Timothée Chalamet joue Bob Dylan : cinq choses à savoir sur le biopic "Un parfait inconnu" de James Mangold

Le réalisateur James Mangold, auteur du remarquable biopic Walk the Line (2005) sur Johnny Cash avec Joaquin Phoenix et Reese Witherspoon (l'actrice obtint un Oscar), a choisi Timothée Chalamet pour incarner le jeune Bob Dylan dans Un parfait inconnu, attendu en salles mercredi 29 janvier en France.

Si le film repose sur les épaules du jeune acteur âgé de 29 ans, il est cependant entouré d'un impeccable casting. Edward Norton (génial) incarne son mentor des débuts Pete Seeger, Monica Barbaro campe une convaincante Joan Baez et Elle Fanning interprète avec grâce sa première petite amie new yorkaise.

Sans divulgâcher le film, voici ce qu'il faut savoir avant de le voir, concernant les éléments sur lesquels se base le biopic, ainsi que le tournage et la façon dont Timothée Chalamet s'est glissé dans la peau de la légende de la folk et du rock mondial.

1Le film raconte le début de carrière de Bob Dylan

Le film ne raconte pas par le menu la vie et la longue carrière de Bob Dylan, 83 ans. Il se concentre sur une période clé, celle qui va de son arrivée sans le sou à New York, en 1961, à l'âge de 19 ans, depuis son Minnesota natal, jusqu'à sa conversion controversée à l'électricité, actée lors d'un concert de 1965 au Newport Folk Festival, alors qu'il n'a que 24 ans. Le scénario s'appuie sur le livre d'Elijah Wald Bob Dylan Electrique, Newport 1965, du folk au rock, histoire d'un coup d'État, paru en 2015. Un ouvrage que Bob Dylan lui-même conseillait récemment de lire après avoir vu le film.

Alors, un coup d'État, vraiment ? Oui, en tout cas un geste de rébellion retentissant, une vraie révolution. Rappelons le contexte : au début des années 1960, la notoriété de Bob Dylan décolle d'abord via d'autres artistes qui popularisent ses chansons, de Peter, Paul and Mary (Blowin' in the Wind) à Joan Baez (Don't Think Twice, It's All Right). Puis le talent d'auteur, chanteur et musicien de Bob Dylan s'affine, et le poète considéré jusqu'alors comme un marginal fait une percée fracassante, dès 1963, avec les chansons engagées Masters of War, qui dénonce le complexe militaro-industriel, et A Hard Rain's A-Gonna Fall, écrite pendant la crise des missiles de Cuba.

Le voilà devenu, à 22 ans, une icône folk adulée des foules et l'emblème d'une génération, une étiquette et un statut qu'il s'efforcera de déconstruire. Car Bob Dylan aimait depuis toujours aussi le rockabilly, la country, le blues et le rythm & blues, et n'entendait se laisser enfermer ni dans la folk ni dans les brûlots contestataires. D'où le geste de rébellion majeur que fut son set électrique au festival folk de Newport en 1965, qui lui valut des insultes et la réprobation d'une partie du public et des organisateurs, tout en créant une onde de choc qui fit décoller sa notoriété à l'international.

2Bob Dylan a contribué au scénario

James Mangold n'avait pas prévu de rencontrer Bob Dylan à l'origine. Mais la rencontre a bien eu lieu "parce qu'il avait lu le scénario" et qu' "il voulait savoir quel genre de type j'étais et ce que je fabriquais", raconte le réalisateur à Rolling Stone (en anglais). Durant la pandémie, il l'a même rencontré à maintes reprises à Los Angeles.

Car s'il n'était pas présent sur le tournage, le Zim a non seulement pris le temps de lire le scénario coécrit par James Mangold et Jay Cocks, mais il lui a aussi suggéré des idées : "ll m'a fait bénéficier de sa connaissance et de ses informations concernant cette période, me poussant à creuser davantage certaines scènes", a confié le cinéaste à Business Insider. "C'était un immense cadeau." Le prix Nobel, connu depuis toujours pour son goût de l'affabulation malicieuse, a même insisté pour ajouter une scène fictive que les exégètes cherchent encore à identifier, a raconté l'acteur Ed Norton à Rolling Stone.

Selon le producteur du film Peter Jaysen, Dylan a assisté à une lecture entière à voix haute du scénario avec James Mangold, Bob lisant en silence les dialogues qui lui étaient attribués. Durant ce processus, Dylan a soigneusement annoté le scénario, un document que Timothée Chalamet a supplié en vain Mangold de lui passer durant des mois. "À la fin de la session de lecture avec James Mangold, il [Dylan] a signé le scénario et il a dit "Go with God" (Que Dieu soit avec vous)."

