Près de Nantes : tout un village se mobilise pour restaurer son vieux four à chaux, témoin de son passé industriel

«Si quelqu’un trouve une pièce d’or, c’est pour la commune !», plaisante Jean Teurnier. Vêtu d’un pantalon de chantier et de gants, le maire de La Chapelle-Heulin, située à l’est de Nantes (Loire-Atlantique), enchaîne les allers-retours. En ce début de journée caniculaire où l’air est encore respirable, il est rejoint par une dizaine de bénévoles. Tous s’affairent à la même tâche. Les mains dans le sable, ils trient un tas de caillasses. Objectif : isoler les pierres qui serviront à la restauration du four à chaux du XIXe siècle.

Malgré l’aspect chronophage de la mission, l’ambiance est au beau fixe. Ce jeudi 14 août marque la dernière session de l’été. La commune a repris cette année l’organisation de ces matinées. La plupart des participants sont des retraités. «Comme c’est en semaine, les actifs n’ont pas le temps», défend d’emblée le premier adjoint Alain Kefifa.

Le maire de La Chapelle-Heulin, Jean Teurnier, jeudi 14 août, sur le chantier. LT/Le Figaro
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Subventions

L’avantage de ce chantier participatif est triple. D’un point de vue patrimonial et écologique, le réemploi de pierres recueillies au fil des ans aux alentours permet de conserver un certain cachet. D’un point de vue financier, le devis est allégé car la municipalité fournit la matière. «Aujourd’hui, ça coûte tellement cher de rénover», explique l’édile, qui s’est décarcassé pour trouver des subventions. En 2018, la municipalité a racheté le site pour 30.000 euros. «Au début, le conseil municipal n’était pas très chaud. Il s’est demandé avec quel argent on allait faire ça. C’est le nerf de la guerre», se souvient Jean Teurnier.

Celui-ci a d’abord fait appel au président de la Fondation du patrimoine. «Habitué à subventionner des églises, il était intéressé par ce bâtiment industriel. Cela changeait». Grâce à une souscription, environ 20.000 euros ont été collectés. 12.000 euros s’y sont ajoutés, après que le projet a remporté le premier prix «sauvegarde» de la part de la Fondation. 300.000 euros ont été reçus du Loto du patrimoine. Département, Région et État ont aussi mis la main au portefeuille à hauteur de 135.000, 90.000 et 50.000 euros. Sans oublier le mécénat et les entreprises.

«On sait que ça coûte cher le patrimoine», répète l’élu, devant un four circulaire flambant neuf, composé d’une tour de 11 mètres de haut. C’est dans cette partie, qu’autrefois, la pierre calcaire était chauffée à environ 900 degrés, avant de devenir de la chaux. La deuxième phase de travaux, lancée au printemps, vise à prolonger la rampe d’accès qui jouxte le four. Des investissements élevés, certes, mais le jeu en vaut la chandelle pour l’élu. «On n’a pas beaucoup de patrimoine ici. On a l’église du XIIe siècle et le four à chaux», souligne le maire, à propos du bourg rural de 3500 habitants. «C’est l’unique four à chaux du département de Loire-Atlantique», ajoute-t-il, très fier.

Longtemps caché par les ronces

«C’est un bel édifice et ça va nous faire une belle image de marque. Ce patrimoine, il faut le garder», s’enthousiasme le conseiller municipal André Barjolle, venu prêter main-forte . «Le laisser démolir serait un manque de reconnaissance envers nos anciens», renchérit le citoyen Éric, 64 ans, déjà présent lors de la séance du 6 août. «On a connu un temps où on ne voyait pas le four à chaux tellement il était envahi de ronces», témoigne Marie, une voisine qui a entendu parler du chantier sur un groupe Facebook. Avec son mari Francis, ils habitent à 300 mètres du chantier. Ils tiennent des chambres d’hôte. «Cela va permettre de raconter l’histoire du vignoble», se réjouit la riveraine, ravie de cette future activité touristique à proposer.

Marie, qui tient des chambres d’hôte à quelques centaines de mètres du chantier, est venue participer en ce 14 août. LT/Le Figaro

Si l’utilisation future de ce lieu n’est pas encore tranchée, l’idée est tout de même de pouvoir y faire monter les visiteurs pour leur donner une vue d’ensemble sur le marais. Et de leur raconter l’histoire industrielle du village. Vers 1825, Jacques Vidie, un homme d’affaires nantais, fit édifier le four à chaux. Huit ans plus tard, il fut repris par le négociant Victor Duhoux. Ce lieu, situé jadis près de l’ancien port du Montru, était une véritable institution. Avant la création de la digue de la Divatte, le calcaire était acheminé par la Loire. Une fois transformée en chaux, cette substance blanche était particulièrement prisée des vignerons. Tout le vignoble nantais venait se servir.

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Mais ce four ne servit qu’une trentaine d’années. Avant de cesser de fonctionner et de se déliter à petit à feu. L’élu Bernard Lambert, adjoint à l’urbanisme, se souvient avoir essayé de convaincre l’ancienne propriétaire de le récupérer. En vain. Ce n’est qu’à sa mort que la mairie a pu trouver un accord avec ses descendants et l’acquérir.

En septembre prochain, lors des journées du patrimoine, les visiteurs pourront assister à des démonstrations de pose de pierres de l’entreprise Benaiteau, qui gère le chantier, et d’une association de sculpteurs. Le maire garde l’espoir de pouvoir présenter un chantier finalisé en septembre 2026. Une énigme subsiste autour du sort de la maison du chaufournier. Trop chère à réhabiliter en l’état, la mairie se laisse un peu de temps. L’idée de reproposer des chantiers participatifs fait partie des hypothèses.

Parmi les participants, des élus sont présents ce jeudi 14 août. LT/Le Figaro