Violences, couches trop petites, encadrement défaillant : une crèche fermée en urgence à Lyon
Un condensé des pratiques scandaleuses des crèches privées, à quelques rues à peine de la structure où une éducatrice avait tué un nourrisson il y a trois ans. La crèche Girofle, exploitée par le groupe La Maison Bleue (poids lourd français du secteur) dans le quartier de Gerland, a été fermée par la métropole de Lyon mi-décembre pour une durée de trois mois, selon une information du Figaro. Cette «suspension temporaire d’activité» fait suite à une visite inopinée le 26 novembre d’inspecteurs de la Protection maternelle et infantile (PMI), en charge du contrôle des crèches, elle-même déclenchée par plusieurs plaintes de parents inquiets et des signalements de mauvais traitements par un médecin. Selon nos informations, le praticien a directement écrit à la PMI pour rapporter des violences physiques et psychiques.
Au milieu de l’hiver dernier, la PMI avait déjà reçu une alerte d’un employé de cette crèche sise au 30 rue Pré Gaudry. Elle mentionnait des violences physiques et des négligences sur certains des 25 enfants accueillis. «L’élément déclencheur c’est cette information préoccupante au 119 mettant en cause une professionnelle pour des violences physique et psychologique» confirme Lucie Vacher (EELV), vice-présidente à la métropole en charge de la petite enfance. Une information qui ne serait cependant pas remontée jusqu’à la direction du groupe, assure au Figaro La Maison Bleue. Le groupe n’aurait donc, selon ses dires, pu identifier la professionnelle en question, ni lancer les procédures disciplinaires habituelles.
«Nous n’avons aucune tolérance pour ce genre de faits, qui sont très graves, assure le service communication du groupe. Nous mettons la personne à pied et pouvons même porter plainte contre les professionnels concernés pour avoir une trace s’ils postulent ailleurs ensuite». Cela n’a pas été le cas à la crèche de la rue Pré-Gaudry. La Maison Bleue assure toutefois avoir procédé à un changement intégral de l’équipe début décembre, assurant que la professionnelle accusée de violences n’est plus présente.
«Danger imminent pour la santé des enfants»
En novembre, une salve de plaintes de parents avait fait état d’une «inquiétude importante» concernant les conditions d’accueil des enfants, leur sécurité physique et affective qui apparaissait «compromise». L’enquête administrative lancée par la métropole de Lyon devrait permettre d’y voir plus clair quant aux erreurs et aux responsabilités de chacun. Ces errements ne datent en tout cas pas de l’automne 2024. Le rapport de fin novembre établi par la PMI faisait état de «la persistance de nombreux dysfonctionnements» repérés au fil des mois, voire des années précédentes. Et concluait à «un danger imminent pour la santé, la sécurité, le développement physique, affectif, intellectuel et social des enfants accueillis au sein de l’établissement».
Le document soulignait un encadrement défaillant en raison d’un renouvellement régulier des professionnels et d’une organisation fragilisée «propice aux négligences et aux attitudes inadaptées des professionnels envers les enfants». Des enfants accueillis aussi de manière «inadaptée» dans «des conditions d’hygiène non conformes». L’arrêté de fermeture mentionne des locaux sales et en désordre, ainsi qu’un défaut d’entretien. Le linge y est «très usagé» et disponible en «quantité limitée». Quant au lait maternel apporté par les parents, il n’est pas pris en charge dans les conditions d’hygiène prévues. Les tailles de couches, enfin, «ne correspondent pas aux enfants car les stocks doivent être utilisés». La Maison bleue dément ce dernier point et assure avoir mis en place des formations en matière d’hygiène.
Ni activités, ni infirmier
Le siège de la Maison bleue met en avant «un turnover naturel» avec des changements de directrices successifs et des «professionnelles compétentes». Problème, la PMI a noté des effectifs trop faibles pour assurer le taux d’encadrement réglementaire. Quant au niveau de diplôme, il est également inférieur aux critères du code de santé publique. Dans ces conditions, l’accueil des enfants se faisait régulièrement «en surnombre». Si bien que la directrice se trouvait contrainte de travailler sur le terrain pour garantir un semblant de garde. Semblant seulement puisqu’aucune activité pédagogique n’était mise en place.
«Les professionnels, en nombre insuffisant et en grande difficulté, ne sont pas en capacité de répondre aux besoins des enfants et, notamment, l’organisation du sommeil, des repas, des changes», notait aussi la métropole mi-décembre. Les siestes par exemple n’étaient pas surveillées en raison de cette tension en ressources humaines. Et aucun professionnel n’était titulaire du diplôme d’infirmier comme prévu par la loi. «L’ensemble de ces éléments ne permettent pas d’assurer la santé, la sécurité, le bien-être et le développement physique, psychique, affectif, cognitif et social des enfants confiés», concluait la métropole.
Dans ces conditions, les formations, mises à niveau et recrutements mis en avant par La Maison bleue risquent d’avoir bien du mal à convaincre les services métropolitains lors de la rencontre qui doit se tenir en cette fin janvier pour une éventuelle réouverture.