«J’allais en équipe de France en me disant qu’on n’allait pas gagner...», les extraits exclusifs de l’autobiographie de Yoann Huget
«Quand tu reçois la lettre du comptable du Stade t’annonçant ton solde de tout compte...»
«La petite mort du sportif du haut niveau, je ne l’ai pas connue tout de suite. Cette saison-là, le Stade Toulousain fait le doublé Coupe d’Europe-Top 14. Un moment exceptionnel pour le club, auquel je participe à ma manière. Mais arrive le 30 juin. Et là, ça s’arrête vraiment… Je sors de tous les fichiers. Je ne suis plus répertorié comme rugbyman. Ça, c’est une petite mort. Quand tu reçois la lettre du comptable du Stade t’annonçant ton solde de tout compte, ça fait quelque chose. Je ne connaissais pas cette procédure, et ça me surprend. Tu sors également de tous les groupes WhatsApp. Celui du club, celui des joueurs, celui des cadres. Ton adresse mail, au nom du Stade Toulousain, est supprimée. Tu es effacé… Dans un premier temps, c’est vraiment dur à vivre. Je me souviens de ce moment où je dois leur rendre mon téléphone portable pour qu’ils regardent si tu as encore des contacts avec le groupe. J’avais des rapports très proches et quotidiens avec tout le monde au Stade, les coéquipiers, le staff médical, les personnels administratifs. Et, d’un coup, je perds toutes ces relations, toute cette vie-là disparaît le 30 juin. C’est violent. Tu étais en train de discuter avec les gars sur le groupe et, d’un coup, ciao ! C’est comme une rupture amoureuse.
«Pour rien au monde, je n’aurais refusé une sélection de l’équipe de France»
«On est la génération qui a connu des défaites encourageantes. C’était difficile à vivre. (…) Durant toutes ces années, j’allais en équipe de France en me disant qu’on n’allait pas gagner, que ça allait encore mal se passer. Des joueurs refusaient d’ailleurs carrément de venir en sélection. Ils ne se sentaient pas investis dans le projet de l’équipe de France. Quand on est toujours remplaçant, voire jamais sur la feuille de match… Certains mecs se disaient que, vu les résultats, ils préféraient rester chez eux. Mais il n’y avait pas de jugement de notre part. S’ils n’avaient pas envie de venir, il valait mieux, effectivement, qu’ils ne viennent pas. Certains, dès qu’il y a un peu de concurrence, préfèrent baisser les bras. J’ai toujours aimé porter ce maillot de l’équipe de France, donc je ne me suis jamais posé cette question. Pour rien au monde, je n’aurais refusé une sélection de l’équipe de France.»
«Il y a des matchs où j’ai eu des trous noirs»
«Les commotions cérébrales, au début, on en rigolait. « Ah, toi aussi, t’as été mis K.-O.… » Je me souviens d’un match entre la Nouvelle-Zélande et la France lors d’une tournée, en juin 2013. En face, il y avait René Ranger. Sur une percussion, j’essaye de le plaquer et je m’assomme. Je prends un gros K.-O. Le docteur vient me voir sur le terrain et me dit : « Tu es obligé de rester, on ne peut plus faire de changements…» Je reste donc et, derrière, je me prends deux ou trois chandelles sur la tête. J’étais alors en chambre avec Wesley Fofana. Il me confiera plus tard : «Tu étais tellement à l’ouest ! Quand je voyais tes yeux…! » Il y a eu des matchs où j’ai eu des trous noirs. Mais, avec l’évolution des connaissances, j’ai fait plus attention. Tu comprends que c’est ta santé et ton après-carrière qui sont en jeu.»
«Nous n’estimions pas beaucoup Ugo Mola au début, je l’avoue»
«En 2015, Guy (Novès) s’en va, Ugo (Mola) arrive à la tête d’un groupe pro-Guy. Car, il ne faut pas se mentir, nous étions tous pro-Novès. Au début, Ugo en a chié fort. Si ce n’est pas Toulouse, je pense même qu’il aurait pu se faire écarter. Il reste en place alors que c’est la première année où on ne se qualifie pas pour le Top 6, la phase finale du championnat. Mais c’est aussi la force du Stade Toulousain d’être patient. (...) C’était très dur, je le reconnais. Personne ne faisait de cadeaux à Ugo. On remettait en cause sa légitimité, sa crédibilité. Quand tu as l’habitude de bosser depuis vingt ans avec une méthode, une formule, qui a fait ses preuves, et lui, jeune entraîneur qui arrive d’Albi… Ce n’était pas le coach que nous attendions. Nous ne l’estimions pas beaucoup au début, je l’avoue. Mais Ugo a été intelligent. Il n’a pas fait de vagues malgré les embûches. Mais il n’a pas oublié cette période. Quand tu lui en parles, c’est toujours un peu à vif. Il en a bavé pendant deux ans. Et deux ans, c’est long.»