Michel Barnier pourrait devenir le premier ministre le plus éphémère de la Ve République
«J’ai bien aimé la manière dont vous m’avez donné, non pas des leçons, mais les enseignements, même si ça n’a duré que huit mois, que l’on apprend quand on est premier ministre». Ce mercredi 4 décembre au soir, ces quelques mots auront peut-être mal vieilli. Lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur à Matignon, Gabriel Attal, Michel Barnier s’était gentiment moqué de la durée de son mandat. À l’issue d’une motion de censure très attendue, qui sera débattue dans l’après-midi et votée dans la soirée à l’Assemblée nationale, l’ancien commissaire européen pourrait devenir le plus éphémère ministre de la Ve République.
Car si elle est adoptée, le gouvernement sera contraint de démissionner, et le premier ministre présentera la sienne au président de la République. Michel Barnier aura alors passé 91 jours à Matignon. Il ne serait que le deuxième chef de gouvernement à être renversé par une motion de censure, après Georges Pompidou en 1962. Avant lui, plusieurs premiers ministres ont effectué de brefs passages à Matignon. Mais jamais d’aussi courts. Le Figaro passe en revue les cinq premiers ministres les plus éphémères de la Ve République.
Bernard Cazeneuve : 161 jours
Quand Bernard Cazeneuve est nommé à Matignon par François Hollande le 6 décembre 2016, il sait déjà qu’il effectuera le plus court mandat de la Ve République au poste de premier ministre. C’est mécanique, puisque l’élection présidentielle approche. Successeur de Manuel Valls, qui a quitté son poste pour se présenter à la primaire citoyenne, il démissionne le 10 mai 2017 et expédie les affaires courantes en attendant la nomination d’un nouveau gouvernement, après la prise fonction du nouveau président Emmanuel Macron. La passation de pouvoir, avec Édouard Philippe, se déroule le 15 mai, date à laquelle ses fonctions prennent officiellement fin.
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Gabriel Attal : 240 jours
Plus jeune premier ministre de l’histoire devant Laurent Fabius, Gabriel Attal est également le deuxième plus éphémère. Nommé le 9 janvier 2024, il succède à Élisabeth Borne. Durant son mandat, il fait face au mouvement national de protestation des agriculteurs, mais surtout à la débâcle des élections européennes, au cours desquelles le Rassemblement national devance très largement le parti macroniste. Gabriel Attal devient alors la première victime de la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron le 9 juin. Malgré une démission remise le 8 juillet, d’abord refusée puis acceptée le 16 juillet par Emmanuel Macron, il ne quittera officiellement son poste que le 5 septembre. Gabriel Attal détient ainsi un autre record : celui du gouvernement démissionnaire à la plus grande longévité depuis la Seconde guerre mondiale.
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Edith Cresson : 322 jours
Première femme à accéder au poste de premier ministre, Edith Cresson aura elle aussi tenu moins d’un an. À l’époque, François Mitterrand la préfère à Robert Badinter et Roland Dumas. Mais elle refuse le poste dans un premier temps, visant plutôt le ministère de l’Économie. Edith Cresson est finalement nommée le 15 mai 1992, et met un point d’honneur à être nommée «Monsieur le premier ministre», pour marquer le degré d’élévation de cette responsabilité. Le 2 avril 1992, la première femme chef de gouvernement fait aussi les frais d’élections ratées, après le revers de la gauche aux élections régionales de mars 1992. Battant des records d’impopularité, elle est démise de ses fonctions et remplacée par Pierre Bérégovoy.
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Maurice Couve de Murville : 345 jours
Fidèle du général de Gaulle, dont il sera le ministre des Affaires étrangères pendant près de dix ans, Maurice Couve de Murville accède à Matignon le 10 juillet 1968 après les élections législatives, en remplacement de Georges Pompidou (qui y détient, lui le record de longévité). En avril 1969, il fait les frais de la démission de Charles de Gaulle de la présidence de la République et quitte officiellement son poste le 20 juin 1969. Pour la petite histoire, il détiendra longtemps le record du gouvernement le plus restreint (18 ministres), jusqu’à François Fillon (15 ministres).
Pierre Bérégovoy : 362 jours
«Je savais que lorsque Mitterrand me nommerait premier ministre, ce serait parce que c’est foutu». Peu avant sa nomination à Matignon, le 2 avril 1992, Pierre Bérégovoy pressentait que son mandat allait être compliqué. Nommé après la défaite de la gauche aux élections régionales et cantonales, il doit faire face à des instructions judiciaires pour corruption touchant des proches de François Mitterrand et à la récession économique qui frappe le pays. Il sera débarqué un an plus tard, le 29 mars 1993, après un nouveau revers de la gauche, cette fois aux élections législatives. Pour l’anecdote, Pierre Bérégovoy aura été l’une des rares personnalités à cumuler la fonction de chef du gouvernement et un portefeuille ministériel, celui de la Défense. Jusqu’à... Michel Barnier, il était aussi le premier ministre le plus âgé lors de sa nomination (66 ans).