«Un fardeau considérable pour la santé»: la pollution de l'air, cause majeure de maladies chroniques en France
Combien de cas d’asthme, de diabète ou d’infarctus du myocarde sont causés par la pollution de l’air en France ? Pour la première fois, une étude dévoilée mercredi par Santé publique France quantifie le poids sanitaire de deux polluants issus des activités humaines, le dioxyde d’azote (NO₂) et les particules fines (PM 2,5), pris comme indicateurs de la qualité de l’air sur le territoire français.
Les scientifiques estiment que, selon le polluant et la pathologie étudiés, 12 à 20 % des maladies respiratoires de l’enfant (asthme et infections aiguës) sont imputables à cette exposition environnementale, ce qui représente entre 7000 et 40.000 cas. Chez l’adulte, l’exposition à long terme à la pollution atmosphérique est à l’origine de 7 à 13 % des maladies respiratoires (asthme, cancer du poumon et bronchopneumopathie chronique obstructive, ou BPCO), cardio-vasculaires (AVC, infarctus aigu du myocarde, hypertension artérielle) et métaboliques (diabète de type 2). Soit entre 4000 et 78.000 nouveaux cas en France métropolitaine chaque année.
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« Notre étude montre que plusieurs dizaines de milliers de nouveaux cas de maladies seraient évitables si on réduisait le niveau de ces polluants atmosphériques, souligne la directrice générale de l’agence sanitaire, Caroline Semaille. Ces résultats, qui permettent de rendre visible l’impact sanitaire de la pollution, appellent à une action collective et individuelle forte de réduction des émissions », en actionnant tous les leviers possibles, au niveau local et national. Une diminution des polluants atmosphériques, à l’exception de l’ozone, a déjà été mesurée ces dernières années.
Le dioxyde d’azote est un gaz principalement émis par les pots d’échappement des voitures, tandis que les particules fines, dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns, proviennent du trafic routier, du chauffage au bois, de l’agriculture et de l’industrie. Plus fines qu’un cheveu, elles ont la faculté de pénétrer très profondément dans l’appareil respiratoire et d’atteindre la circulation sanguine qui les transporte jusque dans les organes où elles causent des dommages. Une précédente étude de Santé publique France avait évalué à 40.000 le nombre annuel de morts prématurées attribuables aux particules fines.
Zones urbaines denses
Selon l’étude, les impacts sanitaires sont plus lourds dans les zones urbaines densément peuplées. « Mais on voit bien que l’ensemble de la population française, dans toutes les régions, est surexposée en raison de la multiplicité des sources de pollution », souligne Sébastien Denys, directeur santé, environnement et travail de l’agence. Les enfants, dont l’appareil respiratoire est en développement, constituent une population particulièrement vulnérable. Leur risque est augmenté durant l’exposition, mais aussi plus tard à l’âge adulte. Les personnes âgées, les malades chroniques, les femmes enceintes, les sportifs, les travailleurs en extérieur et les fumeurs sont aussi des catégories plus à risque.
À partir de leurs estimations, les scientifiques évaluent le nombre de pathologies évitables par la mise en œuvre des valeurs de référence définies par l’Organisation mondiale de la santé. Pour les particules fines, ils estiment par exemple que 30.000 diagnostics annuels d’asthme chez l’enfant et l’adolescent pourraient être prévenus, ainsi que 16.400 BPCO, une maladie respiratoire de l’adulte très invalidante, ou encore 7400 accidents vasculaires cérébraux.
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D’un point de vue économique, ce facteur de risque environnemental est très onéreux pour la collectivité : le coût est évalué à près de 13 milliards d’euros pour les particules fines et à 4 milliards pour le NO₂. Les chercheurs de l’Aix-Marseille School of Economics qui ont effectué ce calcul ont pris en compte la prise en charge des soins – consultations, médicaments, hospitalisations -, ainsi que les arrêts de travail, les retraites anticipées et la perte de bien-être pour les patients.
« Une réduction de la pollution atmosphérique générale aurait de nombreux co-bénéfices qui ne peuvent être mesurés du fait d’un manque de données scientifiques », précise toutefois Sébastien Denys. L’étude s’est en effet cantonnée aux deux polluants les mieux mesurés (en excluant les particules très fines) et aux huit pathologies pour lesquelles un lien scientifiquement avéré a été établi avec le NO₂ et les PM 2,5. Mais de nombreux autres problèmes de santé, par exemple les démences et les naissances prématurées, sont suspectés d’être favorisés par la pollution de l’air. La Commission européenne s’est engagée à réduire, d’ici à 2030, l’incidence de la pollution atmosphérique sur la santé de plus de 55%.