3Timothée Chalamet chante vraiment

Au départ, Timothée Chalamet devait avoir quatre mois pour se préparer à incarner le mythe Bob Dylan. Au final, grâce aux retards dus au Covid puis aux grèves de 2023 à Hollywood, il a eu cinq ans pour peaufiner son rôle. Il a commencé en ne sachant quasi rien de l'auteur de Blowin' in the Wind et il a terminé en véritable disciple. "Dès que je me suis lancé, il n'y avait plus de retour en arrière possible", explique l'acteur dans les notes de production. "Je me suis converti à la religion de Bob Dylan."

Au final, Timothée Chalamet chante et joue live – sans playback ni overdub – pendant toutes les parties musicales du film. Et il est bluffant. Pour apprivoiser et s'approprier le style de Dylan et maîtriser une vingtaine de chansons du répertoire de son modèle (qui font par ailleurs l'objet d'un album), l'acteur franco-américain a travaillé avec un coach vocal, un professeur de guitare, un professeur d'harmonica, un coach de diction et un coach de mouvements.

Elle Fanning avoue dans Rolling Stone avoir versé une larme en assistant à un véritable concert durant le tournage, au cours duquel Chalamet interprétait Masters of War et A Hard Rain's A-Gonna Fall. "On était sous le choc. C'était parfait, mais ce n'était pas une caricature. C'était toujours Timmy, mais aussi Bob, fondus merveilleusement." Exactement ce que souhaitait James Mangold, qui ne voulait pas "que Timothée disparaisse derrière le personnage" mais "au contraire qu'il imprègne Bob de sa propre personnalité".

4Dylan a fait changer le nom de sa petite amie

La relation sentimentale qu'entretient Bob Dylan avec sa première petite amie new-yorkaise, jouée par Elle Fanning, est au cœur du film au plan émotionnel – superposée à sa relation avec Joan Baez. Mais contrairement aux autres personnages, qui conservent leur véritable nom, celle-ci a été rebaptisée Sylvie Russo alors qu'elle est fortement inspirée de la vraie Suze Rotolo. C'est Bob Dylan qui a demandé à ce que son véritable nom ne soit pas mentionné, par pudeur pour cette femme qu'il a décrite un jour comme "la possible amoureuse de rêve de toute une vie", et dont il entendait protéger la mémoire.

Mais qui était Suze Rotolo ? Emportée par un cancer du poumon en 2011, elle avait rencontré Bob Dylan à New York à l'âge de 17 ans, lors d'un de ses premiers concerts, à Riverside Church, alors qu'il était encore inconnu. Dessinatrice et peintre, Suze était une intellectuelle, engagée activement dans les mouvements étudiants en faveur des droits civiques. Elle a ce faisant beaucoup compté dans son cheminement politique et culturel, lui faisant découvrir à la fois les scènes artistiques et politiques new-yorkaises, mais aussi les textes de Rimbaud, Brecht et Artaud, des peintres comme Kandinsky et Picasso et les films comme Ne tirez pas sur le pianiste de François Truffaut.

La pochette de "The Freewheelin' Bob Dylan", second album de Bob Dylan paru en 1963, dans lequel Suze Rotolo est à son bras. (COLUMBIA)

"Dès le début, je ne pouvais ôter mes yeux d'elle. Elle était la chose la plus érotique que j'ai jamais vue. (…) Nous avons commencé à discuter et mon cœur s'est emballé… Elle était juste mon type", a écrit Dylan dans ses mémoires à propos de sa rencontre avec celle qui fut sa première muse et qui lui a inspiré certaines de ses plus belles chansons, dont Don't Think Twice, It's All Right, Boots of Spanish Leather et Ballad in Plain D. C'est elle que l'on voit bras dessus, bras dessous avec lui dans une rue enneigée de New York, sur la pochette de son second album, The Freewheelin' Bob Dylan.

5Chalamet a été adoubé par Dylan himself

C'était le 4 décembre, à quelques semaines de la sortie du film aux États-Unis. Dans un message sur X, Bob Dylan écrivait : "Il y a un film sur moi qui va bientôt sortir, intitulé Un parfait inconnu (quel titre !). Timothée Chalamet y tient le rôle principal. Timmy est un acteur brillant alors je suis sûr qu'il sera totalement crédible en moi. Enfin un moi plus jeune. Ou un autre moi. Le titre est tiré de Dylan Electrique d'Elijah Wald, un livre paru en 2015. C'est un formidable récit des événements du début des années 1960 qui ont conduit au fiasco de Newport. Après avoir vu le film, lisez le livre !"

C'est jusqu'ici le seul commentaire public sur le film par Bob Dylan, dont même le réalisateur ignore s'il l'a vu ou a l'intention de le voir. En guise de réponse, Timmy s'est dit "stupéfait" et a remercié l'icône, devenu pour lui une sorte de maître à penser. "Bob refusait d'être catalogué. Pour un jeune artiste comme moi, c'est une vraie inspiration."