«Ils nous narguent et veulent revenir» : à Marseille, une résidence libérée des squatteurs par ses propriétaires
«Vous nous ouvrez ?», lance un policier à un individu retranché derrière la porte blindée d’un appartement de la résidence du Campus, ciblée ce jeudi matin par une vaste opération d’expulsion validée par la préfecture des Bouches-du-Rhône. «Non !», réplique avec défi le fauteur de troubles, un squatteur clairement identifié par l’association des copropriétaires qui mène une lutte acharnée pour le chasser. «Eh bien, on va ouvrir », annonce l’agent en donnant le feu vert à un serrurier chargé de faire sauter le verrou pour le faire sortir.
Le procédé, réalisé sous les yeux d’un huissier de justice, a abouti à l’évacuation d’une quinzaine d’appartements de cette copropriété du 14e arrondissement de Marseille écrasée par le squat. Depuis 2019, la résidence pourtant réservée aux étudiants était tombée entre les mains de centaines de sans-papiers et de trafiquants de drogue prêts à tout pour occuper les lieux. «J’en ai sorti une dizaine rien que dans ce couloir», affirme au Figaro Malik, propriétaire ayant lancé la contre-attaque.
En un an, lui et 144 propriétaires motivés sont parvenus à faire déguerpir plus d’une centaine de squatteurs occupant illégalement l’essentiel des 260 logements. L’entreprise, périlleuse, a largement mis en danger leur intégrité physique. «Un jour, ils m’ont repéré dans le hall d’entrée et m’ont encerclé. L’un d’eux était armé d’une machette, j’ai dû courir pour m’en sortir», souffle Malik, images de vidéosurveillance à l’appui. «99% d’entre eux sont armés d’un couteau», prévient-il alors que trois équipages de police s’activent pour expulser des contrevenants. «C’était sous leur lit», lance un policier en exhibant un Taser utilisé par trois squatteurs pour se défendre.
Opération de «sécurisation»
Rapide et coordonnée, l’opération a permis de mettre dehors des dizaines d’individus retranchés dans des appartements depuis parfois plusieurs mois. Mais ces derniers ne reculent devant rien, et n’hésitent pas à revenir à la charge alors que les forces de l’ordre ont le dos tourné. L’un d’entre eux, pourtant expulsé d’un logement manu militari, est retrouvé quelques instants plus tard... dans un autre appartement ! «Ils nous narguent et veulent revenir», soupire un policier le regard lancé vers un groupe de squatteurs hurlant sur ses collègues. «Je vais tous vous niq***. Je vais en prison, je m’en fous (sic)», provoque l’un d’entre eux, tandis qu’un autre crie avec une pointe d’ironie un «Vive la France !».
Dans le sillage des policiers, plusieurs propriétaires gantés et équipés de combinaisons de protection partent à l’assaut des biens immobiliers libérés afin de les «sécuriser». Les meubles et matelas dégradés sont jetés par les fenêtres dans des bennes à ordures, le sol nettoyé et de nouvelles portes blindées sont installées. «Celle-ci fait 150 kilos et coûte 3000 euros. S’ils veulent rentrer, il faudra passer par le mur !», s’amuse à moitié un propriétaire équipé d’une disqueuse. De l’autre côté du corridor, une cloison est percée d’un trou béant.
«Ce sont les stigmates de toutes les effractions. Certains squatteurs n’hésitent pas à verrouiller nos appartements avec une chaîne», lâche Sébastien en retirant un placard. Le meuble laisse s’échapper des dizaines de cafards. «Les copropriétaires se sont unis pour faire des travaux de nettoyage. On a essayé de fédérer tout le monde, mais ce n’est pas une mince affaire ; il y a encore du squat», souligne Daniel*, dont les studios ont été occupés plusieurs mois. «On me les a vandalisés, ils ont cassé tout le mobilier. J’ai dû négocier avec eux puis refaire la porte. C’était un cauchemar», se remémore-t-il.
L’ensemble des appartements visés ont finalement été «vidés» en l’espace de deux heures grâce à l’action coordonnée de la police et de l’association des copropriétaires. Une valse bien huilée qui fait la fierté des copropriétaires, décidés à libérer à 100% leur résidence, une dizaine de procédures similaires étant attendues dans les prochaines semaines. «Lui, c’était un dangereux : il vendait des médicaments et de la drogue à tous les squatteurs. Il est enfin parti aujourd’hui», se félicite Malik qui précise que l’achat du matériel utilisé pour sécuriser les lieux et l’emploi d’huissiers revenaient à la charge des propriétaires.
Entre les dépôts de plainte et l’exécution de la procédure, il faut compter entre six mois et un an pour une expulsion. C’est trop long
Malik, propriétaire d’appartements de la résidence du Campus
«On a fait un gros coup», résume Matthieu en restant prudent. «Le problème maintenant, c’est le retour de flamme. Dans le meilleur des cas, ils reviennent. Et dans le pire, ils incendient», prévient le propriétaire en faisant allusion aux nombreux départs de feu qui ont détruit plusieurs appartements ces derniers mois. «Des expulsions comme ça, j’en fais tous les jours dans les quartiers nord de Marseille», témoigne le serrurier en quittant le Campus. Une vingtaine de studios seraient encore occupés dans la résidence, contre 37 dans la matinée.
«Entre les dépôts de plainte et l’exécution de la procédure, il faut compter entre six mois et un an pour une expulsion. C’est trop long», regrette Malik. «J’espère qu’on va en arriver à bout. Beaucoup de gens n’ont pas récupéré leur bien après trois ans. Le combat n’est pas facile et sera terminé quand il n’y aura plus de squats», annonce-t-il.
*Le prénom a été modifié