répété que «la Russie était une menace multidimensionnelle, pour notre sécurité et notre souveraineté», son adversaire macroniste Valérie Hayer a demandé à «sortir des postures». «Marine Le Pen appelait à une alliance militaire avec la Russie», a raillé la présidente du groupe «Renew». En martelant que le RN «a toujours refusé de soutenir les aides à l'Ukraine.»
«Vous avez toujours refusé de condamner l'emprisonnement de l'opposant russe Alexeï Navalny», a tancé celle qui est en deuxième position dans les enquêtes d’opinion. Une pique que n’a pas laissée passer l’eurodéputé nationaliste, qui a rappelé les précédentes visites de Vladimir Poutine en France au début du premier mandat d’Emmanuel Macron. Et que le chef de l’État avait voulu un «rapprochement dans le cadre de l'architecture de sécurité entre l'UE et la Russie».
Le gaz russe au cœur des échanges
«Pourquoi continuer à importer du gaz naturel alors que vous considérez votre fournisseur comme une menace pour notre sécurité ? Soyez cohérents», a poursuivi le responsable nationaliste de 28 ans. Un argument par ailleurs utilisé par Marie Toussaint, qui refuse de surcroit l’«importation d'uranium enrichi» : «Nous continuons aujourd'hui à financer l'effort de guerre (russe) (...) Il faut taper Vladimir Poutine au porte-monnaie.»
De son côté, François-Xavier Bellamy a également critiqué la dépendance de l’Europe au gaz russe. Avant de cibler sa concurrente Marie Toussaint et tous ceux «qui ont milité contre la filière nucléaire». «Que dire de François Fillon qui est allé travailler avec le régime de Poutine ?», a immédiatement répliqué l’écologiste.
Toujours à gauche, Manon Aubry s'en est prise à «l'ambiguïté stratégique» d'Emmanuel Macron sur un possible envoi de troupes à Kiev. Pour elle, ce conflit n'«a pas d'issue militaire (...) parce qu'on a face à nous une puissance nucléaire». Quant à Raphaël Glucksmann, il considère qu’«il faut se réveiller et faire beaucoup plus parce que la situation sur le front est absolument dangereuse.» «L'urgence, c'est de créer enfin une défense européenne digne de ce nom».
Aubry monte au créneau sur Gaza...
Pierre angulaire de la campagne de Manon Aubry, la guerre entre Israël et le Hamas a rapidement échauffé les esprits sur le plateau. Au lendemain de la requête du procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) pour un mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, l’ancienne porte-parole de l’ONG Oxfam a exigé «des sanctions à l'égard du gouvernement d'extrême droite» face à ce qu’elle appelle des «crimes de guerre et (des) crimes contre l'humanité».
Des propos introductifs qui lui ont permis d’interpeller Valérie Hayer. Si un tel mandat international était lancé, le gouvernement mettrait-il tout en œuvre «pour être en capacité d'arrêter un criminel de guerre (...) qui massacre une population civile ?» Piquée au vif, la macroniste a dit «respecter le droit international et la CPI». «À ce stade, on est au stade d'un réquisitoire. Il n'y a pas de décision prise», a-t-elle fait valoir. Et de marteler un principe : elle «ne met pas sur un pied d'égalité l'organisation terroriste qu'est le Hamas et le gouvernement» israélien.
... Et se fait rattraper par Bellamy
Un duel dans lequel le candidat LR s’est frayé un chemin, en visant directement Manon Aubry. «Je crois que vous êtes disqualifiés, vous et votre force politique, à jamais pour parler de droit international», a tonné François-Xavier Bellamy. Qui a rappelé que les Insoumis «ont toujours refusé de dire que le 7 octobre est un attentat terroriste islamiste et de qualifier le Hamas d'organisation terroriste.» Si la prétendante LFI a réfuté ces affirmations, l’eurodéputé de droite a affirmé que le discours de ses opposants fait «monter un antisémitisme virulent».
Marion Maréchal, elle, a surenchéri, en expliquant que «ce n'est pas uniquement par humanisme» que les Insoumis portent un discours propalestinien, voire complaisant avec le Hamas. «C'est évidemment par clientélisme électoral», a-t-elle cinglé. Le communiste Léon Deffontaines, lui, a réclamé «un peu de décence» pour «dénoncer les actes terroristes islamistes du Hamas, tout comme dénoncer des actes de Nétanyahou.»
Des débats plus calmes sur l’économie
Comment le Vieux continent peut-il se protéger face au protectionnisme américain ? Valérie Hayer a tout d’abord appelé les Européens à «arrêter d'être les dindons de la farce mondiale». Estimant que les «règles du commerce international ne sont plus respectées», la macroniste a exhorté à «être plus offensif en établissant des tarifs douaniers pour protéger nos industries». Son adversaire communiste lui a jugé la majorité «responsable de la situation économique de notre pays et de notre continent». À cause des «accords de libre-échange», il y aurait une «fuite de nos industries» et une «ruine de nos agriculteurs».
Raphaël Glucksmann, lui, a mis la politique commerciale de la Chine dans son viseur. En faveur d’un protectionnisme européen face aux grandes puissances, l’essayiste a considéré que «les Chinois sont en train de ratiboiser nos productions.» «Ce n'est pas une loi du marché, c'est une stratégie géopolitique. Il faut avoir des barrières commerciales en la matière», a-t-il persiflé. A droite, François-Xavier Bellamy souhaite «mettre fin à cette concurrence déloyale». Alors que Manon Aubry a raillé la «dose d'hypocrisie» «des groupes politiques (qui) ont voté en majorité les accords de libre-échange», Jordan Bardella a qualifié l’Europe de «malade des économies développées». «Pourquoi est ce que nous serions le seul espace économique au monde à ne pas protéger nos filières ?»
Sur la question de la fiscalité enfin, Manon Aubry s’est montrée favorable à «un ISF à l'échelon européen». Marion Maréchal, elle, s’est opposée, à ce que «la fiscalité ou le droit du travail puisse être une compétence européenne.» S’en est suivi un échange piquant entre Léon Deffontaines et Jordan Bardella. Alors que le communiste a accusé le RN d’avoir «trahi les travailleurs» sur l’imposition des très hauts revenus au niveau national, le président du RN lui a rétorqué : «Vous êtes communiste en 2024 (...) Il s’agirait de grandir.» «Ok OSS 117», lui a répondu le président du RN.
Des échanges houleux sur l’immigration
Premier à parler sur l’immigration, Jordan Bardella a joué sa partition sur ce qui est l’axe central de sa campagne. Voyant dans les vagues migratoires une «menace existentielle», l’eurodéputé s’est dit favorable au «refoulement systématique des bateaux de migrants qui accostent aujourd'hui sur les côtes européennes.» Il a également plaidé contre «la libre circulation dans l'espace Schengen aux seuls ressortissants européens.» Raphael Glucksmann, a beau accepter les «frontières», il a toutefois refusé d’avoir des «cimetières comme frontières». Toujours à gauche, Léon Deffontaines a jugé que «lorsqu'on propose zéro immigration, on finance les réseaux de passeurs.» Quant à Valérie Hayer, elle a défendu le pacte asile et immigration votée il y a quelques semaines. «On prendra leurs empreintes, leur identité, on les enregistrera très vite. On regardera et on leur dira s'ils peuvent accéder ou pas au territoire de l'Union européenne», a-t-elle défendu.